Flaubert, Colette, Pivot : que pensent les lettrés de notre orthographe ?

Il n’y a pas que la réforme de l’orthographe, récemment remise sur le tapis, qui délie les langues. Dès le XVIIe siècle, avec Malherbe et l’abbé Girard, les écrivains, les poètes, les journalistes, les philosophes et, bien entendu, les linguistes ont exprimé leur point de vue sur les difficultés de notre langue. Certains ont jugé les fautes avec véhémence, d’autres avec indulgence, sans compter ceux qui ont préféré en rire. Voici, à travers une vingtaine de citations, ce que pensent les hommes et les femmes de lettres de notre sacro-sainte orthographe.

Ceux qui sont bien remontés

MALHERBE (poète) : « Si je m’y mets, je ferai, de leurs fautes à tous, un volume plus gros que tous les leurs réunis. »

Léon-Paul FARGUE (poète) : « Monsieur, je suis l’offensé, j’ai le choix des armes, je choisis l’orthographe. Donc, vous êtes mort. »

 LAMENNAIS (prêtre) : « On ne sait presque plus le français, on ne l’écrit plus, on ne le parle plus. Si la décadence continue, cette belle langue deviendra une espèce de jargon à peine intelligible. »

Ceux qui adorent ses difficultés

Alexandre VIALATTE (écrivain) : « L’orthographe est toujours trop simple. Il y aurait intérêt à compliquer ses règles. »

THÉOPHRASTE (philosophe) : « Quel intérêt y aurait-il à simplifier l’orthographe sous prétexte que de jeunes crétins sont rebelles à cet enseignement ? »

Ceux qui défendent ses subtilités

Abbé GIRARD (grammairien) : « La langue française est peut-être celle qui a le plus de disposition à la perfection. »

COLETTE (romancière) : « N’abîmez pas les mots, ne touchez pas aux « h », aux « y ». Mettez-en partout ! »

Paul GUTH (romancier) : « Ces « ph » et « rh », donnent un charme fou à la langue française ».

Ceux qui reconnaissent ses vertus

ALAIN (philosophe) : « L’orthographe est de respect ; c’est une sorte de politesse. »

Alain REY (lexicographe) : « L’orthographe est un marqueur social, elle donne une image de soi. »

Thierry de BEAUCÉ (homme politique) : « C’est notre passé que nous contemplons quand on écrit ».

Ceux qui ne font que constater

Claude WEILL (journaliste) : « Le Français (…) voue un culte lunaire aux bizarreries de la langue française. C’est comme ça. Ce qu’il aime dans la règle, c’est l’exception. »

Nina CATACH (linguiste) : « Il y a en France deux sortes de ridicules qui tuent : n’être pas habillé à la dernière mode et faire des fautes d’orthographe. »

Christian DELACAMPAGNE (philosophe) : « Nous entrons dans l’époque où faire des fautes d’orthographe et fumer du haschisch seront considérés non seulement comme des déviances, mais comme des maladies. »

Ceux qui se montrent indulgents

Paul VERLAINE (poète) : « Même de jolies fautes de français, même d’adorables et rares, aussi bien, erreurs d’orthographe, mettaient un charme de plus dans ce courrier presque quotidien. »

 STENDHAL (romancier) : « L’orthographe ne fait pas le génie. »

 FLAUBERT : « Orthographe. – Y croire comme aux mathématiques. N’est pas nécessaire quand on a du style. »

Bernard PIVOT (journaliste) : « Mieux vaut avoir un incontestable talent d’écrivain et commettre des fautes dans l’écriture des mots qu’avoir une orthographe irréprochable mise au service d’un style médiocre. »

RIVAROL (écrivain) : « La grammaire est l’art de lever les difficultés d’une langue, mais il ne faut pas que le levier soit plus lourd que le fardeau. »

Ceux qui exècrent l’orthographe

Paul VALÉRY (écrivain) : « Notre orthographe est la plus imbécile du monde. Elle est un recueil impérieux ou impératif d’une quantité d’erreurs étymologiques artificiellement fixées par des décisions inexplicables. »

Paul VALÉRY (bis) : « On a trop réduit la connaissance de la langue à la simple mémoire. Faire de l’orthographe le signe de la culture, signe des temps et de sottise. »

Raymond QUENEAU (romancier) : « L’orthographe est plus qu’une mauvaise habitude, c’est une vanité. »

Ceux qui préfèrent en rire

 Pierre DAC (humoriste) : « Maison de correction recherche fautes d’orthographe. »

Jacques PRÉVERT (poète) : « C’est ma faute, c’est ma faute, c’est ma très grande faute d’orthographe, voilà comment j’écris Giraffe. »

 STACH (poète polonais) : « Même dans son silence, il y avait des fautes d’orthographe. »

 Richard POWERS (écrivain américain) : « Cet phrase contient trois erreures. La première porte sur l’accord du démonstratif ; la seconde, sur l’orthographe du mot erreur. Et la troisième sur le fait qu’il n’y a que deux erreurs. »

Et vous ? Dans quel « clan » vous situez-vous ? Quelle est la citation qui vous parle le plus ? Laissez un commentaire pour nous le dire ! 🙂

Sandrine Campese

Crédit Photo : Gustave Flaubert

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L’ortografe est devenue un marqueur à priori, celle qui déconsidère d’emblée tout texte écrit – alors que le même texte à l’oral serait entendu pour ce qu’il est.
Cette invention est récente, cette adhésion au formalisme est discriminante, inutilement, illégitimement.
Et se vêtir du manteau courroucé de l’étymologie pour réfuter toute réforme, toute évocation d’un changement de la convention d’écriture qu’est uniquement l’ortografe est se couvrir du ridicule d’une connaissance parcellaire mais péremptoire, aussi bien de l’histoire de l’écriture du français que de l’étude de l’écriture des mêmes mots dans les langues voisines.

Bonjour Sandrine, c’est toujours un plaisir de vous lire et je me précipite sur chaque « projet voltaire », c’est toujours l’occasion d’apprendre quelque chose sur notre belle langue, son histoire. Ne touchez surtout pas au style, c’est écrit avec humour voire causticité et c’est très agréable à lire !
Nina

Assez d’accord avec Alain REY, qui dit que l’orthographe est un marqueur social et donne une image de soi ; je retrouve dans cette remarque toute mon enfance et mon éducation. Les années passant, je considère la remarque de Bernard PIVOT que j’admire beaucoup, comme la plus intéressante, même si j’ai du mal à accepter qu’un écrivain fasse des fautes (c’est dans ma culture).
Mais farouchement opposée à la nouvelle orthographe : nénufar, un compte-goutte, j’amoncèle, portemonnaie. Je ne parle ni des trémas ni des accents!

    Bonjour Nathalie, c’est suite à la réforme de 1878 que le tréma sur le « e » a été remplacé par des accents grave ou aigu. Depuis, poëte et poëme s’écrivent « poète » et « poème ». Mais personne ne s’en est offusqué (Il faut dire qu’à l’époque, les réseaux sociaux n’existaient pas !). La « réforme » de 1990 ne supprime pas le tréma, au contraire, elle l’ajoute ou le déplace : aiguë, ambiguë, ambiguïté, arguer peuvent s’écrire « aigüe », « ambigüe », « ambigüité » et « argüer ». Il est également ajouté dans les noms « gageüre », « mangeüre », « rongeüre », et « vergeüre », pour en faciliter la prononciation. Bonne journée.

J’adore ce qu’en a dit Léon-Paul Fargue : « Monsieur, je suis l’offensé, j’ai le choix des armes, je choisis l’orthographe. Donc, vous êtes mort. »
J’aime la langue française (ma 2e langue), elle est compliquée, élitiste, bizarroïde, tout ce que l’on voudra. Mais elle est claire, précise, riche et tellement belle à l’oreille, à l’œil. Je ne suis pas d’accord avec P. Valéry qui semble dire que l’orthographe est une question de mémoire… Si mon orthographe est relativement sûre, que j’écris dans un style pas trop désagréable à lire et avec une syntaxe pas trop boiteuse, je le dois aux livres des meilleurs auteurs que j’ai lus avec plaisir tout au long de ma vie. Je n’ai jamais rien appris par cœur.