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« La France, elle est » : effet de style ou faute de français ?

Après l’écrivain et le journaliste Franck Ferrand, c’est au tour du philosophe Alain Finkielkraut de fustiger, dans un numéro du Point, le parler du président de la République. Et dans son collimateur, la répétition du pronom personnel sujet, qui caractérise désormais les prises de parole de François Hollande. Alors, figure de rhétorique ou maladresse grammaticale ? Décryptage d’un procédé qui divise.

Du langage enfantin au discours élyséen

« La France, elle a des atouts… », « Cette politique, elle coûte à la croissance », « Les résultats, ils tardent à venir » : voici quelques-unes des tournures dont le président Hollande raffole mais qui agacent les amoureux du français. Le jugement de l’académicien Alain Finkielkraut est sans appel : « Cette syntaxe sied aux enfants, pas au chef de l’État ! »

Pourtant son prédécesseur, Nicolas Sarkozy, était lui aussi un adepte du redoublement du sujet. Souvenons-nous de son discours d’investiture au congrès de l’UMP en janvier 2007 : « La France, elle a 17 ans et le visage de Guy Môquet […] La France, elle a 19 ans et le visage lumineux d’une fille de Lorraine […] La France, elle a 44 ans, le visage ensanglanté de Moulin (…) La France, elle a le visage, l’âge, la voix de tous ceux qui ont cru en elle… »

Dans ces exemples, la répétition du pronom sujet va de pair avec l’anaphore, c’est-à-dire la répétition d’un même mot ou groupe de mots en début de phrase, ce qui la rend sans doute plus digeste, voire attendrissante. François Hollande lui-même avait marqué des points contre ce même Nicolas Sarkozy à l’occasion du débat télévisé de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2012, en martelant l’anaphore « Moi président de la République ».

Si l’anaphore est bel et bien un procédé stylistique, la répétition du pronom sujet peut-elle être considérée comme tel ? Rien n’est moins sûr.

Une tournure populaire devenue courante

La répétition du pronom personnel sujet est utilisée par les écrivains pour retranscrire le langage parlé et populaire de leurs personnages. Exemples : « Il faut que le bœuf, il devienne comme une éponge […] les soufflés ils avaient bien de la crème » (Marcel Proust, À la recherche du temps perdu). « Lucienne, tu es indiscrète ! Je suis sûr que Monsieur Barnett il sait le chiffre, mais qu’il ne te le dira pas ! » (Jean Anouilh, Monsieur Barnett).

C’est sur le redoublement du sujet que repose également le titre d’un célèbre film de Jean Yann, Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil (1972), qui livre une satire du monde médiatique. L’expression est d’usage dès lors que l’on veut caractériser, avec ironie et mordant, un univers impitoyable. La chanteuse Zazie l’a réutilisée en 1998 dans son morceau Tout le monde il est beau. Au passage, le procédé stylistique consistant à dire l’inverse de ce que l’on pense se nomme « antiphrase ».

Littérature, cinéma, musique, si la culture tout entière se convertit au redoublement du sujet, il ne faut s’étonner que plus personne ou presque ne s’en offusque…

Un procédé nommé « dislocation »

Le redoublement d’un nom ou d’un pronom qui est détaché de la proposition s’appelle « dislocation ».

Si le nom ou le pronom est détaché à droite de la proposition, on parle de dislocation à droite. Exemple : « Elle est belle, la France ». Si le nom ou le pronom est détaché à gauche de la proposition, on parle de dislocation à gauche. Exemple : « La France, elle est belle ». En toute logique, notre président, issu du parti socialiste, pratique la dislocation à gauche !

Qu’elle soit à droite ou à gauche, la dislocation est-elle une faute ? Pour Bescherelle, c’est une tournure qu’il vaut mieux éviter à l’oral et surtout à l’écrit. En somme, le risque d’utiliser une dislocation est moins de commettre une véritable faute de français que de passer pour une personne au langage relâché. Il semble bien qu’il n’y ait que le président de la République qui puisse se le permettre. À vous de juger !

 Sandrine Campese

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Sujet intéressant bien traité. Merci. Ce que vous appelez dislocation à droite ou à gauche, sont en effet dans la terminologie linguistique, anaphore et cataphore. q.v.

    Bonjour Marie-Anne, dans ce cas, il faut deux virgules : « La France, elle, est ainsi…, fait cela… ». Le « elle » a alors valeur d’emphase. Bon week-end.

La dislocation fait partie intégrante de la syntaxe française, qu’on le veuille ou non. C’est une opération mentale qui consiste à séparer le thème dont on veut parler (quand c’est plus complexe qu’un pronom) et le travail grammatical qu’on souhaite y appliquer.

Cela donne notamment:
— « XXX, c’est … » (au lieu de « XXX est .. »)
« La plus grande chose du monde, c’est de savoir être à soi. » (Montaigne)
« Un des plus grands désagréments de l’adultère chez nous, c’est que la dame se moque quelquefois de son mari avec son amant » (Voltaire)

— Questions où un pronom dédouble le nom :
« Ce rang entre elle et vous met-il tant de di?tance ? » (Racine)
« Ce monde est-il le vrai? le nôtre est-il l’erreur? » (Hugo)

–Dédoublement du sujet:
« Moi, je laisse voler les senteurs et les baumes. » (Hugo)

–Dédoublement de COD:
« Ces nymphes, je les veux perpétuer. » (Mallarmé)

–Quant à savoir si « La France, elle est belle » relève plutôt du génie de la langue, un ressort expressif essentiel, ou d’un usage puéril, sans élévation, il me semble que c’est très subjectif. Cela dépend beaucoup des effets oratoires qui l’accompagnent, et des préjugés politiques de celui qui écoute. C’est un procédé que Grevisse appelle sans jugement de valeur la « thématisation », en citant Hugo : « Cette loi sainte, il faut s’y conformer » (Le bon usage, §228), le rangeant aussi sous l’étiquette de « redondances expressives » (§367b).

La dislocation fait partie intégrante de la syntaxe française, qu’on le veuille ou non. C’est une opération mentale qui consiste à séparer le thème dont on veut parler (quand c’est plus complexe qu’un pronom) et le travail grammatical qu’on souhaite y appliquer.

Cela donne notamment:
— « XXX, c’est … » (au lieu de « XXX est .. »)
« La plus grande chose du monde, c’est de savoir être à soi. » (Montaigne)
« Un des plus grands désagréments de l’adultère chez nous, c’est que la dame se moque quelquefois de son mari avec son amant » (Voltaire)

— Questions en « N + V-t-il? » (ou « il » dédouble le N, plus soutenu que « V + N? »)
« Ce rang entre elle et vous met-il tant de di?tance ? » (Racine)
« Ce monde est-il le vrai? le nôtre est-il l’erreur? » (Hugo)

–Dédoublement du sujet:
« Moi, je laisse voler les senteurs et les baumes » (Hugo)

–Dédoublement de COD:
« Ces nymphes, je les veux perpétuer. » (Mallarmé)

–Quant à savoir si « La France, elle est belle » relève plutôt du génie de la langue, essentiel et tellurique, ou d’un usage puéril, sans élévation, il me semble que c’est très subjectif. Cela dépend beaucoup des effets oratoires qui l’accompagnent, et des préjugés politiques de celui qui écoute.

1 ) Comment organiser des pétitions ou autres actions pour limiter cette façon de doubler le sujet ?
2) savez vous comment cette vilaine habitude est arrivée ?
Merci

    *** Bonjour ***, merci de partager votre opinion. Si je peux me permettre quelques corrections : « Ceci est régulièrement employé par tous les journalistes et commentateurs, cest insupportable. » Bon après-midi.

    Bien d’accord avec vous, je suis choquée à longueur de journée par cet emploi devenu courant du redoublement du nom sujet par un pronom. Certes cette redondance est possible mais doit rester exceptionnelle. Si une campagne se met en place, prévenez-moi, j’y prendrai ma place!

Et quand on ajoute un troisième mot, comment doit-on nommer cette forme ?
« La France, elle, elle a… »
« Le président, lui, il a…. »
« Les insurgés, eux, ils ont… »
Entendus aux infos sur France 24…
Personnellement, étant assez mauvais en français, ces tournures me chocs à chaque fois que je les entend, car il est difficile pour moi d’accepter d’être dix fois moins rémunéré que des gens censé s’exprimer mieux que moi et ainsi donner l’exemple et non m’induir en erreur de la sorte c’est une honte scandaleuse…!! Aux smic tout ces imposteurs.

    Bonsoir Mtlbss, il s’agit de la répétition d’un pronom tonique (moi, toi, lui / elle, nous, vous, eux / elles) pour renforcer un pronom ou un nom. C’est une tournure emphatique qui n’est pas incorrecte : « La France, elle, a soutenu… », « Le président, lui, a refusé… », « Les insurgés, eux, ont défendu… ». Il est vrai que combinée à la dislocation elle devient particulièrement lourde ;-). Bonne soirée.

La dislocation en général n’a aucune utilité.
Elle est devenue courante ; même les personnes sensées être lettrées en usent .
Il faudrait une sensibilisation nationale sur les fautes de langage les plus courantes.

Bonjour,
Céline utilisait ce style intentionnellement, tout comme nos politiciens. Comme disait Joe Dassin: « pour plaire à la foule, faut chanter la pêche aux moules ». Peut être même, désirent ils secrètement faire perdre aux électeurs tout langage adéquat aux faits…

Bonjour,
Ce redoublement du sujet comme « le gouvernement il est … »n ‘est pas le seul fait du Président de la république mais de tous les médias et les politiques . Samedi dernier , interrogé par ELKABACH sur EUROP 1, ERIC WOERTH n ‘avait de cesse de redoubler le sujet « la sécurité sociale elle est .. Fillon il va …
Que peut -on y faire ? A mon avis rien , si ce n ‘est d’observer la décomposition du français.

Ce qui est cependant amusant, c ‘est d’entendre ces mêmes politiques nous parler des valeurs à défendre dont le français .

Pour moi la dislocation est un reste de langage enfantin qu’il convient d’éviter pour autant que la personne intéressée s’en rende compte. Bien des journalistes en abusent. Il n’y à qu’à écouter une heure France-info pour s’en convaincre…

Cette dislocation fut fréquemment utilisée par Céline, et son style, littéraire ordurier, ne me déplaît pas. Au contraire, il m’est fort agréable et constitue selon moi un moyen de persuasion efficace. Un président hexagonal osant faire fi des contraintes de sa propre langue, c’est un président redoutable, qui désire le changement. C’est ce que cela induit peut-être ! Il y a en cette figure quelque chose d’affectueux également. Un rapprochement, une familiarité que l’on tente d’avoir avec l’auditoire : un climat de confiance, mais ce n’est qu’une hypothèse. Aussi, l’insistance. Cette figure insiste. Elle indique sans doute une persuasion de celui qui les prononce quant à ses propos, une fermeté. Mais effectivement, cette figure a de quoi effaroucher le puritanisme orthographique de certaines personnes !

    Merci de cette analyse très intéressante ! Si nous avons écrit le titre sous forme de question, c’est que les deux sont vrais. Selon le contexte, le but, la personne qui l’emploie, la dislocation peut être considérée comme un effet de style ou une maladresse de langage. Bon week-end

Merci pour cet article. Je suis hérissé en permanence par cette horrible façon de s’exprimer. Je me demande toujours si c’est voulu ou non. Dans les deux cas, c’est détestable : soit le Président ne s’exprime pas correctement en français, soit il fait des fautes volontaires par démagogie ! N. Sarkozy faisait la même chose mais ça collait mieux avec vulgarité naturelle (pas besoin pour lui de se forcer pour parler comme les moins instruits de nos concitoyen). Le terme de dislocation à gauche est aussi drôle que prémonitoire 😉

En plein accord avec ce qui vient d’être dit… J’ai même écrit à notre Ministre Najat Vallaud-Belkacem pour lui signaler qu’une telle faute de langage était intolérable et qu’inévitablement, cette faute devenait une « routine » de langage pour les présentateurs, speaker, journalistes etc…
(message du 31 Août transmis – Réf de l’enregistrement 6063-1441024453) auquel je n’ai jamais eu de réponse !

Par contre, dans le langage écrit, le redoublement du sujet peut-être employé pour insister sur un fait :
« La France, Elle, à toujours voulu … » dans le langage oral, il conviendrait de faire un silence appuyé et un léger changement de ton, pour indiquer les parenthèses me semble t-il !

bravo MACRON : celui là, il en rajoute à tous bouts de phrases……..Sur France Inter ce mardi matin : n’ayant pas entendu qui était l’invité, je pensais que c’était une personne peut habituée à la parole ….

Quoiqu’il en soit de la régularité de cette forme d’expression par rapport à la langue française, elle me semble effectivement se vouloir  » protectrice » ,  » condescendante » enfin un peu « gnan-gnan » voire « con-con ». Sa répétition ( je l’ai encore entendue aujourd’hui dans la bouche du Président de la République), est lassante et témoigne d’une maîtrise imparfaite du langage. Elle exprime une certaine volonté, peut-être inconsciente, de donner des leçons aux pauvres ignares que nous sommes et ce avec le faux air inspiré de l’homme responsable qui « sait ».

La France, elle.. Plutôt qu’une dislocation, cette figure de style couramment employée par nos dirigeants et non des moindres,m’apparaît être une explétion, à savoir le rajout de mots inutiles, ce qui témoigne d’une maîtrise imparfaite de la langue française. Je ne sais si François Hollande a fait du latin, en tout cas , il ne lui en reste pas grand chose, si l’on en juge par les difficultés qu’il éprouve à s’exprimer correctement.

Il se veut proche du peuple, est-ce sa manière de le faire? En parlant comme lui? avec un langage vulgaire (de « vulgar », langue du pays…. commun à tous…..
🙂

    J’ai du mal à penser que cette faute n’est pas un effet voulu :les discours des présidents ne sont-ils écrits par des spécialistes de la communication. N’y a-t-il pas comme une forme d’appel à l’empathie vis-à-vis d’un auditoire populaire, ,notamment. Ce qui reviendrait à laisser entendre :  » Voyez-vous nous avons le même langage. » ? (Notamment vis-à-vis des publics d’origine arabophone chez qui la dislocation est très courante dans le langage de tous les jours.) L’actuel président de la République française n’avait-il pas promis d’être un président normal ? En voici stylistiquement une preuve.
    Remarque : il serait intéressant de répertorier les mots qui font l’objet de cette redondance Ne s’apercevrait-on pas ( ceci n’est qu’une hypothèse ) qu’il s’agit de mots forts de sens ( Ex : La France, elle…)ou à haute valeur affective ( Ex. d’une mère parlant à son fils : Ta mère, elle a tout fait pour toi)