20 mots à prononcer (enfin) correctement : suite

Après le succès de notre premier billet sur la prononciation, voici une nouvelle série de mots qui, à l’oral, sont souvent écorchés. Manque de temps, confusion avec un autre mot, graphie incertaine, règle oubliée… les raisons qui font fourcher notre langue sont nombreuses. D’autant que certaines erreurs sont devenues si courantes que nous ne sommes plus capables de distinguer la prononciation correcte de la prononciation fautive. Espérons qu’avec ces quelques astuces, les mauvaises habitudes finiront par se taire !

Prononciation

N. B. Les mots placés entre crochets ne sont volontairement pas retranscrits en vraie phonétique mais à partir des lettres de l’alphabet, pour des raisons de clarté et de compréhension. Les rectifications orthographiques de 1990 qui sont citées n’ont aucun caractère obligatoire et sont laissées à l’appréciation du lecteur.

AÉROSOL
Le « s » de « aérosol » devrait se prononcer [z] puisqu’il est encadré par deux voyelles. Sauf que les mots soudés ont la particularité de conserver le son [s] de leur racine (ici « sol ») sans avoir besoin de doubler la consonne. C’est la même chose pour « parasol ».

BROC
Au sens de carafe, « broc » se prononce [bro] comme dans « croc ». En revanche, le « c » final de « broc » est sonore dans l’expression « de bric et de broc ».

CASSIS
Si l’on fait entendre le « s » de « cassis » s’agissant du fruit, il est d’usage de ne pas le prononcer quand le nom désigne la rigole qui traverse une route (l’inverse du dos d’âne) et la ville de Cassis.

CERF
Comme dans « nerf », le « f » de « cerf » est muet. On prononce [cer] comme dans « cerf-volant ». Notons que la prononciation de « serf », traditionnellement [serfe], a tendance à s’aligner sur celle de « cerf ».

DISTILLER
La plupart des verbes en –iller se prononcent [i-ié]. Exemples : « briller », « frétiller », « griller », « mordiller », « pétiller », « sautiller », « tortiller », etc. Mais on prononce [i-lé] dans « distiller », « osciller » et « instiller ».

ENIVRER
Dans « enivrer », il faut prononcer [en] comme dans « antérieur ». Certaines personnes disent [é-ni-vré], sur le modèle de « énervé », mais cette prononciation est fautive.

ENTREPRENEURIAT
D’accord, « entrepreneuriat » n’est pas facile à prononcer. Mais ce n’est pas une raison pour dire [entreprenariat], sur le modèle de « secrétariat » !

HANDBALL
Dans « football », « basketball » ou « volleyball », ball, terme anglais, se prononce [baul]. Mais « handball », d’origine allemande, se dit [handbal].

INTERPELLER
« Interpeller » s’écrivant avec deux « l », il serait logique de prononcer [interpéler]. Pourtant, le verbe se prononce [interpeuler] sur le modèle de « appeler ». Depuis les rectifications orthographiques de 1990, il est possible d’écrire « interpeler ».

MAELSTRÖM
Mot emprunté au néerlandais que l’on prononce ordinairement [mal-streum] ou [maèl-streum]. Mais la prononciation francisée, plus conforme à la graphie, donne [mal-strom].

MNÉMOTECHNIQUE
Le latin memoria a donné « mémoire » et « mémorisation ». Mais alors, d’où vient le « n » de « mnémotechnique » ? Du grec mnêmê, qui a donné « amnésique ».

PAN-BAGNAT
Le sandwich rond crudités-thon-œuf s’écrit et se prononce pan-bagnat, expression provençale de Nice signifiant « pain baigné » (d’huile d’olive).

PUZZLE
Si l’on s’en tient à la prononciation anglaise, puzzle se dit [peuzeul]. En français, la forme [peuzle] étant difficile à prononcer, elle est souvent détournée en [peulze]. Bref, c’est un véritable casse-tête !

REBLOCHON
Avant, pour faire du reblochon, on « repinçait » (reblyochi en savoyard) le pis de la vache après la première traite. Il n’y a donc aucune raison de prononcer [roblochon] !

SAUPOUDRER
Pour se rappeler l’orthographe et la prononciation de « saupoudrer », on pense au « a » de « saler ». Étymologiquement, « saupoudrer » signifie « poudrer de sel ».

SUICIDER
À l’oral le « i » de suicide passe souvent à la trappe. Décortiquons le mot pour se convaincre de son utilité. Il vient du latin suicida, composé de sui (« soi-même ») et de -cide, déverbal de caedere (« tuer »).

YACHT
En référence à son origine néerlandaise, « yacht » s’est d’abord prononcé [iak] mais, au XXe siècle, c’est l’anglais [iot] qui l’a emporté.

Quelques noms propres :

BROGLIE
Si l’on parle de la maison de Broglie, grande famille de la noblesse française, originaire d’Italie, on prononce [breuil]. Broglie prononcé [brogli] est une commune du département de l’Eure, en France.

ŒDIPE
La prononciation traditionnelle, conforme à l’origine grecque de ce nom, est [Édipe]. Elle est concurrencée par une prononciation validée par l’usage et certains dictionnaires : [Eudipe]. D’autres noms comme œnologieœsophage ou œcuménique suivent cette tendance.

METZ
Le « t » (vraisemblablement hérité de l’allemand) de « Metz » est muet dans la prononciation locale, et c’est cette prononciation qui est recommandée.

Sandrine Campese

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    Bonjour Anne, il est tout a fait possible que votre enseignante ait pu naguère prononcer ces mots tels qu’ils s’écrivent. Néanmoins, ce n’est pas la prononciation qui est attestée dans les dictionnaires. Bonne journée.

Bonjour. Pour Metz, je pense que le t, muet, vient du nom latin original : Metis. Ensuite : maelström vient plutôt, à mon avis, d’une langue scandinave et non du néerlandais. Enfin ce serait bien de parler aussi de la bonne prononciation de Bruxelles : brusselle et non brukselle, exactement comme Auxerre, Semur en Auxois, etc. La petite croix prise plus tard pour un x était une abréviation habituelle des copistes de la cour de Bourgogne pour noter plus vite les doubles s (ss).

    Bonjour Nicole, la justification de cette prononciation est à rechercher, comme souvent, dans l’étymologie : aguille vient du latin acucula, diminutif de acus qui a donné « aigu ». « Acus », « aigu », « aiguille »… le « u » est bien sonore ! Ajoutons que ces mots sont de la même famille que « aigre ». Bonne journée.

    Bonjour Odile, voici la règle : « e » devant une double consonne (ici, deux « t ») se prononce [è]. D’où mettre [mètre], mettrez [mètrez]… Néanmoins, dans certaines prononciations régionales, [è] est parfois prononcé [é]. Bonne journée.

    Bonjour Dani, il semble que la prononciation [adan] soit la plus courante, mais je ne trouve pas d’indication de prononciation dans le dictionnaire. Les deux sont certainement envisageables, tout comme le nom désuet français « dam » que l’on trouve dans l’expression « au grand dam de », et qui peut se prononcer [dan] ou [dam’] ! En revanche, on prononce bien [édam’], comme vous l’indiquez. Bonne journée.

    Une petite rectification…
    Le mot « interpeller » se prononce bien comme « pelle », « j’appelle » ou « j’interpelle ».
    La prononciation a été modifiée car beaucoup de personnes le prononçaient mal. C’est pour cela que les rectifications orthographiques ont décidé d’autoriser la graphie « interpeler » et par ce fait la prononciation qui va avec.

    Bonjour Adrien, dans le dictionnaire, il est indiqué que ces trois mots se prononcent avec un « e ouvert », c’est-à-dire [è]. Néanmoins, certaines prononciations régionales font entendre un « e fermé » [é]. C’est le cas, par exemple, dans le Sud, d’où je viens :-). Bonne journée.

Pour puzzle, la prononciation peulz me fait hurler, aucune logique. Soit on prononce comme ça s’écrit, puzzle, le z avant le l, et en transformant le u en eu, ou si on est handicapé de la bouche, à l’anglaise, peuzeul. Peulz est une hérésie venant d’incompétents ne savant même pas observer l’ordre des lettres. Pourquoi ne proscrivez-vous pas cette horreur de Peulz ?

    Bonjour Tof, il est bien précisé dans l’article que « la forme [peuzle] étant difficile à prononcer, elle est souvent détournée en [peulze] ». Nous ne recommandons pas cette prononciation, qui, bien que tentante, est à éviter. Bonne journée.

    Bonjour, voici la réponse du linguiste Bernard Cerquiglini : « La consonne finale de certains mots a oralement disparu dès le Moyen Âge. Il n’est pas nécessaire de la ressusciter. De plus, en négligeant cette règle, on trahit l’histoire de la langue. Sans compter qu’en prononcant leg, on risque de le confondre avec ce même mot anglais qui signifie jambe. Or, l’histoire de notre legs est toute autre. Quand on rédige notre testament, on laisse des biens à nos héritiers. Au Moyen Âge, cette action fut désignée par un nom issu du verbe laisser, c’est à dire un lais. Comme il provenait du verbe laisser, on l’écrivait l-a-i-s et on le prononçait ainsi. Mais à la fin du Moyen Âge, tout en continuant à le prononcer ainsi, on l’a sémantiquement rattaché au verbe leguer issu du latin legare. Une série de mots en leg se formant alors, on lui a rattaché notre lais désormais écrit l-e-g-s. Par suite, la stupide tendance à prononcer la consonne finale s ou t de août dont la prononciation correcte est ou, but dont la prononciation correcte est bu mœurs, dont la prononciation correcte mœur ou os pluriel d’ os dont la prononciation correcte est o, jointe à l’articulation en g des mot issus du verbe leguer, a honteusement déformé l’oral de notre legs. Un legs, cest ce qu’on laisse à nos héritiers. Pas ce qu’on leur lègue. » Bonne soirée.

      Bonjour, merci pour les prononciations. Par contre, je relève plusieurs fautes d’orthographe qui me dérangent provenant d’un site sur la langue française…
      On écrit « la consonne finale a disparu »(et pas disparue), »ressusciter », »sémantiquement », »désormais ». Bonne continuation à vous. Cordialement

        Bonjour Cathy, merci de votre vigilance. Les erreurs que vous avez relevées étaient toutes contenues dans ce qui semble être une mauvaise retranscription écrite d’une intervention orale du linguiste Bernard Cerquiglini. Elles ne sont pas dues au Projet Voltaire. Nous les avons corrigées. Bon après-midi.

Merci pour la précision sur Metz!
Précision cependant, le «t» est bien antérieur aux annexions allemandes : les Médiomatrices étaient la tribu gauloise locale, d’où le nom de Didodurum Mediomatricorum à l’époque romaine ; on trouve ensuite Mettis (dérivé de Mediomatrices) dans l’Antiquité tardive.