Figure de style

Le chiasme : croiser les mots

Le chiasme est une figure de style qui consiste à inverser des éléments dans une phrase ou dans un ensemble de phrases. On obtient donc une disposition croisée. Le terme répété peut être un nom, un verbe, un adjectif, un adverbe… Cela a pour effet d’établir des parallèles et de marquer des oppositions. Cela permet aussi de donner davantage de rythme au texte. Le chiasme est très utilisé en poésie et au théâtre.

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On vous explique

Notons que la structure du chiasme est la suivante : AB/BA. La structure AB/AB est celle du parallélisme. Le chiasme reprend parfois les mêmes mots en ordre inversé (il s’agit alors d’une régression, ou réversion). Il nous vient du terme grec khiasmos, qui signifie « disposition en croix ».

Exemples de chiasmes littéraires :

« Et l’on voit de la flamme aux yeux des jeunes gens. / Mais dans l’œil du vieillard on voit de la lumière. » (Victor Hugo, La Légende des siècles)

Ici, le poète répète le verbe « voir » selon la forme AB/BA vue plus haut. Il joue également avec les termes « yeux » et « œil ».

« Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger. » (Molière, L’Avare)

Ici, Molière croise deux éléments (« manger » et « vivre »), et il en profite pour énoncer une leçon de vie.

« Vous êtes aujourd’hui ce qu’autrefois je fus. » (Corneille, Le Cid).

Corneille fait ici parler Don Diègue et use d’un chiasme pour marquer une opposition entre ce personnage et Rodrigue, son fils. Il met en avant le fait que tous deux se sont ressemblé, mais que les années ont rattrapé le père.

Exemples de chiasmes courants :

C’est bonnet blanc et blanc bonnet

Ce dicton célèbre est un chiasme qui permet d’exprimer une similitude ou une complète absence de nuance entre deux personnes ou deux choses.

Un pour tous, tous pour un

Cette devise tirée d’une locution latine (unus pro omnibus, omnes pro uno) a été popularisée par le roman d’Alexandre Dumas Les Trois Mousquetaires… malgré le fait qu’elle n’y apparaît pas sous cette forme. Très utilisée au cinéma, on s’en sert parfois pour acter une alliance sans faille entre plusieurs personnes. Il s’agit bien d’un chiasme, puisque les éléments sont croisés.

C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme

Oui, le chanteur Renaud utilise bien un chiasme dans sa célèbre chanson Dès que le vent soufflera. Attention, toutefois : on ne dit pas « je repartira » ni « nous nous en allerons »…

Des infos justes, pas juste l’info

Eh oui, la publicité apprécie le chiasme, elle aussi ! En atteste cette petite phrase utilisée par France 2 pour décrire ses activités…

Fonctions du chiasme :

Mettre en valeur une idée

Le chiasme attire l’attention sur une opposition ou une complémentarité, en créant un effet de symétrie marquant… très prisé des communicants, comme nous venons de le souligner : « Ça passe mal ? Prenez tel médicament, et le mal passe ! »

Créer un contraste

En juxtaposant deux idées opposées, le chiasme souligne leur antagonisme. Le texte de Molière cité plus haut l’illustre de belle manière : « Il faut manger pour vivre, et non pas vivre pour manger. »

Rythmer et embellir un discours

Le caractère symétrique du chiasme apporte un équilibre et une harmonie à la phrase, ce qui explique pourquoi cette figure de style est très prisée des poètes et des dramaturges.

Provoquer une réflexion

En inversant des idées, le chiasme force le lecteur ou l’auditeur à réfléchir au lien entre les éléments, souvent dans un but philosophique ou moral. On pourrait ici citer André Malraux, qui écrit dans son roman Les Conquérants : « J’ai appris qu’une vie ne vaut rien, mais rien ne vaut une vie. »

Avis de l'expert

Le chiasme permet de souligner des oppositions ou des complémentarités. L’une de ses fonctions est de rendre un message mémorable. En jouant sur l’ordre des mots ou des idées, cette figure de style fait de la structure de la phrase un outil de persuasion et d’esthétique, illustrant à merveille le pouvoir des mots. Sans surprise, cette figure est très utilisée en littérature et en communication pour son efficacité rhétorique.

Exercice

Exerçons-nous ! Ci-dessous, s’agit-il de chiasmes ?

  1. En temps de paix, les enfants enterrent leurs parents, en temps de guerre, les parents enterrent leurs enfants.
  2. Qui craint de souffrir, il souffre déjà de ce qu’il craint.
  3. Un roi chantait en bas, en haut mourait un dieu.
  4. Tel qui rit vendredi, dimanche pleurera.
  5. L’un s’escrimait du bec, l’autre jouait des pattes.

  1. Attribuée à Hérodote, cette phrase n’est pas un chiasme, mais un parallélisme. Les éléments ne sont pas croisés.
  2. Cette citation de Montaigne est bien un chiasme.
  3. Ce vers tiré du poème Booz endormi de Victor Hugo est bien un chiasme.
  4. Ce vers de Racine est également un chiasme.
  5. Ce vers de Jean de La Fontaine est un parallélisme.
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