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Ces règles qui évoluent : « Ils se sont fait(s) l’écho »

Les règles d’orthographe et de grammaire de notre langue semblent gravées dans le marbre. Pourtant, si l’on compte les variantes, les tolérances, les exceptions, les évolutions, il n’en est rien ! Aujourd’hui, nous allons parler d’une tournure pronominale qui cause quelques « remous » chez les experts et les passionnés de la langue française : « se faire l’écho ».

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« Se faire l’écho » : une expression figée

Jusqu’à présent, l’on considérait que, dans l’expression « se faire l’écho », le participe passé était toujours invariable. La raison invoquée était la suivante : le complément d’objet direct (COD),
« l’écho », est placé après le verbe. Pour faire apparaître ce COD dans « ils s’étaient fait l’écho », on posait la question « Ils s’étaient fait quoi ? », « l’écho ». Le pronom réfléchi « se » ne jouait aucun rôle dans l’accord.

On écrivait donc : « elle s’était fait l’écho », « ils se sont fait l’écho »… Comme s’il s’agissait d’une expression figée, en quelque sorte.

Le professeur agrégé de lettres modernes et champion du monde d’orthographe Bruno Dewaele, expert au Projet Voltaire, suivait donc cette règle. Celle-ci figurait dans l’entraînement Projet Voltaire.

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Sandrine Campese - experte Projet Voltaire Avis de l’experte – Sandrine Campese, membre du comité d’experts Projet Voltaire

L’invariabilité dans les ouvrages de référence

Cette invariabilité prend notamment sa source dans Le Thomas, du nom d’Adolphe V. Thomas, le chef des services de correction des dictionnaires encyclopédiques du français, édité par Larousse. Également, le Larousse pratique (mais pas le Petit Larousse) et le Girodet (du nom de Jean Girodet).

Cette règle, qui peut paraître arbitraire (mais n’est-ce pas le propre de toute règle ?), est donc attestée dans les « ouvrages de référence », selon la formule consacrée.

Notons, néanmoins, que ni Le Petit Robert ni l’Académie française n’ont cru bon de s’exprimer sur ce point. Dans la 9e édition de son dictionnaire, la haute institution semble (volontairement ?) éluder la question, ne donnant que des exemples… au masculin singulier ! « Se faire l’écho d’une rumeur, d’une nouvelle, d’une opinion, d’une préoccupation, la répandre, en faire état. Il se fait l’écho de toutes les médisances. Par extension. Exprimer, mentionner avec insistance. Le député s’est fait l’écho, lors du débat, des inquiétudes de son électorat. »

Est-ce que, en la matière, qui ne dit mot consent (à l’invariabilité) ?

Les critiques des grammairiens

Çà et là, des voix se sont élevées pour exprimer leur désaccord. Non, l’invariabilité ne doit pas s’imposer à tout prix. L’accord de « fait » doit être toléré, voire préféré !

Voici ce qu’explique, avec beaucoup de clarté, l’auteur de l’excellent blog La grammaire de Forator :

Ici, se faire serait l’équivalent d’un verbe d’état. « Elle s’est faite l’écho » = elle est devenue l’écho, elle s’est rendue semblable à l’écho (de tel événement, de telle nouvelle, de tel argument, etc.).

Jusqu’alors, on s’appuyait sur l’expression semblable « se faire jour », laquelle est invariable (l’on parle des vérités « qui se sont fait jour ») mais, en réalité, les deux expressions diffèrent trop pour se soumettre à une règle commune. En effet, dans « se faire jour », se faire est un verbe d’action.

De plus, jour est dans la position d’un objet (à atteindre au terme d’un processus) : c’est le COD du verbe pronominal. Écho, lui, est en position d’attribut du sujet. Il n’y a pas entre jour et le sujet l’identité qu’il y a entre ce sujet et la notion d’écho. L’argument clé est celui-ci : dans se faire jour le pronom se est complément d’attribution (= à soi), alors que dans se faire l’écho le pronom est réfléchi (= soi-même).

L’accord dans les ouvrages de référence

D’autres sources, plus méconnues mais non moins toutes sérieuses, acceptent les deux. C’est le cas de l’Office québécois de la langue française ou encore du Jouette, du nom d’André Jouette, correcteur d’édition spécialisé dans les dictionnaires et encyclopédies.

De même, le grammairien belge Joseph Hanse écrit-il : « Se faire l’écho de est considéré par certains dictionnaires comme une expression plus ou moins figée où le participe est invariable […]. Mais la logique et l’usage autorisent – et même recommandent – l’accord, comme on le ferait dans Elle s’est faite la protectrice des réfugiés […]. »

Mais, alors, qu’en pense Bruno Dewaele ? Pour notre expert, « l’invariabilité du participe passé de faire dans « se faire l’écho de » est battue en brèche depuis longtemps ». Et d’ironiser, avec la spontanéité qu’on lui connaît : « Cela ne m’empêche pas de dormir ! »

Précisons que, faute d’être « tranchée », la règle a été supprimée de l’entraînement au Projet Voltaire.

En conclusion, que dire ?

Difficile, désormais, de défendre l’invariabilité bec et ongles ! La « logique » voudrait que l’on acceptât de dire et d’écrire les deux, comme c’est déjà le cas pour bon nombre de règles orthographiques et grammaticales. Dans cette expression, donc, sentons-nous libres d’accorder fait si cela nous sied.

Quand on vous dit que la langue française est une langue de… tolérance(s) !

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Comme Anton, j’allais écrire que dans « se faire l’écho », selon moi, le COD de « faire » est le pronom réfléchi. « Echo » est attribut du COD (et non du sujet). C’est une construction tout à fait comparable à « elle s’est faite nonne » et l’accord avec le COD (donc indirectement avec le sujet, puisque l’objet est un réfléchi) est de mise. Tout au plus peut-on objecter que la métaphore qui consiste à dire qu’une personne se transforme en écho de quelque chose (pour dire qu’elle le répète) est un peu tirée par les cheveux. Mais si la métaphore était de dire « faire écho à » pour « répéter », on n’aurait pas besoin du pronom « se ». Ce pronom ne peut pas ici avoir d’autre fonction que celle de COD, celle de COI étant exclue pas le sens (on ne fait pas écho à quelque chose « à soi »).

Je ne partage pas votre analyse.

Dans « se faire l’écho », « l’écho » est un attribut et « se faire » signife « faire de soi ». Le réfléchi « se » est ici objet direct. Il est donc normal d’accorder l’expression, comme il serait normal de dire, par exemple, « Elle s’est faite l’interprète de notre douleur ».

Dans « se faire jour », en revanche, il n’y a pas d’accord parce que « faire jour » signifie à l’origine « ouvrir un passage » et « se faire jour » signifie donc « faire jour à/pour soi ». « Se » est donc ici objet indirect.

    Bonjour Anton, j’ai transmis votre remarque à Bruno Dewaele qui me répond la chose suivante : « Les ouvrages de référence que nous utilisons sont quasi unanimes à défendre l’invariabilité dans une expression considérée comme figée. Mais les contestations se font de plus en plus vives, et elles ne sont pas dénuées d’arguments. » Nous allons voir, s’agissant du Projet Voltaire, comment lever toute ambiguïté concernant cette règle. Merci de votre intervention constructive, en tout cas. Bon après-midi.

    Bonsoir Virginie, on écrit « Chaque Réunionnais doit savoir à quoi servent ses impôts » puisqu’en mettant la phrase à l’endroit, cela donne : « Chaque Réunionnais doit savoir à quoi ses impôts servent ». Bonne soirée.

Je ne suis pas d’accord avec vous sur l.expression “Se faire l’écho”. Comme Grevisse, je pense que le participe passé FAIT doit s’accorder. En effet, si l’on prend l’exemple de la presse qui se fait l’écho de quelque chose, cela signifie que la presse devient elle-même l’écho (sauf à considérer qu’elle ne travaille que pour elle-même!). L’écho n’est donc pas un complément d’objet direct mais un attribut, comme dans : “Ils se sont faits les porte- parole”.
Cordialement. JM Gaussot

    Bonjour et merci de partager votre point de vue avec nous. À ce jour, la règle est celle de l’invariabilité du participe passé faire (que l’on retrouve dans d’autres « configurations », par exemple « fait » + infinitif). Mieux vaut s’y conformer au risque de commettre une erreur. Bonne journée !

      La règle de l’invariabilité du participe passé FAIT ne s’applique que devant un infinitif. La grenouille s’est FAITE plus grosse que le bœuf, et ils se sont FAITS les interprètes. L’accord est ici obligatoire.

          Désolé de revenir à la charge, mais la presse ne se fait pas l’écho à elle-même (ou alors elle travaillerait pour elle-même !), elle se fait elle-même l’écho. C’est pourquoi Grevisse, dans le Bon Usage, indique que le participe passé de « se faire l’écho » «s’accorde toujours ». Et il cite cette phrase d’André Billy : « Les Goncourt se sont faits l’écho de certaines de ses confidences à ce sujet ». Pour ma part, je suis d’accord avec cegrand grammairien qu’était Maurice Grevisse. Cordialement. JM Gaussot

Bonjour,

J’aimerais mieux comprendre l’analyse grammaticale que vous proposez.

Si, dans « se faire l’écho », on considère que « l’écho » est le COD, alors quelle est la fonction grammaticale du pronom « se » ? Si l’on développait la phrase en substituant un autre terme à ce pronom, que cela nous donnerait-il ?

Merci.

SALUT À TOUT LE MONDE ICI !
Je suis vraiment plus que content de faire partie des membres de ce fameux site d’échange, de donner et de recevoir…

Faut-il faire des accords au niveau des verbes de cette phrase, qui dit ceci ?

Elles se sont « faites » l’écho d’une opinion qui s’était « faite » jour, puis se sont « faites » élire et se sont « faites » les championnes de cette cause.

MERCI !

    Bonsoir Traoré et merci de votre message très enthousiaste ! Pour répondre à votre question, on écrit : Elles se sont fait l’écho d’une opinion qui s’était fait jour, puis se sont fait élire et se sont faites les championnes de cette cause. Bonne soirée et à bientôt !

Bonsoir,

Le Grévisse mentionne cette règle : « le participe passé d’un verbe pronominal suivi d’un attribut du pronom réfléchi s’accorde généralement avec ce pronom réfléchi » et donne pour exemple :
Cosette s’est toujours crue laide.
Les Goncourt se sont faits l’écho de certaines de ses confidences.

Dans l’expression « se faire l’écho » , » l’écho » n’est pas COD mais attribut ? Le participe passé n’est donc pas invariable.

Suite à la question de Roger sur http://www.question-orthographe.fr , le mois que l’on puisse dire est que la question a divisé les intervenants, comme elle divise les grammairiens reconnus ! Le consensus sur l’invariabilité se fait finalement plus par lassitude plus que par conviction grammaticale.
Et vous Sandrine, vous ne vous êtes pas faite l’avocat du diable en prenant position ! (deux schismes dans la même phrases, c’est beau, non ?)

    Bonsoir Chambaron, quel plaisir de vous lire à nouveau ici ! Concernant « se faire l’écho », qu’on avance l’existence d’un COD, l’expression figée ou que sais-je encore, l’essentiel est de respecter l’invariabilité. Plaider la cause de l’attribut du sujet pour espérer modifier la règle, me semble, dans l’état actuel des choses, un peu cavalier !

Dans cette expression, se faire l’écho, l’écho ne serait-il pas plutôt un attribut du sujet; « se faire » étant attributif occasionnel; autre exemple: ils se sont faits beaux pour sortir; elles se sont faites belles pour aller au bal.
N’est-ce pas la même chose. Merci beaucoup.