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L’étymologie au secours de l’orthographe

S.O.S. Étymologie, bonjour ! À l’heure où l’enseignement du latin et du grec à l’école est menacé, il est bon de rappeler à quel point l’étymologie est essentielle pour comprendre et retenir non seulement le sens des mots, mais aussi leur orthographe. Voici dix exemples pour vous en convaincre.

Aborigène

– la faute : dire ou écrire arborigène

– la solution : penser au latin ab

C’est le préfixe latin ab- qui entre dans la composition du nom aborigène. Ce dernier n’habite donc pas dans les arbres (arbor en latin) mais dans le pays où il vit « depuis l’origine » (ab + origine).

 Alternative

– la faute : parler d’une « autre alternative »

– la solution : penser au latin alter

Le nom alternative contient le préfixe latin alter- qui signifie « autre ». Par définition, parler d’une « autre alternative », d’une « double alternative » ou encore de « deux alternatives » constitue un pléonasme.

Aujourd’hui

– la faute : dire au jour d’aujourd’hui

– la solution : penser au vieux français hui

En ancien français, hui veut dire « ce jour ». Par conséquent, « au jourd’hui », qui signifie littéralement « au jour de ce jour », est déjà un pléonasme. Que dire alors de « au jour d’aujourd’hui » ?

Filigrane

– la faute : dire ou écrire « filigramme »

– la solution : penser à l’italien grana

Le nom filigrane est emprunté à l’italien filigrana, composé de fili (du latin filum, « fil ») et de grana, « grains ». Il désigne un dessin imprimé dans la pâte du papier que l’on peut voir par transparence. Le gramme, unité de masse, ne pèse rien dans cette affaire !

Huis clos

– la faute : écrire « huit clos »

– la solution : penser au vieux français huis

Anciennement, le nom huis signifiait « porte ». Il a donné l’« huissier », qui, à l’origine, avait pour charge d’ouvrir et de fermer une porte. De nos jours, on ne le rencontre plus que dans la locution « à huis clos », littéralement « à porte fermée » et au figuré « en petit comité ».

Indemne

– la faute : dire ou écrire « indemme », sur le modèle de dilemme

– la solution : penser à « indemniser »

L’adjectif indemne est formé sur le latin indemnis, où l’on reconnaît le préfixe privatif in- accolé au nom damnum, « dommage ». Par définition, est indemne ce qui n’a pas subi de dommage ! Pour ne pas oublier le « n », on pense aux dérivés « indemniser » et « indemnité ».

Infarctus

– la faute : dire ou écrire « infractus »

– la solution : penser à « farcir »

Le nom infarctus vient du verbe latin farcire, « garnir », qui a donné « farcir ». L’infarctus (du myocarde) est en effet caractérisé par l’obstruction de l’artère assurant l’irrigation du cœur. Il n’a donc aucun rapport avec l’infraction, issu d’un autre verbe latin, frangere, signifiant « rompre, briser ».

Obnubiler

– la faute : dire ou écrire omnibuler

– la solution : penser au latin nubes

Littéralement, le verbe obnubiler veut dire « couvrir de nuages ». On reconnaît dans la racine latine obnubilare le préfixe ob- (devant) et le nom nubes (nuage). Par le passé, le verbe a signifié « perdre connaissance » puis au figuré « obscurcir les facultés de l’esprit ». Aujourd’hui, être obnubilé, c’est être hypnotisé, obsédé par quelque chose ou par quelqu’un.

Rébarbatif 

– la faute : dire ou écrire « réverbatif »

– la solution : penser à « barbe »

« La barbe ! » s’écrie-t-on pour exprimer sa lassitude voire son agacement. C’est le même nom qui est à l’origine de l’adjectif rébarbatif. Ce dernier s’est d’abord appliqué à une personne à la barbe revêche, puis à l’apparence repoussante. Désormais, l’adjectif est synonyme de « ennuyeux » (une tâche rébarbative, un discours rébarbatif).

Veto

– la faute : dire ou écrire opposer son veto

– la solution : penser au latin veto

Le latin veto signifiant « je m’oppose », l’expression « opposer son veto » est pléonastique. On dira donc, au choix : « le président peut mettre son veto à une loi votée par le Congrès » ou « le président peut s’opposer à une loi votée par le Congrès ».

 Sandrine Campese

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Bonjour, j’aimerais savoir s’il existe en France une référence en matière de prononciation, en dehors de la phonétique que proposent certains dictionnaires. L’exemple cité plus haut à propos d’une confusion entre « lait » et « les » m’interpelle. Ne faut-il pas les prononcer tous les deux avec un e ouvert (è)? Merci pour vos précieux conseils et commentaires.

    Bonjour Kate, il existe des ouvrages de référence consacrés à la prononciation française. Par exemple, le Dictionnaire de la prononciation française dans son usage réel d’Henriette Walter ou Orthographe et prononciation en français, les 12000 mots qui ne se prononcent pas comme ils s’écrivent de Léon Warnant. Concernant « lait » et « les », le premier se prononce d’ordinaire avec un « e » ouvert [è] et le second avec un « e » fermé [é] comme « mes », « tes », « ces » (ce dernier se distinguant phonétiquement de « c’est »). À noter qu’à Marseille, dont je suis originaire, le « e » fermé remplace souvent le « e » ouvert : le lait devient [lé] ! Merci de votre fidélité et bonne journée.

    Avec 30 sons représentés à partir de 130 lettres ou assemblages de lettres et de signes divers, le français est tout sauf « phonétique ». Celle-ci ne nous est donc d’aucune aide pour retenir l’orthographe ;-).

      apelle, deux l, mais appeler, un seul l.

      ai, comme é, mais « ais » ou « ait », comme è

      côte, cote

      hausse, os

      Cela n’aide peut-être pas tous à retenir l’orthographe en totalité, mais au moins à en comprendre une partie. Certains retiennent mieux quand ils comprennent.

        Ah, la prononciation ! Oui, bien sûr qu’elle peut aider, vos exemples le montrent. Mais quand on est du Sud, par exemple, on prononce « hausse » comme « os » et « lait » comme « les » ;-). Bonne soirée !

          Dans le Sud, où j’ai vécu plusieurs années, on prononce mal le français, ce n’est pas une référence ; ainsi, putain s’y prononce « putaingue ».

          Les ch’tis aussi, d’ailleurs, auraient intérêt à fréquenter Projet Voltaire.

          C’est justement parce que nous n’avons pas tous la même prononciation qu’il est risqué de s’y référer pour écrire correctement ! 😉

Bonsoir, mais pour veto, on dit « apposer son veto », en général, et non opposer !!! l’explication n’est pas adéquate, il me semble…

    Bonjour Sylvie, « mettre », « apposer »… l’essentiel est de ne pas utiliser « opposer » qui est déjà contenu dans le nom latin veto ! J’ai préféré proposer « mettre » plutôt que « apposer » pour justement éviter la proximité phonétique avec « opposer », qui est peut-être à l’origine de l’erreur.

      Il est d’ailleurs assez amusant de constater le prédominance de « apposer » (geste physique) sur le simple « mettre », « prononcer » ou « frapper de » (expressions plus générales d’une décision).
      La raison, bien française, en tient à la manière dont Louis XVI devait exprimer ce droit concédé par la jeune République dans ce qui devenait en 1789 une monarchie constitutionnelle. Il devait en effet écrire de sa main (apposer) le mot « veto » sur les textes soumis. Il y gagna son surnom de Monsieur Veto que l’on retrouve dans la Carmagnole.
      Enfin, la réforme de 1990 me semble, sur la graphie du mot, tout à fait justifiée : soit on garde le mot latin, sans accent et en italique, soit il devient véto comme tout mot complètement francisé, ce qui est le cas. Mais on ne devrait plus accepter « veto » composé en romain.

Il fallait bien un billet pour défendre cette discipline passionnante qu’est l’étymologie !
Mais maîtriser les dizaines de milliers d’origines des mots de notre lexique demande un peu de temps. Un exercice quotidien tout au long d’une vie quoi !