Voltaire n’a jamais dit : « Je ne suis pas d’accord avec vous, mais je me battrai… »

En ce début d’année,Voltaire où nos valeurs républicaines viennent d’être violemment attaquées, la référence à Voltaire qui, au XVIIIe siècle, s’est battu pour la liberté d’expression, est quasi systématique. Le problème, c’est qu’on attribue souvent au philosophe de la tolérance des mots qu’il n’a jamais écrits ni prononcés. La fameuse phrase : « Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous ayez le droit de le dire » en est le meilleur exemple.

Celles et ceux qui ont décerné cette citation à Voltaire, et l’ont copieusement répandue sous son nom, se basent sur une lettre datant du 6 février 1770. Voltaire se serait adressé à l’abbé Le Riche en ces termes : « Monsieur l’abbé, je déteste ce que vous écrivez, mais je donnerai ma vie pour que vous puissiez continuer à écrire. » Si l’existence de cette missive a été avérée, la phrase n’y figure pas, ni même l’idée ! C’est ce qu’on appelle une citation « apocryphe », dont l’authenticité n’est pas établie.

Mais alors, à qui la faute ? Pas à Rousseau, ni à Voltaire lui-même, comme dans la chanson de Gavroche, mais à l’Anglaise Evelyn Beatrice Hall qui, dans un livre, The Friends of Voltaire, publié en 1906 sous le pseudonyme de S. G. Tallentyre, utilisa la célèbre formule pour résumer la pensée voltairienne. « « I disapprove of what you say, but I will defend to the death your right to say it », was his attitude now », écrit-elle. Elle confirmera par la suite que c’était sa propre expression et qu’elle n’aurait pas dû être mise entre guillemets. Qu’elle soit due à la maladresse de l’auteur ou de l’éditeur, la citation a été rapidement traduite en français avant de connaître le succès que l’on sait.

Si la devise n’est pas de Voltaire, il n’en demeure pas moins qu’elle illustre sa philosophie, telle qu’elle paraît notamment dans ses Questions sur l’Encyclopédie : « J’aimais l’auteur du livre de l’Esprit (Helvétius). Cet homme valait mieux que tous ses ennemis ensemble ; mais je n’ai jamais approuvé ni les erreurs de son livre, ni les vérités triviales qu’il débite avec emphase. J’ai pris son parti hautement, quand des hommes absurdes l’ont condamné pour ces vérités mêmes. »

Une autre citation apocryphe de Voltaire a été reprise en janvier 2014 dans le cadre de l’affaire Dieudonné : « Pour savoir qui vous dirige vraiment, il suffit de regarder ceux que vous ne pouvez pas critiquer. » En réalité, c’est un écrivain controversé américain, Kevin Alfred Strom, qui en revendique la paternité sur son site internet.

 Sandrine Campese

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Bonour. Vous commencez votre argumentation par cette formule à la mode mais qui ne respecte pas les règles orthographiques ! Au pluriel c’est le masculin qui l’emporte, ne vous en déplaise. Alors assez de soumission à cette langue de progressiste stupide. L’égalité homme/femme est devant la loi, pas face à notre nature. Nous ne sommes pas égaux mais différents et complémentaires. L’orthographe et la syntaxe de notre langue n’ont pas à en faire les frais.

    Bonjour Frankoi, je ne suis pas d’accord avec vous (c’est le cas de le dire !). La tournure « celles et ceux » relève d’une forme de galanterie, de respect. Accuserait-on aujourd’hui le général de Gaulle – lequel commençait ses célèbres allocutions par « Françaises, Français » – d’être « soumis à une « langue de progressiste stupide ? » Allons ! Bon après-midi.

      Alors, décidons que le féminin l’emporte ! Cela ne me dérangerait nullement; au contraire, cela changerait un peu (« Celles qui » me conviendrait …) Mais par pitié, arrêtons avec ce « cèlzéceux » insupportable. La langue bégaye, c’est lourdingue – on dirait un mantra idéologique. Pour tout dire, cela fait passer son auteur pour un inculte de la langue française. Ce que sont nos dirigeants, en fait. La classe politique française est tellement peu cultivée, c’est affligeant.

        Je trouve dommage que vous réagissez avec autant d’agressivité… Ce site vise à partager des explications, pas besoin de l’assassiner sous prétexte que certaines tournures vous déplaisent… Je vous invite grandement à regarder cette vidéo : https://youtu.be/5YO7Vg1ByA8
        Peut-être qu’elle vous apaisera quant aux « progressistes stupides, incultes affligeants ».

        Bonjour Xavier, pourquoi donc céder à l’excès, à la caricature ? Je vous ai apporté un exemple concret en citant le général de Gaulle. Si je suis votre raisonnement, il est donc inculte parce qu’il incluait les femmes dans la formule introductive de ses discours ?

Bonjour,
Pouvez-vous s’il vous plaît confirmer si Voltaire est bien l’auteur de cette citation:
”Le combat le plus dur est avec vous-même – vous êtes des deux côtés”.
C’est une citation traduite en français depuis une autre langue, donc ça peut ne pas sonner exactement comme ça, avec ces mots, mais l’idée devrait être la même. C’est vrai? J’ai trouvé cette information sur plusieurs sites de citations célèbres, mais je ne suis pas convaincu que ce soit vrai. Je pense qu’une personne ayant de l’expérience dans les œuvres de Voltaire pourrait me donner une réponse. Pouvez-vous m’aider s’il vous plaît?
Avec mes remerciements,
Michaela

Je pense que Voltaire en disant: »je hais vos idées……….exprimer » Veut traduire le monde à travers ses personnages comme par exemple Candide.

Il suffit d’avoir lu un peu de Voltaire pour savoir que ce n’était pas du tout sa pensée. Cependant votre article nous laisse penser que Voltaire aurait pu le dire, ce qui pour moi semble être une erreur, en effet il combattait si vivement les fanatiques qu’il n’aurait pu dire cette phrase puisqu’elle implique qu’il faut laisser la parole à ces fléaux

          Bah à français ^^
          Mais bon c’est du détail les français sont les premiers à faire ce genre de petits oublis quand ils écrivent.

          Bonsoir Syn, je ne comprends pas bien le sens de votre message. À quoi réagissez-vous exactement ?

          Bonsoir Sandrine,
          Merci de cet éclairage concernant Voltaire, je ne savais rien de cela, passionnant.
          losens et Syn attiraient juste votre attention sur l’absence de cédille du « c » de « français » concernant le post originel de Bruno.
          Comme vous aviez gentiment corrigé ce dernier, losens, avec un grand sens du raccourci (^^) vous a fort courtoisement interpellée : « et la cédille ? » (prendre l’intonation de Bernard Blier dans « Les tontons flingueurs »). Et puis Syn en a remis une couche sans être beaucoup plus explicite…, voilà voilà, il n’y a pas là de quoi fouetter un chat (en aucune circonstance d’ailleurs !).
          Nous devrions maintenant pouvoir clore cet intéressant échange de plus de quatre années !!! ;o)))
          Je vous souhaite beaucoup de courage, de patience et surtout de joyeuses fêtes !

          Bonjour Pierre, en effet, il manquait aussi la cédille à « français » dans le message de Bruno datant d’octobre 2018. Je crois qu’inconsciemment, j’avais à cœur de l’encourager, et de ne pas me focaliser sur ses « erreurs ». Voilà désormais l' »oubli » rétabli après toutes ces années ! J’espère que nos lecteurs s’en porteront mieux. Bonnes fêtes à vous aussi et à bientôt :-).

Kevin Alfred Strom n’est pas « un écrivain controversé anglais » mais, selon Wikipedia, il est américain, né à Anchorage, Alaska, Etats-Unis. Cette erreur n’affecte pas la grande qualité de votre travail. Merci.

    L’Amérique n’est pas un pays mais un continent. Les États Uniens sont Américains tout comme les Mexicains; les Brésiliens les Canadiens et les autres. L’Amérique va de l’Alaska à Ushuaia. Cela représente beaucoup de kilomètres. Un continent n’est pas un pays.

      Bonjour magnan, certes, mais lorsqu’on emploie l’adjectif « américain », par exemple pour qualifier un écrivain, c’est bien au sens de « étasunien ». Pas d’ambiguïté sur ce point ! Sinon on précisera : un écrivain canadien, mexicain… Idem pour la « langue américaine ». Voici ce qu’indique Le Petit Robert : (1783) Des États-Unis d’Amérique. La politique américaine. Le cinéma américain. hollywoodien. Musique (blues, country, disco, funky, house music, jazz, ragtime, rhythm and blues, 2. rock, soul) américaine, danses (cake-walk, one-step, shimmy, swing, twist) américaines. Cigarette, voiture américaine (ou n. f. une américaine).
      N. Les Américains. états-unien, yankee ; FAM. amerloque, ricain. Américains d’origine africaine. africain-américain, afro-américain, négro-américain, noir.
      N. m. L’américain : l’anglais parlé aux États-Unis. ? anglo-américain ; américanisme. ? Notice de langue anglais et anglais américain.

Il faut préciser que ce n’est que la philosophie officielle de Voltaire qui peut se résumer par cette phrase, mais nullement sa philosophie personnelle, qui se laisse voir dans ses actes. Car Voltaire détestait absolument qu’on le critique ou le contredise, et a harcelé plusieurs critiques littéraires ayant critiqué ses pièces de théâtre. Lefranc de Pompignan ou Elie Fréron ont sacrément morflé pour s’en être pris à Voltaire, sans parler des imprimeries que Voltaire a fait fermé et des enfants que Voltaire a envoyé aux galères pour avoir eu le tort de travailler dans ces imprimeries ayant édité les écrits de ces critiques. Non, Voltaire n’a pas combattu pour la liberté d’expression, sinon la sienne.

    Comment accorder crédit à ces commentaires qui s’en prennent à Voltaire dans « sa philosophie personnelle » et qui ne sont en rien étayés ? On ne peut pas dire (et publier) n’importe quoi sans un minimum de références. D’où vient cette haine d’un homme qui a, par ses écrits et ses combats publics, au risque d’être embastillé, fait avancer la tolérance ??

Merci, j’avais déjà entendu dans une video que cette phrase n’avait jamais été dite par Voltaire, mais quand on a les sources c’est encore mieux !

Merci de cet éclairage. J’ai consulté la lettre citée (à M. La Riche 6/02/1770) en pdf sur google books. Il n’est pas question d’une telle citation.

    Il ne le protégeait pas, puisqu’il n’a commencé à écrire sur l’Affaire Calas qu’un an après que ce dernier ait été mis à mort sur la roue.
    Il s’y est intéressé parce que pour lui, il y avait eu erreur judiciaire, ce qu’il a d’ailleurs prouvé. Les juges s’en sont rendu compte et ont cherché à corriger leur erreur, mais corriger leur erreur aurait été admette qu’ils avaient eu tort pour Jean Calas, et cela ne se pouvait pas……

Bonjour,
Auteure d’une grammaire pour nos élèves du secondaire inférieur en Belgique francophone, je viens de découvrir votre blog et m’y abonne ! La nouvelle orthographe est entrée dans les livres scolaires chez nous et je tente de l’expliquer en plus de la rubrique « Trucs et astuces de grammaire » que j’ai créée récemment sur Facebook et sur mon blog. Je suis ravie de vous lire et de découvrir vos intéressants commentaires ! Merci beaucoup.

« Si la devise n’est pas de Voltaire, il n’en demeure pas moins qu’elle illustre sa philosophie, telle qu’elle paraît notamment dans ses Questions sur l’Encyclopédie »
Sauf que la véritable « philosophie » de Voltaire était en fait à l’opposé de ce qu’il prétend là : en réalité, il n’hésitait pas à persécuter ses adversaires, comme Élie Fréron par exemple ; Voltaire doit être l’un des pires choix possibles pour évoquer la tolérance d’esprit.
(Je renvoie à un excellent commentaire qui avait été écrit par un lecteur lors des débuts du site Boulevard Voltaire, pour critiquer ce choix de nom justement : http://www.contre-info.com/voltaire-chantre-de-la-liberte-dexpression-vraiment.)

Il est d’ailleurs malheureux que ce triste sire soit également l’éponyme du site sur lequel nous nous trouvons (le diable est dans les détails !), ce qui n’enlève rien à la qualité linguistique de ce dernier. 😉

    Merci pour votre analyse. Comme celle de nombreux grands hommes, la personnalité de Voltaire était sans doute plus complexe que nous le pensons. Mais, comme vous le soulignez, c’est sa « qualité linguistique » qui nous intéresse et ce billet avait pour unique but de corriger la paternité d’une citation employée à l’envi en janvier dernier. Bonne journée !

Oui c’est bien de recadrer les choses, on utilise beaucoup de citations autant que ce soit les bonnes !
De plus, l’article est très intéressant…
Merci Sandrine

Merci, Sandrine! A la une d’un de nos journaux au Daghestan (Russie), on publie toujours, comme devise, cette fameuse phrase. Je leur conseillerai qu’ils ajoutent à la fin de la citation – « Voltaire »