La panacée universelle, collaborer ensemble, voir de ses yeux : les pléonasmes (2/4)

Poursuivons notre série sur les pléonasmes ! Si certains semblent évidents (monter en haut, descendre en bas, geler de froid…), d’autres sont plus subtils et coulent des jours heureux dans nos conversations, lesquelles gagneraient pourtant en légèreté et en clarté si elles en étaient débarrassées. Voici quelques pléonasmes à éradiquer, et d’autres à conserver…

Des pléonasmes à bannir

Panacée universelle

Dans sa chanson Le Sirop Typhon, Richard Anthony loue « l’universelle panacée ». Or, la panacée est déjà un remède universel, capable de guérir tous les maux, de résoudre tous les problèmes. Littéralement donc, panacée universelle signifie « remède universel universel ». Notons au passage que le préfixe grec pan-, présent dans « panacée », veut dire « tout ». Ainsi, le « pantophobe » est celui qui a peur de… tout !

On évite aussi : « la panacée de tous les maux » et « une panacée qui guérit tout ».

Loin de nous l’idée d’incriminer Richard Anthony ! De grands auteurs ont aussi employé « panacée universelle ». Jugez plutôt :
« Il n’y a pas de panacée universelle pour le chagrin. » (Chateaubriand)
« Ce cabinet où résidait la panacée universelle, le crédit. » (Balzac)
« Il n’entendait rien à la médecine et appliquait ce maudit émétique à tous les maux. C’était sa panacée universelle. » (Colette)

Collaborer ensemble

Dans « collaborer », on reconnaît le préfixe latin cum-, qui signifie « avec, ensemble », et le verbe laborare. Littéralement, donc, « collaborer ensemble » signifie « travailler ensemble ensemble » ! On dira, tout simplement, que telle et telle personne « ont collaboré » à tel projet ou « ont travaillé ensemble ».

On évite aussi : « se concerter ensemble » et « convenir ensemble » (le préfixe latin cum- est également présent dans ces deux verbes).

Opposer son veto

Le latin veto signifiant « j’interdis », « je m’oppose », l’expression « opposer son veto » revient à dire « j’oppose mon opposition ».

On remplace par : « mettre son veto » à telle décision ou « s’opposer » à telle décision.

Un pléonasme toléré

Voir de ses yeux

Le verbe voir a un sens assez large. En effet, il ne sollicite pas qu’un sens. Vous suivez ? Imaginons que vous êtes dans une parfumerie. Un ami essaie un parfum qu’il semble apprécier. « Fais voir ! », lui demanderez-vous peut-être. Ici « fais voir » veut dire « fais sentir ». De même, quand vous dites « Il me semble avoir déjà vu ça quelque part… », peut-être l’avez-vous simplement entendu. En revanche, si vous dites « je l’ai vu de mes yeux », on comprend que vous avez été le témoin oculaire d’une scène.

C’est dans ce souci de précision que déjà Vaugelas, grand grammairien du XVIIe siècle, considérait que « voir de ses yeux » était « fort bien dit ».

Enfin, « voir de ses yeux » peut être utilisé comme figure de style, ce que fait Molière dans Le Tartuffe quand il écrit : « Je l’ai vu, dis-je, vu, de mes propres yeux vu. »

Lire la suite :  Au jour d’aujourd’hui, un hasard imprévu, applaudir des deux mains : les pléonasmes (3/4)

Sandrine Campese

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Bonjour Sandrine,
Il y a beaucoup trop d’attestations de « l’universelle panacée » chez des écrivains pour que cela soit une maladresse accidentelle. Le lien (*) en fin de mon commentaire mène à des dizaines d’extraits d’ouvrages pourtant dument relus et corrigés.
Y a-t-il eu dans le passé une raison pour que cela ne fût pas considéré comme une redondance indigne de toutes ces plumes ? On ne trouve d’ailleurs de condamnation expresse dans aucun des ouvrages de référence (Académie, Féraud, Littré) avant la Seconde Guerre mondiale. Ils sont pourtant en général prompts à dénoncer ces abus. Voilà qui est intrigant…

* Liste Google Books : https://www.google.com/search?q=%22universelle+panac%C3%A9e%22&lr=lang_fr&tbs=lr:lang_1fr,sbd:1&tbm=bks&sxsrf=ACYBGNSny01JiYBniB4FxjieYP06xIfLmQ:1568712599608&ei=l6eAXdbXJPKMlwSTpqCIAw&start=150&sa=N&ved=0ahUKEwiW_4PqxdfkAhVyxoUKHRMTCDE4WhDy0wMIfg&biw=1064&bih=1155&dpr=1

Chère Sandrine, c’est toujours un plaisir de vous lire, d’apprendre et réapprendre notre belle langue si harmonieuse, qui ne s’apprivoise pas aisément, c’est vrai… mais lorsque c’est un peu dur c’est bien plus intéressant et gratifiant. Je suis heureuse et même fière, après quelques décennies de rapports quotidiens et étroits avec le français, de le parler comme ma langue maternelle, voire mieux. Rien de mieux, pour s’intégrer à un peuple, que de maîtriser sa langue et d’entrer ainsi dans sa culture.

    Merci Nina pour votre gentil message. C’est toujours un grand plaisir de savoir que l’orthographe et plus généralement la langue française passionnent nos lecteurs. Merci de votre fidélité et à bientôt !