Le 19 décembre à 12 h, participez à la Grande dictée pour le climat !

Le mot juste : chaussure ou soulier ?

Pour aborder sereinemechaussures souliersnt la rentrée, plus question de se lever du mauvais pied : vous avez troqué vos tongs et vos espadrilles contre une paire de souliers flambant neufs. Enfin, de chaussures ! Souliers, chaussures… c’est la même chose, non ? Pourtant, aux Galeries Lafayette, le rayon permettant d’habiller ses pieds est très explicitement nommé « chaussures et souliers ». Si ces deux mots étaient synonymes, pourquoi le grand magasin s’évertuerait-il à faire le distinguo ? Pour être fixés, ouvrons le dictionnaire !

Chaussure, le terme générique

Comme son nom l’indique, la chaussure sert à « chausser », à envelopper le pied. Or le verbe chausser est issu du latin calceare, lui-même dérivé de calceus signifiant « soulier ». Par conséquent, c’est la chaussure qui a emboîté le pas au soulier, et non l’inverse.

Au fil du temps, la chaussure a fini par piétiner le soulier, au point de parler, par métonymie, de « la chaussure » pour désigner la fabrication, l’industrie ou le commerce des chaussures.

Mais alors, qu’est-il advenu de notre soulier ?

 Soulier, un mot vieilli…

Selon le Littré, le soulier est une « chaussure qui couvre le pied et qui s’attache par-dessus ». D’après cette définition, peut-on dire (sans trop s’avancer)que les baskets sont des souliers ? D’après le DHLF*, c’est une « chaussure à semelle résistante qui couvre complètement ou partiellement le pied, et dont la forme a varié au cours des  siècles ». Difficile d’être plus vague… Le soulier n’aurait-il rien de particulier ?

Par le passé, l’expression « soulier en chausson » s’est employée à propos d’un soulier muni d’une simple semelle. S’agissait-il des « souliers apostoliques », depuis rebaptisés « sandales » ? Quant aux « souliers de bois », ils sont devenus des « sabots ». Ajoutons qu’au Québec, les « souliers de bœuf » sont des mocassins : encore une autre sorte de chaussure !

Aujourd’hui, nous parlons encore de « souliers plats » (sans talons) et de « souliers vernis », mais c’est surtout dans les expressions populaires que le mot se rencontre : « débarquer avec ses gros souliers » ou au contraire « être dans ses petits souliers ».

Qu’il soit sandale, sabot ou mocassin, petit ou gros, « soulier » semble, au bout du compte, aussi générique que « chaussure ». Nous voilà bien avancés.

 … qui connaît une nouvelle vie !

Aux Galeries Lafayette, la mention « chaussures et souliers » est accompagnée de la traduction anglaise « shoes et boots ». Mais ne nous y trompons pas : si shoes est l’équivalent de « chaussures », boots ne veut pas dire « souliers », mais « bottes » ou « bottines ». Si nous ouvrons un dictionnaire Harrap’s pour chercher la traduction anglaise de « soulier », nous trouvons shoe. Et à shoe, nous trouvons « chaussure, soulier ». Bref, le français « soulier » n’a pas de traduction propre en anglais. Outre-Manche, « chaussure » et « soulier » sont bien synonymes.

Mais alors, pour justifier cette distinction, faut-il remonter à la création des Galeries Lafayette en 1894, date à laquelle « chaussure » et « soulier » étaient encore concurrents ? Bien plus terre à terre, la réponse est à chercher du côté de la stratégie marketing auprès des acheteurs étrangers. Le côté vieilli de « soulier » et le fait qu’il soit intraduisible apportent sans doute une petite touche « rétro » et frenchy, très recherchée dans l’univers du luxe. Pas sûr que les touristes japonais, les plus nombreux à fréquenter ce haut lieu du shopping français, saisissent la subtilité…

* Dictionnaire historique de la langue française

Sandrine Campese

Crédit image

Découvrez également sur notre blog :

Articles liés

Laissez un commentaire
*


Bonjour Sandrine,

Un grand merci pour vos articles, à la fois pertinents, enrichissants et si bien tournés !
Si je puis apporter une petite précision qui confirme votre analyse relative à l’univers du luxe : chez Vuitton, on parle de « souliers » et non de « chaussures ».

A bientôt de vous lire.

Laurence

    Bonjour Laurence, merci à vous pour votre soutien et votre fidélité ! L’exemple que vous apportez confirme l’idée évoquée à la fin du billet : « Le côté vieilli de « soulier » et le fait qu’il soit intraduisible apportent sans doute une petite touche « rétro » et frenchy, très recherchée dans l’univers du luxe. ». Bonne journée et à bientôt !