À trancher une bonne fois pour toutes : l’élision de lorsque, puisque, quoique (1/2)

Voici une règle qui a été amenée à évoluer sous l’empire de l’usage. Observateur et rapporteur des évolutions orthographiques et grammaticales, le Projet Voltaire se devait de faire une mise à jour de la règle d’élision de trois conjonctions de subordination : lorsque, puisque et quoique

1 – L’élision de « lorsque » 

Avant, « lorsque » s’élidait obligatoirement devant les pronoms « il(s) », « elle(s) », « on », les déterminants « un » et « une », et s’élidait éventuellement devant « en ».

Exemples : « Lorsqu’on voit une étoile filante, il faut faire un vœu… », « Le voleur s’apprêtait à ouvrir le coffre lorsqu’une sonnerie l’a fait sursauter. »

En dehors de ces exemples, il n’y avait pas d’autres élisions possibles. Devant les autres mots commençant par une voyelle, ainsi que devant les noms propres, « lorsque » ne s’élidait pas.

Quelle différence entre « lorsque » et « quand » ? D’après Le Grand Robert : « Par sa forme même, lorsque est plus explicite et appuyé que quand et convient peut-être mieux pour marquer les circonstances, l’occasion. En outre, lorsque est d’un emploi plus littéraire que quand. »

Aujourd’hui, l’Académie française indique que le « e » s’élide devant « il(s) », « elle(s) », « on », « un », « une », et généralement devant « enfin », « en », « avec », « aussi », « aucun ». Larousse est du même avis.

Exemples : « Lorsqu’enfin il est arrivé, le spectacle était presque fini… » ; « Lorsqu’en 1969 l’homme atterrit sur la Lune… »

Le Robert va encore plus loin : Pour lui, « lorsque » s’élide devant un mot commençant par une voyelle ou un « h » muet, ce qui inclut de fait les noms propres.

« Lorsque » s’élide devant « on », pourtant, il est conseillé d’éviter le son [con]. Alors, faut-il écrire « Lorsque l’on » ? Ici, la présence des deux « l » n’est pas heureuse à l’oral. Pour des raisons d’euphonie, donc, on s’octroiera le droit d’écrire et de dire « lorsqu’on ».

2- L’élision de « puisque » 

Avant, on élidait « puisque » devant les pronoms « il(s) », « elle(s) », « on », les déterminants « un » et « une », éventuellement devant « en ».

Exemples : « Puisqu’on ne vivra jamais tous les deux » (Francis Cabrel), « Puisqu’une telle fleur ne dure » (Pierre de Ronsard).

Il n’y avait pas d’élision dans les autres cas.

Aujourd’hui, c’est la même règle que pour « lorsque ». Selon l’Académie française, le « e » s’élide devant « il(s) », « elle(s) », « on », « un », « une », et généralement devant « enfin », « en », « avec », « aussi », « aucun ».

Larousse ne parle  de l’élision de « puisque » que devant « il(s) », « elle(s) », « on », « un », « une » et « en ».

Quant au Robert, il prône également l’élision de « puisque » devant tous les mots commençant par une voyelle ou un « h » muet, ce qui veut dire que l’on peut désormais écrire « Nous irons au Québec en septembre, puisqu’en juillet les billets sont trop chers… », « Je n’irai pas voir ce film, puisqu’Édouard me l’a déconseillé. »

3- L’élision de « quoique » 

Avant, on élidait « quoique » devant les pronoms « il(s) », « elle(s) », « on », les déterminants « un » et « une », éventuellement devant « en ».

Exemples : « Quoiqu’il soit laid, Quasimodo est un vrai héros… », « Quoiqu’un peu frais, le vent du large est agréable. »

Il n’y avait pas d’élision dans les autres cas.

Au sens strict, « quoique » introduit une proposition traduisant une circonstance défavorable, la difficulté malgré laquelle l’action principale s’accomplit. Équivalent de « bien que », « quoique » est généralement suivi d’un verbe au subjonctif.

Aujourd’hui, « quoique » suit la même tendance que « lorsque » et « puisque ». Toujours d’après l’Académie française, le « e » s’élide devant « il(s) », « elle(s) », « on », « un », « une », et généralement devant « enfin », « en », « avec », « aussi », « aucun ».

Larousse ne parle  de l’élision de « quoique » que devant « il(s) », « elle(s) », « on », « un », « une » et « en ».

Et le dictionnaire  Le Robert ? Pour « quoique » aussi, il préconise l’élision devant tous les mots commençant par une voyelle ou un h muet.

Il est donc possible d’écrire : « Quoiqu’intelligent, il n’aime pas l’école », « Quoiqu’Arthur soit un homme, il est devenu une légende ».

Pour conclure, on peut imaginer que l’Académie française et Larousse, encore un peu « frileux », s’aligneront prochainement sur Le Robert, qui a souhaité généraliser et simplifier la règle d’élision des conjonctions de subordination.

À l’avenir, les trois dictionnaires de référence devraient permettre à « lorsque », « puisque » et « quoique » de s’élider systématiquement devant toutes les voyelles et les « h » muets !

Sandrine Campese

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    Bonjour Tralala, que de points d’interrogation ! Le son « con » est peu heureux à l’oral, puisqu’il rappelle celui d’un nom familier, vulgaire et même une insulte de la langue française. Ce conseil est celui des dictionnaires, des grammairiens. Ce n’est pas une obligation, juste une recommandation, quand cela est possible. Bonne journée.

Pourtant l’Académie Française indique que l’élision est également admise avec : en, à, enfin, avec, aussi, aucun (conjonction de subordination). https://www.dictionnaire-academie.fr/article/A9P5031
Antidote, corrige la non élision de « puisque » avec « aucun » et donne cette justification https://www.antidote.info/fr/blogue/enquetes/que-jusque-lorsque-puisque-quoique-presque-quelque-quelider qui s’appuie sur les recommandations de l’Académie Française.
Alors qui croire et surtout qu’écrire ?

    Bonjour Mariedk, en effet, c’est ce qui est indiqué dans la « Remarque », à la fin de notre règle. L’Académie française précise « généralement », elle en fait donc un cas particulier, encore incertain. Larousse ne mentionne pas ces derniers exemples : https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/puisque/65020. Conclusion, mieux vaut, pour l’instant, s’en tenir à la règle traditionnelle. Bonne journée.

        Je reformule ma réponse :
        Merci Sandrine. Puisque l’Académie française indique que l’élision se pratique généralement devant les conjonctions de subordination indiquées ci-dessus, cette élision n’est-elle donc pas explicitement admise comme règle par l’Académie française ? C’est en tout cas ainsi que je comprends sa définition.
        Et si tel est bien le cas, et dans la mesure où c’est l’Académie française qui détient l’autorité pour édicter les règles orthographiques, ne devrions-nous pas les appliquer sans les remettre en question juste parce qu’un dictionnaire reconnu n’en fait pas (encore) mention ?
        Je suis un peu perdue et ça ne devrait pas être le cas puisque l’orthographe est censée être normée. Même dans le cas des réformes orthographiques, les tolérances entre ancienne et nouvelle orthographe sont indiquées. Or là, si on s’en tient à ce qui est indiqué sur votre page, il ne faut pas tenir compte de ce que dit l’Académie française et attendre de voir ce qu’il adviendra.
        Mais en attendant, que fait-on ? On pénalise des élisions pourtant admises par l’AF ?
        Je ne cherche pas à remettre en question les règles anciennes ou nouvelles. Je veux juste être certaine de suivre et d’enseigner les règles en vigueur afin de rester crédible et pour ne pas induire en erreur des apprenants qui me payent pour que je les aide à améliorer leur orthographe.
        Merci de votre aide.
        Marie

      Je complète ma réponse (désolée pour la longueur mais c’est nécessaire)

      Voici ce que j’ai pu trouver sur le site du gouvernement https://www.gouvernement.fr/argumentaire/reforme-de-l-orthographe-3763#:~:text=Ce%20travail%20revient%20à%20l%27Académie%20française%20depuis%20Richelieu%2C%20qui,approuvées%20par%20l%27Académie%20française. :

      […]
      • Le conseil supérieur de la langue française a adopté en 1990 des rectifications de l’orthographe, approuvées par l’Académie française. Les éléments sont disponibles sur le site de l’Académie française. L’orthographe en vigueur est aussi disponible via le dictionnaire de l’Académie française.
      Ces règles sont une référence, mais ne sauraient être imposées, les deux orthographes sont donc justes :

      • Pour l’enseignement de la langue française, le professeur tient compte des rectifications de l’orthographe proposées par le rapport du conseil supérieur de la langue française, approuvées par l’Académie française (Journal officiel de la République française du 6 décembre 1990).

      • Pour l’évaluation, il tient également compte des tolérances grammaticales et orthographiques de l’arrêté du 28 décembre 1976 (Journal officiel de la République française du 9 février 1977).

      À l’époque, le secrétaire perpétuel de l’Académie française, Maurice Druon, rappelait : « Il a été entendu que les propositions des experts devraient être à la fois fermes et souples : fermes, afin que les rectifications constituent une nouvelle norme et que les enseignants puissent être informés précisément de ce qu’ils auront à enseigner aux nouvelles générations d’élèves ; souples, car il ne peut être évidemment demandé aux générations antérieures de désapprendre ce qu’elles ont appris, et donc l’orthographe actuelle doit rester admise. »

      Antidote indique aussi : https://www.antidote.info/fr/blogue/enquetes/que-jusque-lorsque-puisque-quoique-presque-quelque-quelider

      […]
      Plusieurs reconnaissent que cette règle imprécise est souvent enfreinte (même dans les exemples des dictionnaires) et que la tendance de l’usage est vers une généralisation de l’élision sur le modèle de que et jusque. Cette généralisation est même recommandée par l’Académie française (dans sa Grammaire de 1932), par le Bon Usage de Grevisse et Goosse et par l’Office québécois de la langue française.

      Ce que j’en retiens et en déduis :

      – Lorsqu’une règle est modifiée, l’enseignant doit tenir compte des tolérances ;

      – Dans le cas qui nous préoccupe, puisque la règle porte sur un ajout et non pas une suppression de mots pouvant entraîner l’élision de puisque, quoique et lorsque, nous devrions donc accepter la règle ancienne (élision devant il, elle, ils, elles, un, une, on) qui reste valable et également devant les conjonctions de subordination (en, à, enfin, avec, aussi, aucun). Ce n’est pas si nouveau que cela d’ailleurs, puisque cette recommandation de l’AF date tout de même de 1932 ! La période d’observation que vous préconisez est en cours depuis déjà 91 ans…

      – Puisque cette élision tend à se généraliser à l’écrit, il est peu probable que l’AF revienne en arrière…

      – De ce fait, ne serait-il pas logique que Projet-Voltaire se mette en conformité avec les recommandations de l’AF et ne pénalise plus ces nouvelles élisions ?

        Bonsoir Mariedk, merci pour vos remarques détaillées. Force est de constater que les deux dictionnaires de référence sur lesquels se fonde le Projet Voltaire ne sont pas en accord sur cette règle. Larousse ne reprend que les cas d’élision « traditionnels » (devant « il », « elle », « en », « on », « un », « une »), tandis que Le Robert élargit le champ d’application à tous les mots « commençant par une voyelle ou un h muet ». Il est donc possible de suivre l’un ou l’autre ! Bonne soirée.

      J’ai souhaité complété ma réponse, mais elle ne s’affiche pas.
      Je garde le texte pour vous le publier ultérieurement si le bug est réparé.
      En attendant, voici ma version courte : la recommandation de l’AF date de 1932, la période d’observation que vous préconisez est en cours depuis 91 ans…
      Projet-Voltaire ne devrait-il pas accepter cette recommandation et ne plus considérer ces élisions comme fautives ?

      Bonjour Sandrine,
      Ne devrait-on pas écrire « les deux dictionnaires sur lesquels se fonde le Projet Voltaire » ? Et non « se fondent ». Peut-être une faute de frappe. Dans le cas contraire, pourriez-vous m’indiquer pourquoi ?
      Merci d’avance.

    Vous plaisantez ? Nous ne faisons qu’énoncer la règle en vigueur (le « dogme », comme vous dites), ce n’est pas nous qui la créons ! Notre « remarque » montre au contraire que la règle est questionnée. Si nous étions dogmatiques, nous ne l’aurions simplement pas signalé. Il faut lire jusqu’au bout ! Nous avons écrit : « L’observation de l’usage nous dira si la règle doit ou non évoluer. » Bonne journée.