À trancher une bonne fois pour toutes : « le frère à ma mère » ou le « frère de ma mère » ?

Volontairement provocateur, le titre de ce billet invite le lecteur à s’interroger sur le choix de la préposition servant à indiquer l’appartenance. Car cette règle, ou plutôt cette convention, est plus subtile qu’elle en a l’air et permet même quelques écarts. Voici donc les arguments à connaître si vous souhaitez signaler avec tact et délicatesse à votre interlocuteur qu’il emploie « à » là où « de » est de « meilleur usage ».

« À » condamné

Selon les règles du bon usage, seule la préposition « de » marque l’appartenance. Le fait d’employer « à » dans le même sens est vivement critiqué. La tournure ainsi formée est considérée comme étant très familière, voire grossière.

Pourtant, jusqu’au XVIe siècle, la préposition « à » était couramment utilisée pour indiquer l’appartenance, preuve, s’il en fallait une de plus, que le bon usage est extrêmement variable dans le temps, une tournure correcte hier pouvant devenir fautive demain et vice-versa.

De plus, il n’est pas tout à fait exact de dire que la préposition « à » ne marque jamais l’appartenance, puisque c’est le cas après un verbe. On dit bien « Cette voiture est / appartient à Paul ». Voilà pourquoi il est tentant de réduire la phrase jusqu’à obtenir « la voiture à Paul » ! Il n’en demeure pas moins que, pour indiquer le lien de possession entre deux noms, c’est bien la préposition « de » qui est désormais en usage. D’où « la voiture de Paul » et, pour reprendre l’exemple en exergue, « le frère de ma mère », pour ne pas dire « mon oncle maternel » !

« À » toléré

D’après Le Bon Usage de Grevisse, l’emploi de la préposition « a » comme marque d’appartenance est toléré dans les trois cas suivants :

1/ Devant un pronom personnel quand le déterminant possessif est exclu. Exemples : « un ami à moi », « un parent à nous ».

2/ Pour renforcer ou expliciter un possessif qui précède. Exemples : « notre devoir à nous », « c’est sa manière à lui ».

3/ Dans certaines expressions figées qui ont, en quelque sorte, acheté leur droit à l’erreur :

  • une bête à bon Dieu, périphrase désignant la coccinelle ;
  • une barbe à papa, friandise des fêtes foraines ;
  • un fils à papa, une fille à papa, un fils à maman, une fille à maman ;
  • la faute à Voltaire, à Rousseau ou à pas de chance ;
  • la bande à Bonnot (laquelle a inspiré une chanson à Joe Dassin), la bande à Baader, ou encore la bande à Picsou, bref, toute « bande » aux activités interlopes, rattachée à un chef emblématique ;
  • et, bien sûr, dans le titre et les paroles d’une chanson populaire volontairement équivoque : La chatte à la voisine!

Enfin, l’emploi de la préposition « à » à la place de « de » autorise quelques mots d’esprit comme celui du « phare à on » (pharaon) que Jamel Debbouze alias Numérobis dans le film Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre tente d’expliquer à une demoiselle qui, visiblement, goûte peu ces abus de langage !

Sandrine Campese
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    Bonjour Rudy, oui, il est tout à fait possible d’employer « de » après « c’est ». Exemples : « L’important c’est de participer » (attribué à Pierre de Coubertin), « L’important c’est d’aimer » (Pascal Obispo) :-). Bonne journée.

Je constate quand même que Zola utilise très souvent « à », et il ne date pas du XVIe. Certes Zola a tendance à utiliser, même pour la narration, le style de ses personnages. Mais enfin, ça revient très souvent.

Exemple
« puis, ils tournèrent le bec-de-canne de la boutique à Mahoudeau. »
Dans L’Œuvre, chapitre 3 (on y parle aussi de la femme à Mahoudeau). Et c’est entre autres Sandoz, un clone de Zola, qui tourne le bec-de-canne de la boutique à Mahoudeau.

J’ai noté un tel usage aussi chez Balzac (mais je ne souviens pas de la référence exacte).

Je ne doute pas que « de » est la forme correcte. En tous cas de nos jours. Mais je me demande si ce n’est pas beaucoup plus récent que le XVIe que vous évoquez. Les expressions que vous citez contenant ce « à » fossile sont d’autres témoignages que ce n’est pas si vieux. On pourrait y ajouter « serrer la main à Untel », qui passe inaperçu parce que ça ressemble à « donner une poignée de main à Untel », mais qui me semble plutôt vouloir dire « Serrer la main d’Untel ».

    Bonjour oyubir, merci pour votre éclairage intéressant. Il est indiqué dans l’article que la préposition « à » pour indiquer l’appartenance était couramment utilisée jusqu’au XVIe siècle. On a donc continué de l’employer après ;-). De manière générale, les auteurs prennent souvent des libertés avec les usages de la langue en vigueur. Il est donc difficile d’établir des règles en fonction de leurs écrits, de leur humeur, de leur fantaisie… Zola, écrivain réaliste, cherche certainement, à travers la langue qu’il emploie, à retranscrire un ton, une ambiance populaire. Quoi qu’il en soit, l’essentiel est de noter qu’aujourd’hui, « à » est réservé à la langue familière, régionale et à certaines expressions. Bonne journée.

Je vis en Suisse romande, en Valais. Ici tout le monde ou presque dit ‘à’ pour l’appartenance. Comme cette région s’est séparée de la France en 1815, je me demande s’il ne s’agit pas aujourd’hui d’une spécificité régionale et pas conséquent ce ne serait pas totalement faux. Chez nous, ‘la voiture à Paul’ est très naturel, bien qu’on rencontre souvent quelque érudit heureux de faire la correction dont nous ne tenons évidemment pas compte.

    Bonjour Cyril, vous avez raison, l’utilisation de la préposition « à » pour marquer l’appartenance est aussi un régionalisme. Bonne journée et salutations à la Suisse romande !

Bonjour je suis toujours perplexe sur ce sujet. Ne demanderais-je pas A qui est la voiture et non de qui est la voiture ? Et on me répondrait la voiture DE Paul.

Bonjour,
Il y a un long chemin à parcourir !! M’étant rendue au forum des métiers de ma région récemment, j’en ai conclu que peu de recruteurs connaissent le projet Voltaire et minimisent parfois et c’est fort dommage l’importance de la langue française.
Voici mon ressenti.
Bien cordialement,
Isabelle
Certification Voltaire 07/2018

Bonjour et meilleurs voeux,
je ne suis pas sûr de comprendre le 1/ de la dernière partie. Faut-il lire « Avant un pronom personnel … » (et non après), car dans vos exemples « à » est systématiquement avant.
Merci

    Bonjour Hoggar, meilleurs voeux également ! Vous avez raison, c’est bien « avant » ou « devant » et non « après ». La correction a été faite. Merci et bonne journée :-).

Merci beaucoup pour ces informations ou de ces informations. Elles sont très importantes pour me améliorer notre bagage en français car il est insuffisant.
Merci.

    En effet, Vero, c’est une redondance qui est superflue du point de vue du sens. Elle n’en demeure pas moins tolérée du point de vue grammatical. Bonne soirée :-).

Bonjour,

Tout d abord  » Bonne et Heureuse Année 2019 à tous « .

Elles sont très intéressantes vos questions et réponses, merci beaucoup de partager avec nous ces réflexions.

Il y a tellement de tournures et autres dans cette belle langue française …

Je vous souhait une agréable journée.

Recevez mes cordiales salutations.
Sand.Rd

Bonjour, bonne année et merci.
Puisse être bien lu… C’est l’une des fautes de français qui m’énerve au plus haut point.
Cela dit je m’en vais au coiffeur… (rhââââ) 😉