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Scansion, liaisons, syncopes : le parler des présidents

Issue de la Grèce antique, la rhétorique ne se réduit pas à de belles envolées lyriques, elle doit servir à convaincre et à persuader l’auditeur. Pour les Français, le président de la République est naturellement un orateur hors pair. Héritage monarchique oblige, sa parole est quasi divine, et ne tolère donc aucune imperfection… ou presque. Qu’avons-nous retenu des prestations orales de nos anciens présidents ?

Les discours scandés de De Gaulle et Mitterrand

Pour galvaniser les foules, le général de Gaulle avait un secret : marteler chaque propos. Ce rythme lent et ce ton insistant donnaient à ses discours leur solennité et leur gravité. Naturellement, celui qui incarna « la voix de la France » fut un peu perturbé par l’arrivée de la télévision, qu’il bouda d’abord pendant le 1er tour de la campagne présidentielle de 1965, avant de se prêter au jeu. Or, transposé au petit écran, ce parler « héroïque » paraît vite exagéré, en tout cas à travers nos yeux !

Cette élocution hachée, c’est sans doute la seule chose que François Mitterrand a partagée avec le général de Gaulle. Rien d’étonnant à cela, les deux hommes ont été formés à l’art oratoire tel qu’il se pratiquait sous la IIIe puis la IVe République, c’est-à-dire devant un auditoire et non des téléspectateurs. Ce parler « scandé » allait de pair avec son allure de sphinx, à la fois fier et froid.

Le style ampoulé de VGE

 Il a bien essayé de « faire populaire », Valéry Giscard d’Estaing, en jouant de l’accordéon et en s’invitant à dîner chez les Français, mais dès qu’il s’exprimait, il était trahi par son style ampoulé façon « patate chaude dans la bouche ». Son chaleureux « au revoir » qui ponctuait ses vœux télévisés est passé à la postérité, notamment grâce aux Enfants de la télé. Jack Lang est le digne héritier de ce parler tuberculeux.

Les liaisons facultatives de Chirac

Jacques Chirac est connu pour avoir usé (et parfois abusé) des liaisons dites facultatives, c’est-à-dire appartenant au langage soutenu. Mieux, il avait l’habitude de distinguer la liaison du mot suivant, comme s’il s’agissait d’une syllabe à part entière ! Exemple : « C’est-e-avec gravité que je m’adresse aux Français. »

Les syncopes de Sarkozy

Président pressé, Nicolas Sarkozy avait l’habitude de supprimer des lettres à l’intérieur d’un mot. La phrase « M’sieur Pujadas, j’vais vous dire une chose » contient les syncopes les plus célèbres du prédécesseur de François Hollande. Pour certains, ce « parler peuple » était le fruit d’une stratégie. Pourtant, Nicolas Sarkozy s’exprimait déjà ainsi lors de son premier passage télévisé. Il avait alors 20 ans.

Les anaphores de Hollande

Hollande s’est fait connaître par ses anaphores (répétition d’un même mot ou groupe de mots en début de phrase) avant même d’être élu. Lors du débat télévisé de l’entre-deux-tours de l’élection présidentielle de 2012, face à Nicolas Sarkozy, il a répété quinze fois « Moi président de la République ». Il est également caractérisé par son phrasé parfois hésitant, en raison des pauses qu’il marquait entre les mots. Les Guignols, notamment, ne se sont pas gênés pour placer quantité de « heu… » dans la bouche de sa marionnette.

Sandrine Campese
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Il y a également un tic de langage très courant dans le discours des 2 précédents Présidents (Sarkozy et Hollande). Il s’agit de la dislocation à gauche qui consiste à répéter le sujet comme dans « La France elle est … ». Cependant, c’est maintenant devenu une faute universelle propagée par les médias (et qui commence à se voir à l’écrit sur les forums…).

Moi qui suis une passionnée de la langue française, j’ai lui avec un très grand plaisir vos articles sur les néologismes et Cie. Pousseront-ils journalistes, acteurs, … élus à parler français ? Quel progrès réjouissant ce serait !

    Merci Violaine. Le langage politique m’intéresse beaucoup, en effet ! Il est vrai que, de ce côté-là, un certain relâchement est à noter. D’aucuns diront que ce relâchement généralisé est dû à l’époque, et qu’il n’y a donc aucune raison pour que journalistes et politiques passent entre les mailles du filet. Il ne reste plus, à notre petit niveau, que de montrer l’exemple ;-).