C’est toujours un événement pour les francophones du monde entier : la parution des nouvelles éditions des deux grands dictionnaires de langue française : Le Petit Robert de la langue française et Le Petit Larousse illustré. En ce printemps 2024, chaque dictionnaire accueille 150 nouveaux mots (néologismes formels) ou nouveaux sens (néologismes sémantiques). Comme chaque année, le Projet Voltaire vous propose une sélection de ces termes, classés en six grandes catégories, dont une spéciale « Jeux olympiques » !
1- L’écologie en première ligne
Cette catégorie de néologismes s’enrichit d’année en d’année, c’est même la plus représentée dans ces nouvelles éditions. Il s’agit, bien entendu, des mots liés à l’environnement et au climat.
Chez Le Robert :
– agrivoltaïsme : production d’électricité photovoltaïque sur une exploitation agricole.
– aridifier : rendre une zone aride.
– assec : assèchement temporaire d’un cours d’eau, d’un étang.
– climaticide :qui, par ses émissions massives de CO2, contribue au réchauffement climatique. À noter que ce mot est formé sur le modèle d’« écocide ».
– bombe carbone : nouvelle extraction d’hydrocarbures du sous-sol terrestre.
– écoconcevoir : concevoir un produit de façon à garantir un impact écologique réduit sur l’environnement.
– écoféminisme : courant de pensée qui établit un parallèle entre la domination des hommes sur les femmes et la surexploitation de la nature.
– intelligence artificielle frugale : intelligence artificielle qui ne nécessiterait pas de grands besoins énergétiques, contradiction qui semble à ce jour indépassable.
– potabiliser : rendre l’eau potable.
– surtourisme : présence touristique perçue comme excessive et nuisible.
Chez Larousse :
– agrotoxique : se dit d’une substance utilisée en agriculture et présentant un certain degré de toxicité.
– écogeste : geste, souvent simple et quotidien, que chaque citoyen peut faire afin de diminuer la pollution et d’améliorer son environnement.
– fast-fashion : modèle économique du prêt-à-porter qui consiste à proposer un renouvellement rapide de collections à petit prix et de moindre qualité.
– mégabassine : immense réservoir d’eau à ciel ouvert utilisé pour l’irrigation. À noter que ce mot est entré dans Le Robert l’année dernière.
– météo-sensible : secteur d’activité ou d’une entreprise dont le chiffre d’affaires est dépendant des conditions météorologiques ou d’un type de produits dont les ventes fluctuent en fonction du temps qu’il fait.
– PFAS (acronyme) : composés chimiques synthétiques qui s’accumulent dans les organismes vivants et dans l’environnement, et dont les propriétés sont appréciées dans l’industrie. Ils sont aussi appelés « polluants éternels ».
– verdir : rendre écologique. Il s’agit d’un néologisme sémantique, puisque le verbe verdir existait déjà au sens de « devenir vert ».
– zéro déchet : mode de vie visant à réduire ses déchets.
2- Une société toujours plus « éveillée »
En matière sociétale, les « entrants » offrent une photographie très éloquente de notre époque, qui montre nos aspirations individuelles et nos interrogations collectives. Quelles sont-elles ?
Chez Le Robert :
– afrodescendant : personne née hors d’Afrique, mais qui descend de parents ou d’ancêtres d’origine africaine.
– bigorexie : préoccupation extrême de l’apparence corporelle, dépendance à l’exercice physique.
– décolonialisme : courant de pensée qui postule que des formes de domination issues de la colonisation perdurent dans la société.
– sapiosexuel : qui est sexuellement attiré par des individus perçus comme intellectuellement brillants.
Chez Larousse :
– masculinisme : courant venu des États-Unis, en opposition au féminisme, qui veut réaffirmer des valeurs masculines. Il s’agit d’un néologisme sémantique, le nom masculinisme possédant déjà une entrée dans ce même dictionnaire.
– empouvoirement : Saluons la francisation du mot anglais empowerment, qui signifie « processus d’acquisition de liberté, le pouvoir de faire ce que l’on veut ou de contrôler ce qui nous arrive ».
– platisme : fait de croire que la Terre est plate ; platiste : personne croyant à la théorie de la Terre plate.
À noter que le pronom « iel » – dont l’entrée dans le Petit Robert2023 avait fait couler tant d’encre – est renouvelé pour la troisième édition consécutive, mais ne figure toujours pas dans le Petit Larousse2025.
3- Nouvelles technologies, sciences et tendances
Ce nouveau cru confirme notre attachement – pour ne pas dire « dépendance » – aux technologies. Oui, nous sommes de plus en plus connectés, sensibles aux nouvelles tendances, et ce n’est pas près de cesser !
Chez Le Robert :
– flow : ce mot anglais était entré dans ce même dictionnaire en 2023, avec le sens de « débit, déclamation d’un rappeur ou d’un slameur ». L’édition 2025 lui donne un sens supplémentaire : « style, allure » (avoir du flow).
– tiktokeur : au féminin tiktokeuse ;personne qui publie des vidéos sur l’application TikTok. D’après le dictionnaire, le terme est dans l’usage depuis 2018.
– neuroatypique : dont le fonctionnement neurologique diffère de la norme (autiste, dys, HPI, TDAH, TSA) ; le contraire est neurotype.
– prompt : ce mot n’est plus seulement un adjectif signifiant « rapide », c’est désormais un nom désignant une « requête en langage naturel adressée à une intelligence artificielle générative ».
– solutionnisme : idéologie qui consiste à rechercher des solutions technologiques aux problèmes (sociaux, écologiques, etc.) sans en examiner les causes profondes. On emploie aussi « technosolutionnisme ».
– stalker : épier les faits et gestes de quelqu’un sur Internet, notamment sur les réseaux sociaux. Cet anglicisme appartient au registre familier.
– vocal : ce mot n’est plus seulement un adjectif relatif à la voix, mais aussi un nom signifiant « message vocal envoyé via une application de messagerie instantanée ».
Chez Larousse :
– bot : programme informatique autonome, souvent basé sur l’intelligence artificielle, capable de se connecter à des serveurs et de réaliser diverses tâches automatisées.
– cracker : faire sauter illégalement les dispositifs de protection d’un système informatique.
– cyberattaque : attaque informatique qui touche régulièrement des établissements sensibles, comme les hôpitaux ou les mairies.
– détox digitale : fait de se déconnecter d’Internet et des réseaux sociaux pendant une période plus ou moins longue.
– femtech : ensemble des technologies, produits et services innovants dédiés à la santé des femmes.
– webtoon : toute bande dessinée réalisée dans un format consultable sur smartphone. Un sens plus large que celui qui figurait déjà dans Le Robert.
Si tiktokeur et stalker sont entrés dans Le Robert, Larousse préfère attendre que ces mots s’imposent durablement. De manière générale, en matière d’intégration de néologismes, Larousse se montre moins audacieux et plus prudent que son concurrent.
4- Les mots liés au sport et aux JO
2024, année olympique ! Les nouveaux termes désignant des disciplines sportives (et ceux qui les pratiquent) occupent naturellement une place de choix dans les deux dictionnaires.
Chez Le Robert :
– rideur : francisation de l’anglicisme rider, « personne qui pratique un sport extrême, un sport de glisse (VTT, snowboard, surf, etc.).
– cécifoot : handisport analogue au football, qui oppose deux équipes de cinq joueurs déficients visuels et qui se joue avec un ballon sonore.
– escalade de bloc : appelée aussi « le bloc », escalade pratiquée sans baudrier ni corde sur des parois de faible hauteur.
– skeletoneur : personne qui pratique le skeleton.
– taekwondoïste : personne qui pratique le taekwondo.
– trampoliniste : personne pratiquant le trampoline.
– treiziste : joueur, joueuse de rugby à treize.
Chez Larousse :
– ultra-trail : course à pied de longue distance sur un chemin ou un sentier accidenté d’au moins 80 km.
– badiste : joueur de badminton.
– trottinettiste : personne qui se déplace en trottinette (électrique ou non).
– skatepark (ou skate parc) : lieu aménagé pour la pratique du skateboard. Pour éviter l’anglicisme, Larousse recommande « planchodrome ».
5- Une gastronomie ouverte sur le monde
Et ce n’est pas nouveau ! Les mots de la cuisine qui entrent aujourd’hui dans les dictionnaires confirment notre appétit, en particulier pour les mets venus d’ailleurs.
Chez Le Robert :
– edamame : fève de soja récoltée avant maturité, servie, notamment, en apéritif dans les restaurants japonais.
– chimichurri : condiment d’origine sud-américaine, composé de persil, d’huile, de vinaigre, d’ail, d’épices et d’aromates.
–portobello : espèce de champignon.
Chez Larousse :
–kimchi : préparation de légumes (chou et radis, particulièrement), assaisonnés et fermentés dans de la saumure avec des piments.
– kombucha : boisson à base de thé, sucrée et fermentée grâce à des levures. À noter que le mot figure dans Le Robert depuis 2021.
6- La francophonie bien représentée
Enfin, comme chaque année, plusieurs expressions et termes utilisés dans des pays francophones, hors Hexagone, sont officiellement reconnus comme appartenant à la langue française.
Chez Le Robert :
– baraki : (Belgique) : personne d’apparence négligée, aux manières inélégantes ; personne peu recommandable.
– chiclette (Suisse, Belgique) : gomme à mâcher aromatisée.
– déguédiner (Canada) : se dépêcher, se hâter.
– tchip (Afrique, Antilles) : fait d’émettre un bruit de succion en signe de désapprobation ou de mépris ; ce bruit.
Chez Larousse :
– bokit (Antilles): sandwich guadeloupéen.
– brigadier (Québec) : professionnel ou bénévole posté aux abords d’une école afin d’assurer la sécurité des enfants qui traversent la rue.
– traitillé (Suisse) : série de traits courts formant une ligne.
Sandrine Campese