À la Toussaint, à quel « saint » se vouer ?

Le 1er novembre, dans la religion catholique, on célèbre la Toussaint. Comme son nom l’indique, c’est une fête qui honore « tous (les) saints ». Il est intéressant de remarquer, à cette occasion, que l’adjectif « saint » est commun à de nombreux noms composés, qu’ils soient « religieux » (Saint-Père, Saint-Siège, Saint-Office, etc.) ou sans rapport avec la religion. Ce sont surtout les derniers qui titillent notre curiosité. Qui sont ces « saint-quelque chose » que nous utilisons, caressons, buvons et mangeons au quotidien ? Amusons-nous à en dresser l’inventaire.

Les saints « matériels »

Ils reprennent généralement le nom du saint patron d’une profession. Par exemple, saint Crépin étant le patron des cordonniers, on a appelé saint-crépin les outils du cordonnier. Par extension, le saint-crépin désigne l’ensemble des affaires que quelqu’un possède, que l’on nomme aussi saint-frusquin.

De même, sainte Barbe, patronne des artilleurs, a donné son nom à la sainte-barbe, emplacement, qui, dans un vaisseau, contient la poudre à canon.

Les saints « canins »

Vous aurez, bien entendu, reconnu le saint-bernard, dont le nom provient du col du Grand-Saint-Bernard, dans les Alpes, où les religieux de l’hospice utilisaient ces chiens pour retrouver les voyageurs égarés dans la neige.

Citons également le saint-hubert, dont l’origine est controversée. L’appellation serait tirée de l’abbaye de Saint-Hubert, dans les Ardennes, où cette race de chien de chasse fut introduite, ou bien de saint Hubert, patron des chasseurs.

Les saints « en bouteille »

Avis aux amateurs de bons vins ! Êtes-vous plutôt saint-émilion, saint-julien ou saint-estèphe ? Les noms de ces trois bordeaux sont issus des régions où leurs vignes sont cultivées. En effet, Saint-Émilion, Saint-Julien-Beychevelle et Saint-Estèphe sont trois communes de Gironde.

Et si vous ne supportez pas l’alcool, vous pouvez toujours vous rabattre sur une bouteille de Saint-Galmier, nom d’un bourg de la Loire où se trouvent les sources d’une eau minérale gazeuse, mieux connue sous la marque Badoit.

Les saints « comestibles »

C’est dans votre sac de courses que les saints sont les plus nombreux ! Le poisson saint-pierre s’appelle ainsi parce que ses deux taches rondes correspondraient aux empreintes des doigts de saint Pierre.

Côté fromages, le saint-marcellin, le saint-nectaire et le sainte-maure viennent respectivement de Saint-Marcellin dans l’Isère, de Saint-Nectaire dans le Puy-de-Dôme, et le dernier, un fromage de chèvre allongé, de Sainte-Maure-de-Touraine.

Terminons ce menu alléchant par une part de saint-honoré, gâteau garni de crème chantilly et de petits choux glacés. Ici aussi, l’étymologie est incertaine. Est-il issu de saint Honoré, le patron des boulangers, ou de la rue Saint-Honoré, où était établi le pâtissier Chiboust qui, en 1863, confectionna ce gâteau ?

L’orthographe des saints

Lorsqu’il qualifie un personnage, l’adjectif saint s’écrit avec une minuscule et n’est pas suivi d’un trait d’union (saint Hubert). En revanche, quand il s’agit d’un toponyme, la majuscule et le trait d’union s’imposent (Saint-Marcellin).

Enfin, ces noms propres devenus noms communs par antonomase perdent la majuscule, conservent le trait d’union et, au pluriel, peuvent s’accorder (des saint-bernards) ou rester au singulier (des saint-bernard).

Il ne vous reste plus qu’à profiter du week-end de la Toussaint pour poser votre saint-crépin dans une petite maison de campagne, promener votre saint-bernard au grand air, grignoter un morceau de saint-marcellin devant un feu de cheminée tout en buvant du saint-émilion… avec modération !

 Sandrine Campese

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Peu de questions ou remarques depuis 3 ans !
J’ai un cas particulier à soumettre à votre sagacité. Dans le cas où l’on parle non du personnage mais de sa représentation sous une forme quelconque, il semble que l’on doive écrire avec deux minuscules et trait d’union, comme un nom commun. Le cas typique est saint Nicolas (le personnage légendaire), que l’on croise sous forme de nombreux saint-nicolas costumés dans les rues alsaciennes ou de saint-nicolas en chocolat dans les marchés de Noël. La règle serait celle des « christs en pierre » (pluriel et sans majuscule). Antonomase encore ! Avez-vous un avis, ou mieux encore une référence ?
Bien sincèrement.

Pour ne fâcher personne, faites aussi droit à la « saint-yorre » de l’Allier qui, elle, a bien perdu les capitales de son éponyme…

Quant à la « San Pellegrino », autre eau financièrement miraculeuse bien que non bénite, elle fournit l’occasion de rappeler que les composés de saints dans les principales langues européennes ne comportent jamais de trait d’union : San Sebastian (Esp.), Santa Fe (USA), Sankt Moritz (All.), etc.

Et, comme chaque année on oublie de le fêter à Toussaint, rendons un hommage appuyé à Glinglin. Ce méconnu est de fait le saint patron de tant de nos misères : date de la prochaine augmentation de salaire, de la baisse des impôts, de la célébration du premier anniversaire du jour où l’on a cessé de nous raconter des craques… Il n’a pas péri sous les dents d’un lion romain certes, il n’est même pas momifié par antonomase moderne : c’est juste un saint simple, un sans-avenir proche ou lointain.

Bien littérairement,
Chambaron