Figure de style

Le zeugma (ou zeugme) : faire appel à des registres différents dans la même phrase

Selon le dictionnaire Le Robert, le zeugma (ou « zeugme », ou encore « attelage ») est une construction « qui consiste à ne pas énoncer de nouveau, quand l’esprit peut les rétablir aisément, un mot ou un groupe de mots déjà exprimés dans une proposition immédiatement voisine. » Le dictionnaire donne comme exemple cette phrase de Victor Hugo tirée de son poème Tristesse d’Olympio : « L’air était plein d’encens et les prés de verdure. » On constate en effet que l’auteur ne répète pas le verbe « être » : celui-ci est sous-entendu dans la seconde partie de la phrase.

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On vous explique

Mais dès lors qu’on l’utilise comme une figure de style, le zeugma consiste à faire dépendre d’un même mot des compléments qui ne se construisent pas de la même manière ou appartiennent à des registres sémantiques différents. Par exemple : « Il fit la bise à tout le monde et le tour de la table. » Le zeugma a ainsi souvent une portée ironique ou humoristique… mais pas nécessairement, comme nous allons le voir.

Notez-le : le mot « zeugma » vient du grec ancien zeûgma qui signifie « lien ».

Exemples de zeugmas

« Après avoir sauté sa belle-sœur et le repas de midi, le petit prince reprit enfin ses esprits et une banane. » (Pierre Desproges, Dictionnaire superflu à l’usage de l’élite et des bien nantis)

Avec malice, Pierre Desproges construit sa phrase autour de deux zeugmas : « sauter sa belle-sœur »/« sauter le repas de midi » et « reprendre ses esprits »/« reprendre une banane ». Dans les deux cas, les compléments sont très différents sémantiquement même s’ils se construisent avec le même verbe, ce qui crée l’effet déroutant et, en l’occurrence, comique.

« Vêtu de probité candide et de lin blanc. » (Victor Hugo, La Légende des siècles)

Nous retrouvons Victor Hugo avec un zeugma qui n’a rien de drôle : l’auteur joue ici sur les registres réel et figuré pour construire sa phrase. « Se vêtir de lin blanc » est un geste physique, « se vêtir de probité » est une métaphore.

« Il admirait l’exaltation de son âme et les dentelles de sa jupe. » (Gustave Flaubert, Madame Bovary)

On découvre ici d’autres motivations dans l’utilisation du zeugma : Flaubert se fait ironique, mais aussi mordant et un peu cruel. Il met en avant la duplicité de son personnage en associant au verbe « admirer » deux compléments profondément contradictoires.

Les fonctions du zeugma

Créer un effet de surprise ou d’humour

En rompant les attentes du lecteur par un décalage de sens. Exemple : « Il prit son manteau et la fuite. » Le verbe « prendre » s’applique de façon littérale à « manteau », et de façon imagée à « fuite ».

Condenser le discours

Le zeugma évite les répétitions et rend le style plus percutant. Exemple : « Il a perdu son emploi et son sourire. » Les deux situations sont liées dans ce cas.

Suggérer un lien entre des éléments hétérogènes

Le zeugma, enfin, permet parfois d’établir un parallèle subtil ou critique entre des notions concrètes et abstraites, matérielles et immatérielles. L’exemple tiré de Madame Bovary, plus haut, le montre bien.

Avis de l'expert

Le zeugma est une figure de style qui joue sur le décalage de sens ou de construction pour surprendre, faire sourire, condenser le discours ou enrichir l’expression. Parfois proche de l’anacoluthe, cette figure de style révèle souvent la créativité de l’auteur et invite le lecteur à une lecture active et complice.

Exercice

Exerçons-nous ! S’agit-il de zeugmas ?

  1. Il s’accroche à ses rêves et à la rampe de l’escalier.
  2. Il posa sa valise et une question.
  3. Elle portait un magnifique collier et une robe noire.
  4. Il a pris le premier train après avoir pris une claque monumentale.
  5. Elle a perdu son billet de train et son sang-froid.

  1. Il s’agit bien d’un zeugma. Le verbe « s’accrocher » est utilisé au sens propre (s’accrocher physiquement à quelque chose) et au sens figuré (s’accrocher à un rêve).
  2. Il s’agit bien d’un zeugma : le verbe « poser » est utilisé au sens propre (poser un objet) et au sens figuré (poser une question).
  3. On ne peut pas considérer dans ce cas qu’il s’agisse d’un zeugma si l’on parle de la figure de style : le verbe « porter » est utilisé avec deux complément similaires sémantiquement.
  4. Il aurait pu s’agir d’un zeugma car le verbe « avoir » est utilisé avec deux compléments différents sémantiquement… mais il est répété.
  5. C’est un zeugma : le verbe « perdre » est employé au sens propre (perdre un objet) et au sens figuré (perdre son sang-froid).
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