Quatre questions que vous vous posez sur le pronom « on »

« On » : comment un si petit mot peut-il nous donner autant de fil à retordre ? À l’école, nos professeurs nous décourageaient de l’employer sous prétexte que « “on” est un con ». Trop familier, trop vague, trop équivoque, il est pourtant sur toutes les langues, de la plus courante à la plus exigeante. Son origine et sa forme sont riches en subtilités tandis qu’une erreur d’accord ou de sens est bien vite arrivée ! Voici les réponses aux questions que vous vous posez forcément sur cet étrange pronom.

 1- D’où viens-tu, « on » ?

Avant de devenir un pronom personnel dit « indéfini », « on » a été un nom commun. Et pas n’importe lequel : « on » (qui s’est d’abord orthographié om, puis hom) est issu du nominatif latin homo. À l’origine, donc, il désignait l’homme en général. Mais à force de représenter un individu aussi indéterminé, il a fini par se transformer en pronom indéfini.

Quant à l’accusatif hominem, il a donné le nom commun « homme » que nous utilisons aujourd’hui. Cette même racine existe dans d’autres langues, comme l’allemand, où man (on) s’est détaché de mann (homme).

2- Doit-on écrire « on » ou « l’on » ?

Comme les autres noms, « on » a d’abord été précédé de l’article défini : le hom, puis l’on en ancien français. Quand « on » s’est mué en pronom, l’article « l’ » est devenu facultatif. Il n’est plus qu’une consonne dite « euphonique », permettant d’éviter des sonorités peu agréables à l’oreille, à savoir :

– le hiatus (suite de deux sons vocaliques), c’est-à-dire après « et », « ou », « où », « qui », « si » : « J’aime les pays où l’on a besoin d’ombre » (Stendhal).

– le son [con], après « que » et ses composés « lorsque », « puisque », « quoique » : « Il y a certaines choses que l’on cache pour les montrer » (Montaigne). L’article est plus fréquent encore si le mot qui suit commence lui-même par le son [con] : « Ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement… » (Boileau).

À l’inverse, on n’ajoutera pas de « l’ » quand « on » est suivi d’un mot commençant lui-même par un « l ». « Si on lit ce billet jusqu’au bout… » (et non « si l’on lit »). Ici, le hiatus est préférable à l’allitération (répétition d’une même consonne).

3- Doit-on accorder le participe passé employé avec « on » ?

Ce qui est très perturbant, chez ce « on », c’est qu’il correspond à la troisième personne du singulier, alors que, la plupart du temps, il désigne un collectif.

Étymologiquement, nous l’avons vu, « on » est masculin singulier. Le participe passé du verbe dont il est sujet s’accorde donc au masculin singulier. Ainsi, le talk-show de Laurent Ruquier diffusé tous les samedis soir sur France 2 s’intitule On n’est pas couché. Dans ce cas, « on » a une valeur englobante, il ne désigne personne en particulier.

Mais depuis le XVIIe siècle, l’attribut peut s’accorder en genre et en nombre avec la ou les personnes que « on » représente, dès lors qu’elles sont identifiables. Si des petites filles se réjouissent d’être ensemble, elles pourront s’exclamer « On est contentes ! » ; l’accord se faisant au féminin pluriel.

Cela dit, si l’une et l’autre de ces formes vous gênent, rien ne vous empêche de remplacer « on » par « nous », ou de conserver les deux, pour plus d’emphase. Par exemple, un des livres de l’économiste Jacques Généreux, préfacé par Jean-Luc Mélenchon, a pour titre : Nous, on peut !

4- À part « nous », qui peut-on désigner par « on » ?

Si « on » désigne souvent un ensemble de personnes, identifiées ou non, il peut également s’utiliser comme figure de style dans le discours direct, régulant la distance entre le locuteur et autrui. Tantôt intimidant, « Alors, on fait moins le malin ? », tantôt infantilisant, « On va faire un gros dodo ! », et même fraternisant, « On est, on est, on est les champions ! », « on » sait jouer avec nos émotions.

Employé dans des expressions toutes faites, « on » est au sommet de l’abstraction et permet toutes les interprétations. Il est possible de craindre le « qu’en-dira-t-on » ou les « on-dit », comme de s’en moquer !

En un mot, « on », c’est la liberté ! La liberté d’être personne et tout le monde à la fois, de se ressembler pour mieux se rassembler. Ce n’est pas un hasard s’il est la star de nombreuses chansons populaires auxquelles plusieurs générations s’identifient : On ira tous au paradis (Michel Polnareff), On dirait le Sud (Nino Ferrer), On va s’aimer (Gilbert Montagné), On se retrouvera (Francis Lalanne), On s’attache (Christophe Maé), Alors on danse (Stromae)…

Mais pour ceux que cette liberté d’accord ou de sens agace, ce petit pronom restera le trublion de nos conjugaisons. Que voulez-vous, « on » ne peut pas plaire à tout le monde…

 Sandrine Campese

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    Bonjour Marietanguera, on écrit « on était trois dans la voiture ». Le pronom personnel indéfini « on » – même quand il représente au moins deux personnes – correspond à la 3e personne du singulier. Autrement dit, il se conjugue comme « il » ou « elle ». Le verbe est donc au singulier : « on était ». Bonne journée.

Bonsoir Sandrine.
Pourquoi ne donnez-vous pas un seul exemple d’un cas d’accord du participe passé?
« On est rentrés tard » (en parlant de deux personnes).
Merci d’avance de votre réponse.

    Bonjour malinovka, c’est vrai que j’ai donné l’exemple avec un adjectif « on est contentes », mais l’accord fonctionne bien évidemment avec un participe passé : « on est rentrés tard » (ou « on est rentrées tard », si ce ne sont que des femmes qui parlent). Merci pour votre commentaire ! Bonne journée.

      Bonjour, mais est-ce faux, si on écrit : « on est rentré », même si cela sous entend « nous sommes rentrés » ou bien, dans ce cas là, les 2 orthographes sont acceptées ? Le verbe étant malgré tout au singulier…

        Bonjour Camélia, si « on » désigne des personnes déterminées et équivaut à « nous », écrire « on est rentré » revient à écrire « nous sommes rentré ». Mieux vaut donc accorder, dans ce cas ;-). Bonne journée.

Bonjour 🙂

Je comprend bien la règle du pronom « on » indéfini ou personnel mais je me retrouve malgré tout face à un gros doute : si je dis nos rêves, on les réalise, on les crée, on les fait » doit-on accorder réalise, crée, fait? Car il y a plusieurs rêves? ou car on désigne un « nous »?
Merci par avance pour votre réponse 🙂

    Bonjour Pops, attention, réalise, crée, fait… sont ici des verbes conjugués au présent de l’indicatif, à la 3e personne du singulier. Il ne s’agit pas de participes passés. On écrit donc : « Nos rêves, on les réalise, on les crée, on les fait« , mais « Nos rêve, on les a réalisés, on les a créés, on les a faits« . Vous voyez la différence ? :-). Bonne journée.

    Qu’il soit utilisé comme un pluriel ou comme un singulier, le sujet ON n’entraîne pas l’accord du verbe, qui reste toujours singulier.

      Oui, d’autant qu’un verbe ne s’accorde pas, il se conjugue. Ce sont les adjectifs et les participes passés qui s’accordent.

    *** BONJOUR **** Michel, en effet, c’était « voyelle » au sens phonétique. J’ai remplacé par « suite de deux sons vocaliques ». Bonne journée.

Sandrine bonjour,

J’ai plus de 60 ans.il me semble avoir appris à ne pas m’être le pluriel au participe passé auxiliaire être meme que celui fait référence à plusieurs personnes hors règles du COD. Les règles ont dû changer?

    Bonsoir Denis, vous parlez bien de l’accord de l’adjectif ou du participe passé avec le pronom « on » ? Je ne sais pas si la règle a changé, mais en tout cas je vous confirme que l’accord se fait quand « on » représente des personnes déterminées et correspond à « nous ». Que des petites filles s’écrient « On est content ! » serait assez étrange, euphoniquement et grammaticalement. Bonne soirée.

Bonjour, et merci de votre article. Je n’arrive malgré tout pas à m’expliquer l’accord de « on » avec un adjectif, notamment dans la chanson de Louane « On était beau ». Je comprends « on était », mais pourquoi pas « on était beaux » puisqu’il est évident qu’elle parle d’un couple… c’est juste une question d’accord avec le verbe (et le sujet) au masculin singulier ? Merci de votre aide !!

    Bonjour chère homonyme, le pronom « on » est un singulier qui représente un collectif (ici, toi et moi). Les personnes sont identifiées. On pourrait remplacer « on » par « nous ». D’où : on était beaux, avec l’accord de l’adjectif. Autrement dit : « nous étions beaux ». Autre exemple : imaginons que deux petites filles se réjouissent d’aller dans un parc d’attractions. Que vont-elles dire ? « On est content ? » ou « On est contentes ? » La seconde phrase, bien sûr ! Pour revenir à la chanson de Louane, le titre aurait pu être « On était un beau couple » et là, effectivement, « beau couple » reste au singulier. Voyez-vous la nuance ? Bonne journée !

Bonjour et merci pour cet article et pour vos réponses aux commentaires ! J’ai néanmoins encore une question : dans la ville où J’habite, un nouveau slogan est affiché partout : « A Châlons, nous, on est connecté ». Alors « on » ne désigne personne en particuliers ou bien « nous » tous les Châlonnais ? J’ai vraiment envie d’accorder ici… Merci pour votre réponse !

    Bonjour Priss, je vous confirme qu’il y a une erreur dans ce slogan. Ici, « on » représente les Châlonnais, donc des personnes identifiées. La présence du « nous » renforce cette certitude. Il faudrait donc écrire  » A Châlons, nous, on est connectés. » Bonne journée !

Bonjour,

Vous donnez comme exemple le titre de l’émission « on n’est pas couché ».
Ne pourrait-elle pas s’écrire « on n’est pas couchés » puisque le pronom personnel « on » désigne en ensemble de personnes identifiables, celles qui sont sur le plateau de télévision ?

    Bonjour, celles qui sont sur le plateau de télévision ou celles qui sont derrière leur poste ? Ou les deux ? Vous voyez, on ne peut pas identifier clairement qui est ce « on ». Par ailleurs, il s’agit d’une expression figurée. « On n’est pas couché » ne veut pas dit littéralement « Nous ne sommes pas couchés dans notre lit », mais « On n’est pas près de dormir, parce qu’on a plein de choses à faire, à dire, ou des problèmes à régler… ». Autres exemples du même acabit : « On n’est pas sorti de l’auberge » (où il n’est pas question d’une véritable auberge), « On n’est pas rendu », « On ne va pas manger chaud », etc.

à l’origine ON est impersonnel et n’inclut pas la personne qui parle : on représente les autres excluant soi même. A l’inverse du nous qui inclut celui qui parle. Le On utilisé comme nous est une évolution du langague oral familier qui apporte de l’ambiguité, On permet à celui qui parle de rester vague dans la définition des personnes concernées. Le On est aussi parfois utilisé à la place du Je pour ne pas assumer le propos. Bref une évolution dommageable je trouve. Pourquoi ne pas utiliser les autres pronoms qui existent sans utiliser ce On à tout bout de champ ?

    Bonjour Kirzo, je comprends vos remarques. Libre à vous d’utiliser les pronoms « je », « tu » et « nous » à la place. Néanmoins, dans certaines expressions, « on » sera préférable : « On n’est pas couché », « On n’est pas sorti de l’auberge »… Bon week-end

    Bonjour Marie, ici l’accord du participe passé est de mise, d’autant que vous insistez sur la dimension collective en utilisant « tous ».
    On aime tous être aimés = nous aimons tous êtes aimés.
    Bon après-midi

Merci pour cet article, ça peut toujours aider notamment au bac. J’ai une question, est ce que vous savez comment on appelle le « on » qui ne désigne pas nous?

    Quand « on » désigne « je », « tu » ou « nous », autrement dit une ou plusieurs personnes identifiée(s), c’est un pronom personnel. Dans les autres cas, c’est un pronom personnel indéfini. Bonne soirée

    Bonjour Steph, on doit accorder l’adjectif ou le participe passé employé par « on » quand ce dernier représente des personnes identifiées (dans ce cas, on peut le remplacer par « nous »). On n’accorde pas lorsqu’il ne désigne personne en particulier, notamment au sein de tournures impersonnelles du type « On n’est pas couché ! », « On n’est pas sorti de l’auberge ! », etc.

      Alors vous écrirez :  » … On a encore deux heures de route!… Et ben, on n’ est pas couché !  » ou bien : deux filles en garde à vue pour un grave flagrant délit diront :  » Ouh là là! On n’est pas sorti de l’auberge !  » pour la raison que vous invoquez, que ce sont des « tournures impersonnelles. » Pour ma part je ne vois pas pourquoi des tournures familières, populaires, imagées et d’usage courant échapperaient aux règles d’accord. Quant au titre de l’émission de L.Ruquier, je l’aurais écrit :  » On n’est pas couchés !  » avec un point d’exclamation et comble de raffinement, puisqu’il s’agit d’une exclamation de dépit, j’aurais même ajouté une petite touche de familiarité en utilisant la forme négative sans le n’ :  » On est pas couchés ! « 

        Bonjour Philippe, je comprends votre message, mais l’accord systématique du participe passé au pluriel avec « on » supposerait qu’il représente toujours « nous ». Or, comme indiqué dans l’article, ce n’est pas toujours le cas, il peut représenter un singulier, impersonnel ou personnel… Bonne journée.

Bonjour Sandrine ,

Merci pour cette réponse et ces commentaires particulièrement clairs !
Pour la 1ère fois je viens enfin de comprendre » comment « et surtout « quand » accorder ce mystérieux « on » !

Mais au fait, pourriez-vous m’éclairer encore sur un point , svp : j’ai toujours donné comme « nature de mot » celle de « pronom indéfini » , or je vois assez souvent écrit dans des livres ( notamment ceux de Primaire ) que « on » est « pronom personnel »…ça me gêne à chaque fois ! Alors quelle est la vérité ?
Merci encore .

Nadine

    Bonjour Nadine, « on » est à la fois un pronom indéfini et un pronom personnel. Indéfini quand il ne représente personne en particulier ; personnel lorsqu’on peut le remplacer par un pronom personnel comme « nous » (et donc accorder l’adjectif ou le participe passé correspondant ;-))… Bonne journée.

Bonjour Sandrine
Votre article est très intéressant .
Je fais actuellement une recherche sur le sujet .
Je suis persuadée que vous avez raison mais sur internet je trouve tout et son contraire . Du coup je ne trouve pas un argument valable pour étayer mon hypothèse et dans le Bescherelle que je possède il ne donne pas d’avantage d’informations
Pourriez vous me communiquez vos sources?
En vous remerciant d’avance

    Bonjour Marianne, merci de votre message. J’imagine que votre question porte surtout l’accord du participe passé employé avec le pronom « on ».
    Voici ce que dit Bescherelle : « Lorsque « on » signifie « nous », l’attribut s’accorde en genre et en nombre avec les personnes ou les objets représentés ». Lorsque « on » signifie « tout le monde, n’importe qui », le verbe reste invariable (3e pers. sing.) et l’attribut ne s’accorde pas. »
    Voici ce que dit Grevisse : « Le pronom indéfini « on » désigne en principe un agent humain dont on ignore l’identité, c’est-à-dire le sexe et le nombre : On est venu voler à la pharmacie cette nuit. Le verbe est au singulier et l’attribut ou le participe sont au genre et au nombre indifférenciés, c’est-à-dire au masculin singulier. Mais il n’est pas rare que le pronom représente en fait une ou des personnes bien identifiées et concurrence les pronoms personnels « je », « tu », « il », « nous », « vous », « ils », « elle », « elles ». Dans ce cas, si le verbe reste nécessairement au singulier, l’adjectif attribut, l’épithète détachée, le participe passé peuvent prendre le genre et le nombre correspondant au sexe et au nombre des êtres désignés. »
    Bon dimanche.