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Bonimenteur, thuriféraire, parangon…Qui se cache derrière ces noms littéraires ?

Voici cinq noms littéraires qui désignent des types de personnes. Vous avez peut-être déjà croisé ces noms dans des romans ou dans la presse, les journalistes étant friands de synonymes, souvent soutenus, pour éviter les répétitions et manier le style. Problème : on n’a pas toujours le réflexe de chercher leur signification dans le dictionnaire, et l’on peut vite et l’on peut vite s’en faire une idée approximative, voire aboutir à un contresens. Sans plus attendre, faisons leur connaissance…

1- Le bonimenteur : il baratine !

Dans « bonimenteur », on entend « menteur ». « Bonimenteur » est-il simplement le synonyme littéraire de « menteur » ? Pas si vite !

D’abord, et contrairement aux apparences, le nom bonimenteur n’est pas formé sur « menteur ». Bonimenteur vient du verbe bonimenter, lui-même issu du nom boniment, lequel vient du verbe bonir (ou bonnir), vieux verbe argotique signifiant « dire, raconter ». Ce « bon » pourrait venir de l’expression « en raconter de bonnes ».

Voilà pour l’étymologie, passons au sens ! Littéralement, « bonimenter », c’est « faire le boniment », c’est-à-dire adresser un propos au public afin de vanter un spectacle, une marchandise.

Des boniments, on en entend fréquemment sur les marchés, ce qui n’est pas sans ajouter du charme et de la vie à ces lieux de déambulation et de sociabilisation.

Mais comme certains bonimenteurs peuvent abuser de la crédulité du public, le boniment est devenu aussi un « propos dénué de sérieux ou fait pour tromper ».

En somme, le bonimenteur (ou la bonimenteuse) tient des arguments plus ou moins fallacieux dans le but de séduire, de persuader ou de convaincre. Il est davantage un « baratineur » qu’un menteur !

2- Le thuriféraire : il encense !

« Thuriféraire » : à première vue, en raison de ses sonorités un peu dures, ce nom évoque plutôt quelque chose de négatif. On entend même « tuerie » ! Le thuriféraire est-il celui qui tue, qui défait, qui détruit ? Que nenni ! C’est même tout l’inverse.

Comme souvent, un petit détour par l’étymologie nous permet d’en deviner le sens. « Thuriféraire » vient du latin thuriferarius, lui-même issu de thus, thuris, signifiant « encens ». « Encens » qui a donné… « encenser ».

Mais alors, le thuriféraire serait-il celui qui encense ? Absolument ! Et même un peu trop…

C’est une personne qui loue, vante quelqu’un, quelque chose avec excès. On parle, par exemple, des « thuriféraires du pouvoir ».

À noter qu’avant cela, dans la liturgie romaine, le thuriféraire était un clerc qui portait l’encens. En effet, on y décèle la racine latine fero, ferre, qui signifie « porter » et que l’on retrouve sous la forme –fère dans quantité de mots français ( par exemple « mammifère », « qui porte des mamelles »).

Quels synonymes pour « thuriféraire » ?  « Flatteur » ou « flagorneur » semblent convenir à merveille !

3- Le contempteur : il dénigre !

Place au contempteur, dont le nom semble, à première vue, empli de bonnes intentions ! Le contempteur est-il celui qui contemple, qui compte le temps, qui est content ?

Pas du tout ! Le nom vient du latin contemptor, tiré du verbe contemnere, « mépriser ». Le ton est donné.

Le contempteur est une personne qui méprise, qui dénigre quelqu’un ou quelque chose. On parle, par exemple, des « contempteurs des valeurs morales ». On pourrait dire aussi « dénigreur » ou « détracteur ».

Le contempteur (ou la contemptrice) s’oppose donc au thuriféraire, ci-dessus, lequel flatte à l’envi !

4- Le pourfendeur : il critique !

Avec « pourfendeur », difficile de jouer aux devinettes.

D’un côté, nous avons le préfixe « pour- » qui nous semble d’emblée très positif. De l’autre « fendeur », suggérant « fendre », et qui paraît tout de suite moins engageant…

Alors, verdict ?

Le nom pourfendeur vient du verbe pourfendre, qui est bel et bien composé du préfixe pour–et du verbe « fendre ». Mais attention, « pour- », en tant que préfixe, est à rapprocher de per– ou pro–, ettraduit la perfection, l’action complète, achevée. Rien à voir, donc, avec notre « pour » incarnant l’adhésion, l’assentiment, par opposition à « contre ».

Ce « pour- », on le retrouve dans d’autres verbes comme « pourchasser » et « poursuivre ». Ces derniers verbes contiennent, par rapport à « chasser » et à « suivre », l’idée d’ardeur, d’application ou encore d’obstination.

Autre verbe formé de la même façon, plus rare, mais non moins intéressant : « pourpenser », c’est-à-dire penser mûrement (to think twice, « penser deux fois », dirait-on en anglais).

Le pourfendeur (ou la pourfendeuse) est donc une personne qui pourfend, qui met à mal ou critique vigoureusement. On parle, par exemple, d’un « pourfendeur des abus ».

Aujourd’hui, le terme est plutôt employé de façon ironique et familière.

5- Le parangon : un modèle !

Un peu d’apaisement à présent, après avoir croisé les redoutables « contempteurs » et « pourfendeurs » !

Le nom « parangon » est tout simplement le synonyme littéraire de « modèle ». C’est un « type accompli » (« type » au sens de « figure », bien sûr !).

Ici, point de latin, mais de l’espagnol : le nom parangón, qui signifie « comparaison ». Ainsi, en espagnol, dit-on « sin parangón », c’est-à-dire « sans pareil (ou pareille) », ou encore  « tener parangón con », « être comparable à ».

Généralement, « parangon » s’emploie avec un complément du nom. L’expression la plus courante est « parangon de vertu », souvent employée ironiquement. Dans La Recherche, Proust écrit : « Des ministres tarés et d’anciennes filles publiques étaient tenus pour des parangons de vertu. »

Autres exemples : un parangon de beauté, un parangon d’autorité…

Balzac a employé ce nom sous cette forme : « Il existe à Paris un incomparable Voyageur, le parangon de son espèce… »

« Parangon » a-t-il d’autres équivalents ? Bien sûr : « archétype », « canon », « étalon » et « idéal ».

Sandrine Campese

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MERCI! j’apprécie beaucoup de lire la décomposition étymologique des ces mots ça me facilite leur mémorisation et compréhension. j’ai quand même une petite peur : c’est de retenir le sens opposé des mots. car chaque paragraphe débute par des petites questions mentionnant la mauvaise réponse…

    Bonsoir Hashimoto, heureuse de lire que cet article vous ait plu :-). Oui, nous aimons bien chercher les raisons (il y en a toujours !) qui nous font hésiter sur l’orthographe ou le sens des mots. Cela permet de dédramatiser les erreurs. Mais pour qu’il n’y ait pas de confusion, nous mettons bien en gras, dans les titres, la bonne signification. Bonne soirée.