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Doublets lexicaux : à l’origine, ce sont les mêmes mots !

Certains mots français, différents par la forme et par le sens, ont la même étymologie : on dit que ce sont des doublets lexicaux. Généralement, un mot latin (ex. : maturus) a donné un premier mot très reconnaissable (mature) et un autre dont la forme a évolué (mûr). Celui qui est le plus proche de la racine latine est appelé « doublet savant », celui qui s’en est éloigné, « doublet populaire ». Voici quelques-uns de ces couples fraternels, liés par une histoire commune.

Auguste et août

Chez les Romains, le mois d’août se nommait sextilis car c’était le sixième de l’année. Comme il avait reçu les honneurs pendant ce mois, l’empereur Auguste lui a donné son nom. Puis Auguste est devenu août par déformation, forme que Voltaire a toujours refusée. Dans ses écrits, le poète parlait uniquement du mois d’auguste !

Champ et camp

Le nom camp n’est autre que la forme normande de champ. En toute logique, campagne vient de champagne, « vaste étendue de pays plat », sens que campagne a fini par endosser. On comprend mieux pourquoi la campagne est si belle en Champagne ! N.B. Champ et camp, bien qu’issus du latin campus, s’écrivent sans « s » au singulier.

Chétif et captif

Ces deux adjectifs viennent du latin captivus, « prisonnier », lui-même issu du verbe capere, « prendre ». Dès l’ancien français, les deux termes se sont spécialisés. D’usage littéraire, captif a conservé le sens de captivus tandis que chétif, doublet populaire, est devenu « malheureux, misérable ».

Chevalier et cavalier

Historiquement, le chevalier et le cavalier ont un point commun : le cheval (caballus en latin). Dès le Moyen Âge, le chevalier a délaissé son fidèle destrier pour désigner un noble ou le membre d’un ordre (les chevaliers de Malte, de la Légion d’honneur). Ce n’est pas le cas du cavalier, indissociable de sa monture !

Écouter et ausculter

 Si la racine latine auscultare se devine aisément dans ausculter, elle est moins évidente dans écouter. Et pourtant, ce verbe latin signifie « écouter » ! Doublet savant, ausculter désigne l’écoute médicale, et écouter, l’écoute au sens large. Bien sûr, l’oreille (auris en latin) est requise dans les deux cas.

Frêle et fragile

Les deux adjectifs sont issus du latin fragilis, « cassant ». On retrouve ce sens dans le verbe frangere, « briser », qui a donné « fraction » et « fracture ». Frêle et fragile s’emploient au sens propre comme au figuré, mais, appliqués à une personne, frêle concerne le physique et fragile la psychologie.

Hôtel et hôpital

Le latin hospitalis a produit deux noms : hôtel et hôpital. Si hôtel a d’abord signifié « logement provisoire, hébergement », hôpital a, dès l’origine, désigné l’établissement recevant des personnes démunies puis malades (cf. hospice).

Mûr et mature

Ces deux adjectifs sont issus du latin maturus, « qui se produit au bon moment ». La racine latine est bien visible dans la forme savante mature qui a donné « maturité ». N.B. Mûr peut s’employer pour des fruits et des personnes tandis que mature est réservé à la psychologie.

Poison et potion

C’est le latin potio (action de boire) qui réunit ces deux mots. À l’origine, le poison désignait à la fois un breuvage médicinal et un breuvage empoisonné ! Le doublet savant potion a permis de trancher la question : le poison est dangereux, souvent mortel, tandis que la potion est salutaire, voire magique (cf. la potion d’Astérix).

Volaille et volatile

Le volatilis, « qui vole », a donné naissance à deux doublets, l’un populaire, volaille, l’autre savant, volatile. Contrairement aux exemples précédents, les deux mots ont évolué en parallèle : ils ont d’abord désigné l’ensemble des oiseaux puis les oiseaux de basse-cour élevés pour leur chair ou leurs œufs.

Sandrine Campese

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Bonjour Sandrine,

Merci pour votre article. Je me permets de rendre à César ce qui est à César, en soulignant que le terme « chevalier », certes souvent associé au Moyen-Age, remonte à l’Antiquité, et désigne un membre de l’ordre équestre. Il s’agit des « homines noui », n’exerçant pas de magistrature, mais favorisés pour leur richesse — qui leur permettait d’entretenir un cheval, et donc d’occuper le grade d’officier de l’armée romaine 😉

Bien à vous

Merci Sandrine pour vos rubriques toujours très intéressantes.

Je m’attarde sur le mot « ausculter » employé souvent de façon fautive.

Vous l’avez dit, ce mot a pour origine le mot latin auscultare qui signifie écouter.

Pourtant, dans le langage courant comme dans les médias, on utilise abusivement « ausculter » à la place d’ « examiner » un malade, une personne !

On ausculte le coeur et les poumons (on écoute les bruits de ces organes), mais on examine la peau, la gorge, le ventre d’une personne (on les inspecte, on les palpe) !

Bien à vous.

    Bonjour Philippe, vous avez raison, « ausculter » est souvent employé, à tort, pour « examiner ». Merci d’avoir remis les pendules à l’heure ;-). Bon week-end et au plaisir de vous lire à nouveau !