Diantre ! Cela ne saute pas immédiatement aux yeux, mais « diantre » est l’altération de « diable ». Ce vieux juron, déjà en usage au XVIe siècle, est plus précisément une « altération euphémique » qui permet de jurer sans risquer de réveiller le prince des démons… Ainsi disait-on : « Que le diantre vous emporte ! » ou « Allez au diantre ! ». L’interjection « Diantre ! » sert à marquer différentes émotions : l’affirmation, l’imprécation (voir plus bas « La peste soit… »), l’admiration, l’étonnement… Molière l’emploie volontiers dans ses pièces : « Comment diantre voulez-vous qu’on fasse pour vous voler ? » « Qui diantre peut aller là contre ? » (L’Avare), « D’où diantre a-t-il sitôt appris cette aventure ? » (L’École des femmes). Aujourd’hui, « diantre » s’emploie plaisamment, souvent précédé de « que » : « Que diantre, allons-nous-en ! », alors que ce n’était pas, semble-t-il, l’usage dans les siècles passés. Morbleu ! Non, « Morbleu » n’est pas un fromage composé de morbier et de bleu : c’est le juron du XVIIe siècle par excellence. Rien d’étonnant à ce qu’on le trouve dans les pièces de Molière, par exemple dans Le Misanthrope : « Ah, morbleu ! Mêlez-vous, monsieur, de vos affaires. » « Morbleu » exprime une colère mêlée d’impatience et d’indignation. C’est l’altération euphémique (encore une !) de « mordieu », c’est-à-dire « mort de Dieu ». Tout comme « diantre », il permet de jurer sans blasphémer. D’autres jurons transforment « Dieu » en « bleu » : « sacrebleu », autrement dit « par le sacre (de) Dieu » et « palsambleu », où transparaît l’expression « par le sang (de) Dieu ». Cette dernière est plus rare que « Morbleu », mais toujours dans la même… veine ! Coquin ! Voilà un mot dont le sens a bien évolué depuis l’époque de Molière. Chez le dramaturge, un coquin n’est pas, comme aujourd’hui, « une personne qui a de la malice, de l’espièglerie ». C’est une « personne vile, capable d’actions blâmables ». Ainsi écrit-il dans Le Tartuffe : « Qui, moi ? de ce coquin, qui par ses impostures… ». De cette acception est né le terme d’injure « coquin ». Toujours dans Le Tartuffe : « Coquin ! Je me repens que ma main t’ait fait grâce. » À noter que le nom se rencontre souvent accompagné de l’adjectif fieffé, « c’est un fieffé coquin », où « fieffé » veut dire « qui possède au plus haut degré un défaut, un vice ». On dit plus couramment « un fieffé menteur ». Signalons enfin que « coquin » compose l’expression « coquin de sort ! », bien connue dans le sud de la France. Synonyme de coquin : « Pendard ! », qui vient du mot d’ancien français pendart signifiant « bourreau ». De la même famille que le verbe pendre, il existe au féminin : « pendarde ». Ainsi peut-on lire, dans Le Malade imaginaire, « Parle bas, pendarde ! ». Faquin ! « Faquin » ressemble à « coquin », mais il est un peu moins accusateur. Là où le coquin est infréquentable, le faquin se contente d’être un « individu sans valeur, plat… et impertinent » (ah, quand même !). Comme « coquin », c’est un terme d’injure typique du XVIIe siècle. Ainsi, Molière écrit-il dans L’Avare : « Vous n’êtes pour tout potage qu’un faquin de cuisinier ». Autre insulte du même acabit : « Maraud ! », qui signifie « minable, vaurien ». Notons que ces termes cohabitent bien volontiers. Dans Les Fourberies de Scapin : « Je me déferai de ce maraud fieffé, de ce faquin… ». Et sous la plume d’Edmond Rostand dans Cyrano de Bergerac, dont l’intrigue se déroule au XVIIe siècle : « Maraud, faquin, butor de pied plat ridicule ! » Fesse-mathieu Vous n’osez traiter votre beau-père de radin ? Utilisez « fesse-mathieu », c’est bien plus original ! Il s’agit bien, dans cette expression, de « fesser Mathieu ». Mais pourquoi Mathieu ? Parce que saint Mathieu est le patron des changeurs. Mais pourquoi diable le fesser ? Pour en tirer de l’argent, pardi ! Autre synonyme d’avare : « ladre ». Molière les cumule dans L’Avare, justement : « Jamais on ne parle de vous que sous les noms d’avare, de ladre, de vilain et de fesse-mathieu. » (La) peste soit… ! Voilà ce qui s’appelle une imprécation (ou un anathème), c’est-à-dire un souhait de malheur contre quelqu’un. On comprend aisément pourquoi la peste, la plus ravageuse des épidémies, est convoquée à cet effet. La tournure, notée vieillie dans Le Petit Robert, a plusieurs formes : « La peste t’étouffe », peut-on d’abord y lire. Mais Molière préfère l’employer de la façon suivante : « Peste soit », ou, avec l’article défini, « La peste soit… ». Dans Le Dépit amoureux : « Foin de notre sottise, et peste soit des hommes ! », puis dans L’Avare : « La peste soit de l’avarice et des avaricieux », répété deux répliques plus loin « Je dis que la peste soit de l’avarice et des avaricieux ». C’est ce sens qui a fait naître le verbe pester, c’est-à-dire « manifester son mécontentement, sa colère, par des paroles ». On peste contre le mauvais temps, contre quelqu’un. On oublie presque qu’étymologiquement, cela revient tout de même à lui souhaiter de contracter la peste ! Sandrine Campese Les étymologies et les définitions sont tirées du Petit Robert de la langue française. Publié par Sandrine