Poursuivons notre série sur les féminins diffic
iles. Après les adjectifs comme béni(t), inclus et tabou qui changent bien de forme en changeant de genre, intéressons-nous à ces noms à la « féminité discrète », soit parce qu’ils ne prennent pas de « e » final (et ce n’est pas l’envie d’en ajouter un qui nous manque !), soit parce qu’on s’obstine à les masculiniser. Voici quelques-uns de ces trublions (« trublionnes » n’existe pas !), étymologies et exemples à l’appui.
espèce
Il ne vous viendrait pas à l’idée de dire que le panda est un espèce en voie de disparition, n’est-ce pas ? Alors pourquoi persistons-nous à faire d’espèce un nom masculin dans des expressions comme « c’est un espèce d’idiot » ? Est-ce le genre du complément (un idiot) qui nous induit en erreur ? Pourtant, le nom panda est également masculin et l’on ne dit pas « un espèce de panda ». Laissons de côté les suppositions et retenons qu’espèce est un nom féminin, y compris dans la tournure « une espèce de … ». Exemples : une espèce de placard, une espèce de cocktail, une espèce de tyran, etc. Pour ne plus vous tromper, pensez à l’expression voisine « une sorte de … ».
gent
À l’origine, la gent désigne, la race, l’espèce. Ainsi, dans sa fable Le Chat et un vieux Rat, La Fontaine nomme les petits rongeurs (rats et souris) la « gent trotte-menu ». Le nom a subsisté dans le style littéraire où « gent féminine » et « gent masculine » sont les emplois les plus courants. À noter que la prononciation traditionnelle ne fait pas entendre le « t » final. Si l’on est tout de même tenté de mettre un « e » à gent, c’est par confusion avec l’adjectif gent, qui fait gente au féminin. Exemples : gent damoiseau, gente dame. Il signifie « gracieux, joli ». Vieilli, il a peu à peu été remplacé par « gentil ».
glu
Est-ce parce que l’on pense à la « grue », le grand oiseau ou l’appareil de chantier, que l’on a envie d’écrire « glue » ? À moins que ce ne soit par confusion avec le nom anglais glue, qui est inscrit sur les emballages de colle et que notre cerveau a enregistré bien malgré nous ? Quelle que soit la raison, retenons que glu est, avec bru, tribu et vertu, l’un des quatre noms féminins en « u ». Vu ?
qualité
Qui n’a jamais été tenté d’ajouter un « e » au nom féminin qualité ? D’ailleurs, le même réflexe existe face à quantité, diversité, spécialité, variété… Pour ne plus hésiter, retenez la règle suivante : les noms féminins terminés par -té ne prennent pas de « e » sauf ceux indiquant un contenu (l’assiettée, la fourchetée, la pelletée…) et les cinq noms suivants : dictée, jetée, montée, pâtée et portée. Petite astuce pour « variété » : pensez au nom « été », saison durant laquelle poussent de nombreuses variétés de fruits…
bonus : volatile
Pourquoi mettre ce nom dans la liste ? Parce qu’il symbolise en quelque sorte l’erreur « inverse », celle qui consiste à omettre un « e » final, terminaison jugée trop « féminine ». En effet ce nom, qui désigne un oiseau, en particulier de basse-cour (c’est le doublet lexical de « volaille »), est de genre masculin ! L’écrire « volatil » revient à le confondre avec l’adjectif volatil (qui fait volatile au féminin). Ce dernier qualifie ce qui passe aisément à l’état de gaz ou de vapeur (un liquide volatil) et au sens figuré ce qui est fluctuant, instable (une action volatile).
Sandrine Campese
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Bonjour Sandrine,
Dans la série des noms féminin ayant un drôle de genre, je peux vous proposer : acné ; algèbre ; anagramme ; ébène ; échappatoire. Et je ne vous parle pas des noms hermaphrodites, de ceux qui changent de sens en changeant de genre ni des masculins qui se travestissent en se terminant en « ée », en « ie » ou en « ette ».
Bonjour Jacques et merci pour vos suggestions. J’ai traité certains de ces noms dans le billet suivant : http://www.projet-voltaire.fr/culture-generale/apogee-echappatoire-hemisphere-genre-noms-feminins-masculins/. À suivre… Bon week-end !