Les salons littéraires : Madame du Deffand

Notre cycle sur les salonnières se poursuit avec Madame du Deffand. « Son histoire, écrit l’académicien André Bellessort, est à la fois extrêmement brillante et infiniment triste ». C’est que Madame du Deffand perdit progressivement la vue vers l’âge de 50 ans et ce drame ajouta à un pessimisme déjà prononcé. Faisons connaissance avec cette « aveugle clairvoyante », comme la nommait Voltaire.

Où était situé le salon de Madame du Deffand ?

Dans un appartement du couvent Saint-Joseph, là où avait logé précédemment Madame de Montespan, célèbre favorite de Louis XIV. Lorsqu’elle ne recevait que ses intimes, Madame du Deffand les réunissait dans sa chambre à coucher. Son large fauteuil au dossier recourbé en forme d’auvent était surnommé le « tonneau de la marquise ».

Qui était Madame du Deffand ?

Née en 1697, Marie de Vichy-Champrond prit le nom de « du Deffand » en épousant le Marquis du Deffand de la Lande quand elle avait 22 ans. André Bellessort la décrit comme étant « petite, la tête un peu forte pour l’exiguïté de sa taille » avec « un teint délicieux, une physionomie très animée », mais elle était surtout connue pour son esprit, son indépendance et sa curiosité. La future Madame de Staal (et non pas Staël !) écrira à son propos : « Personne n’a plus d’esprit et ne l’a plus naturel. ».

Était-elle une « femme de lettres » ?

Comme bon nombre de salonnières, Madame du Deffand n’est pas connue pour sa production littéraire. Néanmoins, elle a beaucoup lu (puis on lui faisait la lecture), surtout les écrivains du XVIIe. C’est le président Hénault, célèbre écrivain et historien dont elle fut la maîtresse, qui l’introduisit chez la Duchesse du Maine, à la cour de Sceaux. C’est là qu’elle constitua son « réseau ». « Il n’y aurait que deux plaisirs pour moi dans ce monde : la société et la lecture », écrira-t-elle plus tard.

Qui fréquentait son salon ?

Le salon de Madame du Deffand n’était pas un salon de philosophes (elle ne les portait pas dans son cœur) ni d’hommes de lettres comme celui de Mme Geoffrin ou, plus tard, celui de Mlle de Lespinasse. Laharpe et Marmontel n’y paraissaient que très rarement. Diderot ne vint qu’une fois. Seuls Montesquieu et surtout d’Alembert, qui excellait dans l’art de raconter des anecdotes et qui avait un talent extraordinaire pour imiter les gens, devinrent des habitués. En fin de compte, son salon était un salon de vieille aristocratie. Maréchaux, ducs et duchesses, archevêques, chevaliers se réunissaient presque chaque soir autour de son « tonneau ». C’est elle, enfin, qui forma la future salonnière et muse de l’Encyclopédie Julie de Lespinasse. Elles vécurent dix années ensemble, au couvent Saint-Joseph, avant de se brouiller. D’Alembert suivit Julie, ce que Madame du Deffand prit pour un abandon.

Quel souvenir a-t-elle laissé ?

Une riche correspondance (plus de 1500 pages !) avec Horace Walpole, un Anglais dont elle s’éprit à l’âge de 70 ans, mais aussi avec Voltaire. Cette correspondance constitue une mine d’informations sur le XVIIIsiècle.

Source : Les grands salons littéraires, XVIIet XVIIIsiècles, Conférences du musée Carnavalet de 1927, édition de 1928

Sandrine Campese

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