Aède, ménestrel, félibre… 10 mots pour désigner les poètes

10 mots pour désigner les poètes

Après 10 mots pour désigner le sommet de quelque chose, au sens propre comme au sens figuré, voici 10 mots pour désigner un poète ! Qu’il vienne du passé et / ou d’ailleurs, le poète montre ici toutes ses facettes : musicien, chanteur, jongleur, conteur… Il déploie également divers styles : épique, lyrique, courtois, rimeur, prosateur, itinérant… Voici l’occasion de rendre hommage à cet artiste intemporel, à travers des termes plus poétiques les uns que les autres !

1- l’aède

Dans la Grèce antique, le poète se nommait « aède ». Mais attention, pour être qualifié d’aède, il fallait remplir trois critères :

réciter le poème, ou mieux, le chanter. En effet, le mot aède vient du nom grec aoidos, « chanteur ».

s’accompagner d’un instrument de musique, tel l’ancêtre de la lyre, la phorminx, qui s’apparente à la cithare.

célébrer les dieux et les héros. Le poème devait donc être épique, c’est-à-dire raconter en vers une action héroïque, un épisode de la Guerre de Troie, par exemple !

Le plus célèbre des aèdes est sans nul doute Homère (son Odyssée met d’ailleurs en scène deux aèdes) ; et dans la mythologie, Orphée. En revanche, Apollon, en tant que dieu de l’Olympe, ne saurait être considéré comme un aède !

Aujourd’hui, le terme « aède » peut s’employer pour désigner un poète actuel, souvent plaisamment.

2- le rhapsode

Le rhapsode vient après l’aède, car il chante des poèmes épiques, certes, mais surtout homériques, c’est-à-dire tirés de l’Illiade et de l’Odyssée. Autre particularité : le rhapsode est itinérant, il va de ville en ville réciter ses poèmes.

« Rhapsode » est tiré du grec rhapsôdos, où l’on reconnaît ôidê qui signifie « chant » et qui a donné l’ode. En français, le nom rhapsode a une autre orthographe : il peut s’écrire sans « h » : « rapsode ». Le « h » a été ajouté au XVIIe siècle pour rappeler l’étymologie grecque. La même tolérance existe pour « rapsodie » et « rhapsodie » (graphie la plus fréquente).

La rhapsodie n’est pas seulement le poème récité par un rhapsode, c’est aussi une « pièce musicale instrumentale de composition très libre et d’inspiration populaire ».

Quelques exemples : Rhapsodies hongroises de Liszt, Zwei Rhapsodien de Brahms, Rhapsodie espagnole de Ravel, sans oublier, dans un tout autre registre, Bohemian Rhapsody de Queen et Brandt Rapsodie de Benjamin Biolay et Jeanne Cherhal !

3- le chantre

Musique et poésie étant intimement liées, le chantre désigne d’abord celui qui chante aux offices religieux ; puis, le poète, principalement épique ou lyrique.

Dans la langue littéraire, « le chantre (de) » est la personne qui célèbre, qui loue quelque chose (plus rarement quelqu’un). Exemples : un des chantres du surréalisme, le chantre d’un passé glorifié, le chantre de l’intelligence artificielle…

4- le barde

C’est le nom du poète et chanteur celtique qui célébrait les héros et leurs exploits. Il est un membre de la classe sacerdotale (celle des prêtres).

Dans la culture populaire, c’est Assurancetourix, l’un des personnages de la bande dessinée Astérix, qui incarne le barde. Flanqué d’une lyre, ce dernier est persuadé d’avoir du talent alors qu’il chante comme une casserole. Il se fait d’ailleurs assommer à de nombreuses reprises, dès les premières notes… Un artiste incompris !

Par extension, dans la langue littéraire, le nom barde sert aussi à désigner tout chanteur et poète, de préférence « folklorique ».

À ne pas confondre, enfin, avec « la barde », fine tranche de lard dont on entoure les viandes à rôtir, afin qu’elles ne se dessèchent pas à la cuisson.

Le saviez-vous ? Dans les traditions ukrainienne, moldave et roumaine, le barde itinérant – parfois aveugle – est nommé « kobzar ».

5- le ménestrel

Nous arrivons en plein Moyen Âge, précisément aux XIIe et XIIIe siècles.

Le ménestrel est alors un poète et musicien ambulant qui va de château en château, tout en étant rattaché à un seigneur. Il chante des vers composés par lui ou par d’autres. Il est également jongleur. Un artiste complet !

En dehors de ce contexte et dans la langue soutenue, le nom ménestrel désigne un poète et un chanteur.

« Ménestrel » est de la même famille que… « ministre » ! En effet, il est issu du latin ministerialis, où l’on reconnaît la racine minister, « serviteur ». Autre mot de même origine : « ménétrier ». Anciennement, c’était un violoniste de village, qui escortait les noces.

6- le trouvère

Restons aux XIIe et XIIIe siècles pour écouter le trouvère, ce poète lyrique du nord de la France, qui s’exprime en langue d’oïl. Il pouvait également être jongleur, comme le ménestrel.

La langue d’oïl, c’est la langue romane parlée au Moyen Âge dans le nord de la France, ancêtre du français, mais aussi du wallon.

Le mot est issu du bas latin trovare ou tropare, « composer un poème ». Cette racine se retrouve dans tropus, qui a donné « trope » (figure de rhétorique).

7- Le troubadour

Le troubadour est connu pour être « l’équivalent » du trouvère, mais pour le sud de la France.

Ce poète, également lyrique, s’exprime en langue d’oc, qui a notamment donné l’occitan et le catalan et que l’on retrouve dans le nom de la région « Languedoc ».

Le troubadour est le premier à avoir incarné, dès le XIIe siècle, l’amour courtois, cette façon d’aimer (et de vivre) avec honnêteté, vertu et respect, qui inspire encore les artistes de nos jours. Ainsi, dans son album À l’aube revenant (2020), Francis Cabrel rend hommage aux troubadours et au fin’amor (l’autre nom, occitan, de l’amour courtois).

8- Le félibre

Le félibre est au XIXe siècle ce que le troubadour est au XIIe siècle : un poète de langue d’oc. À cela près que le félibre peut être aussi prosateur.


Plus spécifiquement, on appelle « félibre » l’adepte du félibrige, une association fondée en 1854 par un collectif de poètes occitans provençaux, Frédéric Mistral à sa tête. Elle oeuvre dans un but de « sauvegarde et de promotion de la langue, de la culture et de tout ce qui constitue l’identité des pays de langue d’oc ».

Le nom félibre serait directement issu du provençal felibre signifiant « docteur de la loi ». Cependant, Mistral lui-même rattachait le mot au latin fellibris, « nourrisson » (dérivé du latin fellare, « sucer »), partant de l’image ancienne qui fait des poètes les nourrissons des Muses.

Notons que l’anagramme de « félibre » est « fébrile ».

9- le scalde

Tout en restant dans le passé, nous quittons l’Hexagone pour entendre le « scalde ». Au Moyen Âge, c’était un poète de cour (et chanteur) norvégien et islandais. Plus généralement, c’est le nom que les anciens Scandinaves donnaient à leurs poètes.

Le mot est directement tiré du scandinave skald qui signifie « poète ».

10- le griot

Un peu plus au sud, à présent, nous rencontrons le griot. En Afrique subsaharienne, c’est un membre de la caste des poètes musiciens ambulants, dépositaires de la culture orale et réputé être en relation avec les esprits.

D’où vient le nom griot ? Possiblement du portugais criado signifiant « domestique », « serviteur ». Et au féminin ? « griot » devient « griotte » ; oui, comme la cerise !

Le saviez-vous ? Au Cameroun et au Gabon, on nomme « mvet » le griot dans le groupe ethnique ekang.

Sandrine Campese

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