Figure de style L’aposiopèse : interrompre volontairement son discours Avez-vous déjà interrompu votre discours pour laisser le soin à votre auditoire d’imaginer la suite ? Si tel est le cas, vous avez utilisé une aposiopèse. Le mot nous vient du grec aposiôpêsis, qui désigne le fait de cesser de parler. L’idée de cette figure de style est en effet de suspendre son récit d’une manière assez brusque, au point que la syntaxe va s’en trouver affectée. Par exemple, on utilise une aposiopèse si l’on s’exclame : « Voyou ! Si je t’y prends encore, je vais te… » On laisse alors à la personne concernée imaginer ce qu’il lui arrivera en cas de récidive. Évaluer mon niveau Pour progresser en français, faites le test ! Lancer l’évaluation On vous explique Notons que l’aposiopèse, très utilisée au théâtre et dans les dialogues en général, se caractérise souvent par la présence de points de suspensions. Exemples d’aposiopèses littéraires « Non, Madame. Jamais, puisqu’il faut vous parler. Mon cœur de plus de feux ne se sentit brûler. Mais… » (Jean Racine, Bérénice) L’une des plus célèbres aposiopèses est sans doute cette tirade de Titus dans Bérénice. Le personnage ne termine pas sa phrase et laisse deviner un amour impossible. Par la suite, et malgré l’insistance de Bérénice, il bafouille. « À mon arrivée au logis, aux premiers mots que je balbutiai, Pauline m’interrompit en disant : — Si vous n’avez pas de monnaie… » (Honoré de Balzac, La Peau de chagrin) Dans ce texte fantastique resté célèbre se glisse cette aposiopèse : Pauline interrompt sa phrase pour éviter de suggérer une solution. Exemples d’aposiopèses courantes Comme le M. Jourdain de Molière faisait de la prose sans le savoir, nous utilisons fréquemment des aposiopèses sans forcément nous en rendre compte, pour marquer une hésitation, de la colère, de l’amour, etc. Eh bien, je crois que… J’ai un peu de mal avec… Je vous jure que si je l’attrape… Les fonctions de l’aposiopèse Créer du suspense L’inachèvement d’une phrase laisse l’auditeur dans l’incertitude, ce qui crée de l’attente et donc du suspense. L’aposiopèse a ainsi un côté « hitchcockien » ! Exprimer de la colère, de la frustration, de l’hésitation… La personne qui s’exprime, si elle est profondément en colère, peut ne pas trouver les mots pour exprimer toute l’intensité de ses sentiments, d’où l’inachèvement de la phrase. Suggérer une pensée implicite L’inachèvement de la phrase invite l’auditeur à imaginer la suite et à saisir les pensées de la personne qui s’exprime. Avis de l'expert Attention, l’aposiopèse n’est pas une ellipse. Cette autre figure de style consiste également à retirer un certain nombre de mots dans la phrase, mais la syntaxe n’est pas affectée, ni la cohérence et le sens. Par ailleurs, l’objectif de l’ellipse est plutôt d’alléger que de faire deviner. Elle est fréquente en journalisme. Exercice Exerçons-nous ! S’agit-il d’aposiopèses ? Incendies de forêt dans le Doubs : deux morts Je crois que c’est raté… Je crois que je vais vous… Gare à vous ! Si elle se laisse ramener par ce garçon… Réponses Il ne s’agit pas d’une aposiopèse, mais plutôt d’une ellipse (peu de mots pour dire l’essentiel). Il ne s’agit pas d’une aposiopèse : la phrase se termine par des points de suspension, mais il ne manque aucun élément et on n’a pas le sentiment que la personne a arrêté son discours. Il s’agit d’une aposiopèse : la phrase n’est pas terminée, et selon le ton, l’interlocuteur peut deviner l’intention exprimée. Il ne s’agit pas d’une aposiopèse : certes, on ignore ce qui va arriver à la personne, mais la phrase est complète et la menace évidente. Il s’agit d’une aposiopèse : la phrase n’est pas terminée, et la suggestion est évidente.
