Les salons littéraires : la marquise de Rambouillet

Le XVIIe siècle marque l’âge d’or de la langue française. Lacréation de l’Académie française (1635), la publication des Remarques sur la langue française de Claude Favre de Vaugelas (1647), la parution du Dictionnaire universel d’Antoine Furetière (1690) et de la première édition du Dictionnaire de l’Académie française en sont quelques illustrations. Mais l’inventaire ne serait pas complet sans les grands salons littéraires dans lesquels les esprits les plus brillants ont fait vivre notre belle langue. Aujourd’hui, intéressons-nous au plus ancien et non moins célèbre salon de la marquise de Rambouillet.

Où le salon de la marquise de Rambouillet était-il situé ?

Il se tenait dans l’Hôtel de Rambouillet, situé dans une rue qui n’existe plus : la rue Saint-Thomas-du-Louvre, dans le 1er arrondissement de Paris. Cette rue était perpendiculaire à la rue Saint-Honoré.

Qui était la marquise de Rambouillet ?

De son vrai nom Catherine Vivonne, la marquise de Rambouillet, d’origine italienne, avait une forte personnalité. En témoignent ses jolis yeux noirs, pétillants et rieurs. Intelligente et savante, elle parlait plusieurs langues. L’un de ses fidèles, Tallemant de Réaux, a écrit : « Personne ne fut plus aimé même de ses gens ni des gens de ses amis, qui ne l’appelaient que “La Grande marquise”. »

Était-elle une « femme de lettres » ?

La marquise de Rambouillet n’était pas vraiment une femme de lettres. Elle savait surtout organiser ses réceptions. « Je ne fais pas de vers, écrit-elle, parce que je n’ai aucune familiarité avec les muses ». Les lettres qu’elle a laissées ne brillent pas par leur style. Néanmoins, dans son salon, Madame de Rambouillet veillait à la bonne tenue du langage. Elle n’admettait pas l’emploi de termes grossiers, d’expressions archaïques, de locutions provinciales et de mots techniques obscurs.

Quand recevait-elle ?

Les réceptions à l’Hôtel de Rambouillet ont commencé après la mort d’Henri IV, mais les plus beaux moments ont été vers la fin du règne de Louis XIII, de 1638 à 1642. On venait de préférence chez Madame de Rambouillet après les repas, pendant les « heures de digestion ». Si son mari, Charles d’Angennes, est resté en retrait de ces mondanités, la marquise de Rambouillet a pu compter sur l’aide de sa fille Julie d’Angennes pour tenir son salon.

Que faisait-on dans son salon ?

On discutait, on faisait des lectures, on jouait la comédie, on chantait et on écoutait de la musique. On jouait à des jeux de société, on se livrait à des petites improvisations littéraires. On composait des rondeaux (une forme de poème chère à Vincent Voiture ou à La Fontaine), des énigmes… Des fêtes exceptionnelles y étaient aussi organisées, comme celle où fut reçu le duc de Buckingham. Enfin, on critiquait Louis XIII et Richelieu !

Qui fréquentait son salon ?

De nombreux poètes, écrivains, grammairiens du XVIe siècle tel François de Malherbe, qui fut assidu dans les débuts, et pour cause, il était épris de la marquise ! Malherbe avait d’ailleurs surnommé la maîtresse des lieux « Arthénice », qui n’est autre que l’anagramme de son prénom « Catherine ». Il y avait également les premiers membres de l’Académie française naissante : Vincent Voiture (qui, lui, était amoureux de Julie d’Angennes, la fille de la marquise !), Jean Chapelain, Antoine Godeau, et le grand Claude Favre de Vaugelas… Sans oublier Tallemant des Réaux, qui a décrit ses contemporains dans ses célèbres Historiettes. Tous fréquentaient son salon et sa célèbre « Chambre bleue ». Bien sûr, il n’y avait pas que de vieux hommes de lettres ! La marquise de Rambouillet conviait aussi de belles et jeunes filles issues de grandes familles…

Qui n’y a jamais les pieds (ou presque) ?

Molière (le salon avait déjà disparu), Corneille, qui y a fait une brève apparition, sans succès. Même chose pour Bossuet. Finalement, ce sont surtout des auteurs de second et de troisième ordre qui ont fréquenté l’Hôtel de Rambouillet, ce qui n’enlève rien à sa renommée et à son influence.

Pourquoi le salon a-t-il cessé ses activités ?

Parce que la fille de la marquise, Julie d’Angennes, a fini par se marier et a délaissé le salon. Dans le même temps, elle perdait son frère, ce qui causa un grand chagrin à la marquise, déjà lassée des mondanités. Elle s’est éteinte en 1665, à l’âge de 77 ans. Quant à l’Hôtel de Rambouillet, il a été démoli au XIXe siècle.


Sandrine Campese

Source : Les grands salons littéraires, XVIIe et XVIIIe siècles, Conférences du musée Carnavalet de 1927, édition de 1928.

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