Figure de style

L’anacoluthe : faire une faute… exprès !

L’anacoluthe n’est pas seulement l’une des insultes du célèbre capitaine Haddock créé par Hergé dans la bande dessinée Tintin. Il s’agit aussi d’une figure de style : elle consiste à « casser » de manière volontaire la continuité syntaxique d’une phrase. L’auteur d’une anacoluthe prend donc délibérément des libertés avec la syntaxe, ce qui a pour effet de perturber la compréhension pour le lecteur ou l’auditeur. Il peut en résulter un effet étrange mais « vivifiant » pour le phrasé et le rythme d’un texte.

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On vous explique

Bruno Dewaele, champion du monde d’orthographe, note qu’avec l’anacoluthe, nous sommes « à mi-chemin entre la faute syntaxique et l’effet stylistique ». Notons que si l’anacoluthe est involontaire, elle peut alors être considérée comme une erreur de syntaxe. Le mot nous vient du grec et signifie « qui ne suit pas ».

Exemples d’anacoluthes

« Le nez de Cléopâtre, s’il eût été plus court, la face du monde en eût été changée. » (Blaise Pascal, Pensées)

L’exemple le plus célèbre est sans doute cette phrase tirée des Pensées de Blaise Pascal, qui semble incohérente. En effet, son auteur change de sujet : « la face du monde » remplace un peu brusquement « le nez de Cléopâtre » auquel ne s’attache donc aucun verbe. Toutefois, ce procédé permet d’emplir cette phrase d’une expressivité inattendue.

Nous produisons souvent malgré nous des anacoluthes… à moins qu’il s’agisse de simples fautes de syntaxe. Par exemple, nous faisons très souvent des phrases dans lesquelles un adjectif ou un participe passé en apposition n’est pas accordé avec le sujet.

Par exemple : « Passée par une grande école, le parcours de Judith est exemplaire. » Il faudrait dire et écrire : « Passée par une grande école, Judith a un parcours exemplaire. » Autre exemple du même genre : « Tombé au sol, la chute fut dure pour lui. »

Notons que cette forme d’anacoluthe est parfois utilisée volontairement. Baudelaire écrivit ainsi dans L’Albatros : « Exilé sur le sol au milieu des huées, ses ailes de géant l’empêchent de marcher. »

Usages de l’anacoluthe

Surprendre le lectorat

Il s’agit très certainement de la fonction première de l’anacoluthe. Cette figure de style délaisse la syntaxe pour créer un effet de surprise et ainsi « jouer » avec celles et ceux qui lisent ou écoutent. La phrase fait généralement « tiquer ». On s’y arrête… ce qui est précisément l’objectif recherché.

Créer une perturbation

Ce n’est pas pour rien que cette figure de style est devenue une insulte dans la bouche du capitaine Haddock. L’anacoluthe, plus encore que le zeugme, permet de perturber le lecteur.

Exprimer un trouble, une émotion, une pensée spontanée : comme dans la langue parlée, l’anacoluthe peut imiter l’hésitation, la colère, l’enthousiasme ou l’émotion vive.

Reproduire une pensée en mouvement

L’anacoluthe peut aussi rendre le style plus vivant, plus direct, en reproduisant les déraillements naturels de la pensée. Elle est dans ce cadre à l’image de nos pensées parfois coupées et saccadées.

Donner un effet de réalisme

Enfin, en reproduisant les maladresses du langage parlé ou de pensées parfois confuses, l’anacoluthe donne au discours un ton réellement authentique.

Avis de l'expert

L’anacoluthe est une figure de style qui permet d’exprimer une rupture. La phrase s’arrête en chemin et prend une nouvelle direction.  Il en résulte un sentiment de réalisme parfois proche de l’oralité et de ses imperfections. Il s’agit cependant d’une figure de style à manier avec beaucoup de prudence, dans la mesure où une erreur syntaxique est introduite volontairement.

Exercice

Exerçons-nous ! S’agit-il d’anacoluthes ?

  • Entraînés à mordre, il enfermait ses chiens chaque soir.
  • Ayant dîné, il se rendit au théâtre.
  • Et pleurés du vieillard, il grava sur leur marbre.

  • Cette phrase est incorrecte car le participe passé n’est pas accordé avec le sujet. Faut-il pour autant en conclure qu’il s’agit d’une anacoluthe ? Il semblerait que non, cela ressemblant davantage à une simple erreur de syntaxe.
  • Cette phrase est correcte et ne peut donc pas être considérée comme une anacoluthe.
  • Cette phrase de Jean de la Fontaine tirée de la fable Le Vieillard et les Trois Jeunes Hommes est considérée comme une anacoluthe.
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