Êtes-vous plutôt « langue de bois » ou « langue de coton » ?

En France, la campagne présidentielle bat son plein. Les candidats, questionnés par des journalistes, empruntent parfois des chemins détournés pour éviter de répondre ou donnent des réponses si consensuelles qu’elles sont vidées de leur sens. Dans le premier cas, ils emploient la langue de bois, dans le second, la langue de coton. Savez-vous bien distinguer les deux ? Voici (sans langue de bois) quelques définitions et exemples pour mieux identifier ces deux « artifices » de communication.

La langue de bois : pour éviter de répondre

La langue de bois consiste, quand on est face à une question gênante, à pratiquer la stratégie de l’évitement, à botter en touche, à trouver une échappatoire, quitte à dire un gros mensonge. Elle est proche du « politiquement correct ».

Par exemple, lorsqu’un journaliste demande à un politique s’il pense aux futures élections et qu’il livre des réponses du type : « Ce n’est pas le sujet… Il est encore trop tôt pour le dire… Ça n’intéresse pas les Français… Les Français préfèrent que l’on se préoccupe de leurs problèmes », il est pris en « flagrant délit de langue de bois ».

La plupart du temps, les politiques emploient un ton d’exaspération voire d’indignation qui semble vouloir dire « Mais enfin, comment osez-vous me poser cette question ? ». C’est le même ton que Jacques Chirac a employé face à Arlette Chabot qui avait osé lui demander s’il irait jusqu’au bout de l’élection présidentielle de 1995. Notons que la langue de bois se profile dans de nombreuses questions rhétoriques. Ces dernières n’attendent pas de réponse, elles permettent juste de renvoyer la balle à « l’adversaire » et de gagner du temps.

Finalement, l’un des seuls à avoir répondu à cette question sans détour, qui plus est avec humour, c’est Nicolas Sarkozy : « [J’y pense,] pas simplement quand je me rase. » Pourtant, nous étions en novembre 2003, soit trois ans et demi avant l’élection présidentielle de 2007. Qui dit mieux ?

Jean-François Copé ! Interrogé en 2010 sur une hypothétique candidature en 2012, il s’était déjà « positionné » pour 2017 : « Je parle aussi de 2017 parce que ce sera mon rendez-vous personnel (…). Le rendez-vous qui est le mien avec les Français. » Encore heureux, pour celui qui, en 2006, a sorti un livre intitulé Promis, j’arrête la langue de bois ! En dépit de sa réponse franche et directe, le « rendez-vous » a tourné court… En résumé, pour débusquer celui qui pratique la « langue de bois », il faut simplement se demander « Répond-il à la question posée ? ». NON = langue de bois !

La langue de coton : pour mettre tout le monde d’accord

Cette fois-ci, il ne s’agit pas de répondre à côté, mais de livrer un discours consensuel et creux. Comme l’explique le journaliste québécois Jean Dion, « la langue de coton se distingue de son homologue de bois, dure et soviétique, par son côté rassurant, chaud, moelleux, qui fait oublier sa totale insignifiance » (Le Devoir, 1998).

C’est ce qu’indiquait déjà le chercheur français François-Bernard Huyghe dans son ouvrage La Langue de coton (1991) : « Le coton est doux, il absorbe, on l’utilise pour anesthésier comme pour boucher les oreilles, c’est l’accessoire indispensable du maquillage, il protège et il apaise. »

Or, la langue de coton apparaît dès qu’il s’agit de « ratisser large », de plaire au plus grand nombre. Elle fleurit dans les discours politiques, particulièrement ceux qui sont remplis de promesses et de bonnes intentions. On peut citer par exemple la conclusion tonitruante du discours de François Hollande du 22 janvier 2012 :

La justice, c’est maintenant,
L’espérance, c’est maintenant,
La République, c’est maintenant.

On pourrait ajouter :
L’heure du goûter, c’est maintenant,
Les soldes toute l’année, c’est maintenant,
La fin de l’hiver, c’est maintenant…

Plus récemment, en septembre 2016, la directrice générale du Fonds monétaire international Christine Lagarde indiquait au journal L’Obs : « Nous devons nous atteler à la lutte contre les inégalités. » Ses propos ont même été mis en exergue dans l’article. Ici encore, qui pourrait dire qu’il ne faut pas lutter contre les inégalités ou pire, qu’il faut les aggraver ? Ces phrases consensuelles et creuses à souhait pourraient sortir de la bouche de n’importe quel dirigeant politique…

Pour débusquer celui qui pratique la langue de coton, une seule question à se poser : « pourrait-on dire autre chose / le contraire ? » NON = langue de coton !

Enfin, une belle illustration de ce qu’est un discours vide de sens nous a été donnée dans le premier spectacle de Nicolas Canteloup. L’humoriste imite l’entraîneur Didier Deschamps commentant un match de foot qu’il juge « tant sur le plan tactique que technique ». Quelques secondes plus tard, il applique le même discours… à sa vie intime !

Sandrine Campese

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