Éloquence, rhétorique, verve… Comment nommer l’art du « bien parler » ?

On connaît tous, dans notre entourage, une personne qui sait bien parler. À moins que cette personne, ce soit nous ! Dans tous les cas, comment qualifier cette qualité, ce don, cet art, souvent imité, rarement égalé, toujours envié ? Comme pour décrire le rire, la langue française fourmille de termes plus ou moins équivalents. Reste à employer le bon mot, pour éviter, par exemple, de faire un compliment en demi-teinte…

Éloquence : la qualité

Commençons par le mot star de cet article : « éloquence ». Il vient du nom latin eloquentia, formé à partir du verbe loqui, « parler ». 

Et ce verbe, on le retrouve dans quantité de mots qui ont trait à la parole : allocution, circonlocution, colloque, élocution, grandiloquence, interlocuteur, interlocutoire, interloqué, interloquer, locuteur, locution, loquace, soliloque, ventriloque… 

Que désigne l’éloquence, exactement ? C’est le don de la parole, la facilité de bien s’exprimer. Et comme l’éloquence vient souvent servir une demande, un but, une cause, c’est aussi l’art de toucher et de persuader par le discours. Tant et si bien que l’adjectif éloquent a fini par désigner aussi ce qui est expressif sans parole, ce qui est probant sans discours (des chiffres éloquents = significatifs).

Rhétorique : la technique

La rhétorique est au grec ce que l’éloquence est au latin ! En effet, « rhétorique » vient du grec rhêtorikê. On reconnaît la racine rhêtôr, qui signifie « orateur ». 

Rhétorique

Éloquence et rhétorique sont de quasi-synonymes, mais la rhétorique comporte une petite nuance supplémentaire. C’est l’art du bien parler, oui, mais il ne vient pas de nulle part ! La rhétorique est une « technique », qui s’appuie sur un ensemble de moyens d’expression parmi lesquels les figures de style (ou de rhétorique) que nous aimons tant ! 

Autrement dit, on peut être éloquent assez naturellement, alors que la rhétorique s’apprend et se travaille. 

Mais, au fait, comment nomme-t-on une personne qui maîtrise la rhétorique ? 

Le rhéteur était, dans l’Antiquité, un maître de rhétorique. Désormais, c’est un orateur qui « sacrifie à l’art du discours la vérité ou la sincérité » ou « qui s’exprime de manière emphatique ». Flûte alors, ce n’est pas très positif, tout ça (voir ci-après : « grandiloquence ») ! 

Plus valorisante est la posture du rhétoricien : « personne savante en matière de rhétorique », qui se rapproche de l’argumentateur.

Loquacité : la quantité

Issu de la même famille qu’éloquence, le nom loquacité est noté « littéraire » dans le dictionnaire, ce qui n’est pas le cas d’éloquence, d’usage courant. Mais la « supériorité » s’arrête là ! 

La loquacité met l’accent sur la quantité, non sur la qualité. C’est la « disposition (habituelle ou occasionnelle) à parler beaucoup », nous dit Le Petit Robert. Or, « parler beaucoup » ne veut pas dire « parler bien » ! 

De même, loquace est le synonyme soutenu de bavard. Pas de quoi captiver un auditoire, déchaîner les foules, donc…

Volubilité : rapidité et facilité

À noter que la même idée se retrouve dans « volubilité ». Et l’étymologie annonce la couleur : il est question de la volubilité de la langue, autrement dit de la capacité à la mouvoir afin de parler ! 

Volubilité

La volubilité se résume donc à trois caractéristiques proches : « abondance, rapidité et facilité de parole ». Ici aussi, rien ne garantit que le propos soit intéressant, encore moins convaincant. 

Reste que les personnes volubiles sont rassurantes pour les personnes timides qui n’ont pas besoin de faire la conversation. Comment reconnaître une personne volubile ? Elle ne supporte pas quand il y a des « blancs » dans la conversation ! 

De même, l’emploi du nom faconde, noté littéraire, est aujourd’hui plutôt péjoratif. La faconde est une élocution facile, abondante.

Verve : l’originalité en plus

Une seule lettre d’écart, et vous passez de « verbe » à « verve ». Ce n’est pas un hasard : les deux mots sont de la même famille ! 

À l’origine, la verve n’était pas liée à la parole, elle désignait une inspiration vive, une fantaisie créatrice. Par exemple, dans la « verve poétique ». Mais encore plus largement la fougue, la vivacité. 

Verve

Désormais, on la définit comme « l’imagination et la fantaisie dans la parole ». À un(e) ami(e) qui manifeste son esprit, qui est plus brillant(e) qu’à l’ordinaire, on dira : « Tu es en verve aujourd’hui ! » 

Autre mot proche de « verve » : brio, nom italien signifiant « vivacité ». Même si on l’associe souvent à la parole (« parler avec brio »), le brio désigne plus généralement une technique aisée et brillante (il est en ce sens proche de maestria), un talent brillant, une virtuosité.

Grandiloquence : on en fait un peu trop !

Formée d’après « éloquence », la grandiloquence est littéralement « le parler sublime » : rien que cela ! C’est l’éloquence poussée à l’excès, un style affecté, qui abuse des grands mots et des effets faciles. 

La grandiloquence est proche de l’emphase qui, hormis dans son sens premier (« énergie, force expressive »), est connotée négativement en tant qu’« emploi abusif ou déplacé du style élevé, du ton déclamatoire ». On parle aussi d’enflure (pas l’insulte !), et les verbes pérorer et pontifier traduisent la même idée.

Bagou : attention, il peut tromper !

Le nom bagou, du verbe bagouler, « parler inconsidérément », est de la même famille que « gueule ». Ça annonce la couleur ! 

Bagou

« Avoir du bagou », c’est être loquace, se montrer convaincant (= éloquence), mais, généralement, il s’agit de faire illusion et duper ! 

Le bagou, on le rapproche de la tchatche. Et quand on a du bagou, on peut passer pour un baratineur ou une baratineuse.

Sandrine Campese

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