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Ils ont fait le français : le vrai-faux de Vaugelas

Evrai ou fauxst-il encore besoin de présenter Claude Favre de Vaugelas, le plus grand grammairien français ? Au XVIIe siècle, il était l’un des hommes qui parlaient le plus correctement notre langue. Surnommé le « greffier de l’usage », Vaugelas établissait des règles en se basant sur le bon usage, celui des meilleurs auteurs de son temps et de la cour du roi. Il nous a laissé ses Remarques sur la langue française (1647), d’une étonnante modernité. La tentation était forte d’en extraire quelques-unes et de les soumettre à l’épreuve du temps. Quelles sont les règles qui ont survécu ? celles que nous avons abandonnées ? Pour la première fois, l’œuvre de Vaugelas passe le test du vrai-faux.

« Je prévois que le mot sécurité sera un jour fort en usage » : VRAI

Vaugelas ne croyait pas si bien dire en promettant un bel avenir à ce nouveau mot, introduit par le poète François de Malherbe. Vaugelas définissait la sécurité comme une « confiance assurée ». Trois siècles plus tard, le terme est devenu une préoccupation majeure de nos sociétés et ponctue les discours de nos politiques.

« Poitrine et face vont s’abolir peu à peu » : VRAI & FAUX 

Le grammairien ne comprenait pas pourquoi le mot « poitrine » était proscrit pour la simple raison qu’il qualifiait à la fois les hommes et les bêtes. Qu’il se rassure, la poitrine n’a pas disparu, et l’on parle volontiers d’une belle ou d’une forte poitrine pour décrire les seins d’une femme. En revanche, il est vrai que « face » a été remplacé par « visage » : son emploi est devenu péjoratif voire injurieux (« face de rat », « dans ta face »).

« Je préfère esclavage à esclavitude » : VRAI

Mille mercis à Vaugelas d’avoir mis son veto à l’inélégant « esclavitude », même s’il aurait ouvert la voie à Ségolène Royal et à sa « bravitude ». À noter que la notion d’esclavagisme, qui désigne l’organisation sociale et économique fondée sur l’esclavage, n’est apparue qu’à la fin du XIXe siècle.

« Dire chez Platon est insupportable » : FAUX

Pour Vaugelas, chez servait uniquement à désigner la demeure de quelqu’un. Il trouvait la tournure d’autant plus inadaptée aux auteurs anciens, qui, par définition, n’ont plus de logis ! La postérité lui a donné tort : aujourd’hui on dit plus volontiers « chez Amélie Nothomb » que « dans Amélie Nothomb », qui semble un tantinet déplacé.

« Il n’est pas permis de faire des verbes à sa fantaisie » : VRAI & FAUX

Vaugelas désapprouvait les verbes invectiver, ambitionner, occasionner, prétexter, alors que ceux-ci sont toujours d’actualité. Le grammairien autorisait cependant affectionner et se passionner. Qu’aurait-il pensé des millioniser, psychoter, césariser, zlataner ou agender présents dans nos publicités, nos journaux et, parfois même, nos dictionnaires ?

« C’est une espèce de barbarisme insoutenable que d’omettre les pas et les point » : VRAI

Aujourd’hui ce n’est plus l’adverbe « pas » ou « point » qu’on oublie, mais la particule « ne ». Certes à l’oral, cet oubli passe inaperçu car la liaison entre le pronom « on » et la voyelle qui commence le verbe qui suit donne l’illusion d’une négation. Ainsi, « on a pas faim » se prononce de la même manière que « on n’a pas faim ». Mais gare à l’écrit !

« Unir ensemble, voir de ses yeux, voler en l’air, sont fort bien dits » : FAUX

En matière de pléonasme, Vaugelas était bien plus tolérant que nous, et ce, pour trois raisons : 1/ Les pléonasmes sont employés par des auteurs anciens comme Virgile ou Cicéron, ils sont donc bons par nature. 2 / Il n’y a pas pléonasme dès lors que la répétition étend et renforce le sens du propos. 3/ Dans certains cas, le pléonasme parle à l’imagination, permet de représenter plus facilement une pensée.

« Il faut écrire sans dessus dessous » : FAUX

Vaugelas préférait cette orthographe à celle qui est en vigueur de nos jours (sens dessus dessous). Pour lui, la confusion était telle qu’il n’y avait plus ni dessus ni dessous. Aujourd’hui, nous privilégions l’explication suivante : ce qui était ou devait être en un sens (dessus) est en sens tout contraire (dessous).

« On dit de la réguelisse et erondelle est préférable à hirondelle » : FAUX

Ces deux exemples, qui nous font dresser les poils sur les bras, illustrent le fait qu’au XVIIe siècle, l’orthographe de certains mots n’était pas encore tout à fait fixée. Pour trancher, Vaugelas se référait à la forme employée par de grands auteurs ou choisissait tout simplement celle qui lui semblait la plus pure et la plus claire.

« Voire même est un terme nécessaire » : VRAI & FAUX

Vaugelas est partagé sur l’usage de cette expression. « On ne la dit plus à la cour », précise-t-il, mais il ne la condamne pas au motif que « nous n’en avons point d’autre à mettre en sa place qui fasse le même effet ». Le débat n’est toujours pas tranché à ce jour : les puristes considèrent que c’est un pléonasme tandis que l’Académie française l’autorise.

La critique actuelle de ces quelques Remarques nous offre matière à réflexion. Le français du XVIIe siècle paraît plus « malléable » et plus « ouvert » aux néologismes et aux pléonasmes que le français du XXIe siècle. L’hésitation entre deux formes, par exemple, ne semblait pas poser de problème, tant qu’elles étaient l’une et l’autre validées par l’usage. Jusqu’au bout fidèle à ses principes, Vaugelas aurait prononcé cette phrase sur son lit de mort : « Je m’en vais ou je m’en vas. L’un ou l’autre se disent… ou se dit. »

 Sandrine Campese

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Madame,
A propos de la citation finale : c’est « se dient » ou « se disent », exemples qui illustrent deux états de la langue sur la conjugaison de « dire ».
Pas un emploi au singulier et un au pluriel.
Cordialement,
ED

    Bonjour, je déduis de votre remarque que vous préférez « se fonder » à « se baser ». Il est vrai que l’emploi du second fait débat. L’Académie française préfère « se fonder », Littré accepte « se baser ». Néanmoins, le second est passé dans l’usage, celui des écrivains, des journalistes, des politiques… De son temps, qui sait si Vaugelas ne l’aurait pas adoubé ?