À cor et à cri, en filigrane, à huis clos… 5 expressions à bien orthographier une fois pour toutes ! (suite)

Voici 5 nouvelles expressions qui souffrent toutes d’être régulièrement écorchées. Pourtant, dès que l’on perce le secret de leur origine, leur orthographe semble limpide ! Que désigne le « cor » dans « à cor et à cri » ? Le gramme a-t-il un quelconque rapport avec l’expression « en filigrane » ? Faut-il être huit pour se réunir à huis clos ? Il suffit de revoir le sens de ces expressions pour les écrire correctement et les employer… à l’envi !

À cor et à cri

Dans cette expression, il n’est pas question du « corps », mais du cor. Ce nom, qui vient du latin cornu, « corne », a d’abord désigné la ramification des bois du cerf. Puis il est devenu l’instrument à vent, formé à l’origine d’une corne évidée, percée et servant à émettre des signaux, des appels.

Utilisé à la chasse, le cor est entré dans l’expression « chasser à cor et à cri », avec le son du cor et le cri des chiens ! Enfin, l’expression « à cor et à cri » est sortie de son contexte et s’emploie désormais pour dire que l’on réclame, que l’on demande quelque chose à grand bruit, en insistant.

À l’envi

Dans cette expression, envi ne prend pas de « e ». Pourquoi ? Parce qu’il ne s’agit pas de l’envie, ce désir teinté de jalousie, mais du vieux mot envi qui a signifié « défi » puis « rivalité ». Il est tiré de l’ancien français envier, « inviter », « provoquer », lui-même formé sur le latin invitare qui a donné « inviter ».

Faire quelque chose à l’envi, c’est, en quelque sorte, inviter, défier son voisin à faire mieux ! L’expression signifie donc « à qui mieux mieux, en rivalisant, en cherchant à l’emporter sur l’autre, avec émulation ». Un ensemble d’individus peut travailler à l’envi, flatter à l’envi, boire à l’envi…

En filigrane

Le filigrane, c’est un dessin imprimé dans le corps du papier et que l’on ne voit que par transparence. De là est née l’expression figurée en filigrane qui signifie « d’une façon implicite, latente, qu’on laisse deviner ».

Pourquoi est-on tenté d’écrire « en filigramme » ? Parce que l’on pense au « gramme ». L’altération était déjà fréquente au XVIIe siècle, mais ce n’est pas une raison pour la ressusciter ! Le mot vient de l’italien filigrana, « fil à grains ». Cette origine en tête, vous ne serez plus tenté(e) d’écorcher cette expression.

En son for intérieur

Ici, l’erreur courante consiste à écrire « fort » avec un « t » final, comme si c’était l’adjectif qui fait « forte » au féminin. Or, il est question du for, issu du latin forum signifiant « place publique », puis « tribunal ».

Au XVIIe siècle, l’autorité de la justice humaine était désignée par l’expression « for extérieur ». Par analogie, on a créé l’expression for intérieur pour parler du « tribunal intime de la conscience ». Désormais, quand on pense quelque chose « en son for intérieur », c’est dans le secret de sa pensée.

Avec un « s », fors est une vieille préposition signifiant « excepté ». « Tout est perdu, fors l’honneur », aurait déclaré François Ier lors de la défaite de Pavie. Il a été remplacé au XVIIe siècle par « hors ».

À huis clos

Pour se réunir à huis clos, il suffit… de fermer la porte (huis en vieux français) ! Le « s » de huis est hérité du latin ostium signifiant « entrée, ouverture ». Dès le XVIIe siècle, huis devient archaïque ou littéraire, car il est concurrencé par « porte ».

De nos jours, on ne le rencontre plus que dans la locution « à huis clos », littéralement « à porte fermée » et au figuré « en petit comité ». En tant que nom, « huis clos » est un terme juridique excluant le public d’une audience (demander le huis clos).

En dehors de « huis clos », huis est encore présent dans huissier, au sens propre, « gardien d’une porte », et son dérivé huisserie.

À lire également : Bayer aux corneilles, faire bonne chère, c’est là que le bât blesse… 5 expressions à bien orthographier… une fois pour toutes !

Sandrine Campese

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Bonjour,

Venant de lire votre article sur les déterminants, je suis étonnée de pas y voir figurer les articles définis contractés « au » , « aux », « du » et « des ». où sont-ils passés?
Cordialement,
Aïgéka