10 barbarismes à éradiquer d’urgence (suite)

À la suite de notre inventaire des barbarismes courants, vous avez été nombreux à nous suggérer de nouveaux accrocs lexicaux ! Pour rappel, un barbarisme enfreint la « morphologie » des mots, c’est-à-dire leur forme, la manière dont on les écrit. Commettre un barbarisme revient donc à inventer une orthographe qui n’existe pas. Généralement, l’erreur est perceptible à l’oral. Voici donc, pour notre plus grand plaisir, dix nouveaux barbarismes à traiter manu militari !

1- « antidiluvien » au lieu d’antédiluvien

C’est le préfixe ante- (avant) qui compose cet adjectif signifiant littéralement « avant le Déluge » (diluvium), c’est-à-dire l’épisode biblique. Il qualifie ironiquement quelque chose d’ancien, passé de mode (une voiture antédiluvienne).

2- « arborigène » au lieu d’aborigène

Attention à ne pas écrire, sous l’influence du nom arbre, « arborigène » pour aborigène ! Étymologiquement, l’aborigène est là « depuis l’origine » (ab + origines en latin). Autrement dit, ses ancêtres sont les premiers habitants connus de sa terre natale. 

3- « carapaçonner » au lieu de caparaçonner

Ce verbe n’a aucun lien avec la carapace ! Il vient du caparaçon, housse d’ornement ou de protection qui recouvre les chevaux. Au sens figuré, « se caparaçonner » revient à « se protéger ».

4- « disgression » au lieu de digression

Ce nom vient du latin digressio, -onis, « s’éloigner ». Attention, il ne prend pas de « s » avant le « g », contrairement à « transgression ». On veillera donc à bien écrire et à bien prononcer [di-gression] (et non dis-).

5- « entrepreunariat » au lieu d’entrepreneuriat

Il est tentant d’écrire, sur le modèle de « secrétariat » ou de « commissariat », « entrepreunariat ». Sans doute est-ce plus facile à prononcer… Pourtant, ce nom est formé sur « entrepreneur », qui ne contient pas de « a » (contrairement à « secrétaire » et « commissaire ») !

6- « formenter » au lieu de fomenter

Gardez-vous d’écrire « formenter » pour fomenter, qui signifie « tramer, provoquer » (en général quelque chose de nuisible). Pour vous rappeler qu’on n’entend pas de « r » dans « fomenter », retenez cette phrase : Fomenter ne nécessite ni froment ni ferment.

7- « opprobe » au lieu d’opprobre

L’opprobre désigne la honte, le déshonneur. On rencontre surtout ce nom, de genre masculin, dans l’expression « jeter l’opprobre sur quelqu’un ». Vous l’aurez compris, il n’est pas question « d’opprobe », encore moins « d’eau propre » !

8- « pécunier » au lieu de pécuniaire

Par confusion avec « financier / financière », on rencontre souvent les formes fautives « pécunier / pécunière ». Si cet adjectif a également trait à l’argent, son orthographe est la même au masculin et au féminin : pécuniaire (un problème pécuniaire, une situation pécuniaire).

9- « réverbatif » au lieu de rébarbatif

C’est le nom barbe qui est à l’origine de l’adjectif rébarbatif (cf. l’interjection « La barbe ! »). L’adjectif s’est d’abord appliqué à une personne à la barbe revêche, qui rebute par son apparence. Désormais, rébarbatif est synonyme d’« ennuyeux » (une tâche rébarbative, un discours rébarbatif).

10- « réouvrir » au lieu de rouvrir

On a beau parler de la « réouverture » d’un magasin, le verbe correspondant est « rouvrir ». On rouvre une porte que l’on avait préalablement fermée ou un débat qui avait été momentanément clos. De même, on dira qu’une plaie s’est rouverte.

BONUS : « astérix » au lieu d’astérisque

Influencé par le héros de la bande dessinée, on a tendance à dire « un astérix », voire « une astérix » au lieu d’un astérisque. Si, dans un contrat par exemple, on ne lit pas ce qui est indiqué par l’astérisque, on prend un risque !

Sandrine Campese

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Bonjour, Je ne supporte plus d’entendre « je vous partage cette nouvelle » et autres « ils nous ont partagé leur maison ». Mais d’où vient cette … cette… cette quoi, au fait ? Faute de syntaxe ? Je ne sais pas comment s’appelle cette horreur linguistique. Ni d’où elle vient. Pas de l’anglais, c’est certain. Merci de vos lumières.

    Bonjour madilou, je vous confirme que « partager », verbe transitif, se construit comme suit : « partager quelque chose avec quelqu’un », comme indiqué dans le dictionnaire. La tournure « partager quelque chose à quelqu’un » est de plus en plus fréquente, mais reste fautive. D’aucuns l’emploient certainement pour gagner du temps. En effet, il est un peu plus « rapide » de dire « Je te partage une photo » que « Je partage une photo avec toi ». Sinon, on peut tout à fait se passer de « partager » qui me semble un peu excessif quand il s’agit simplement d’envoyer ou de montrer quelque chose. D’où : « Je te montre une photo », « Je t’envoie une photo ». Bonne journée.

    Bonjour Christian, la construction « s’illuminer de quelque chose » existe, mais elle s’applique plutôt à un sentiment qu’à un objet : « un visage qui s’illumine de joie. ». « Un champ qui s’illumine de fleurs », c’est très poétique, mais pas évident à se représenter : sont-ce les fleurs qui produisent de la lumière ? Car dans « s’illuminer », il y a la notion de « lumière », et non de couleur. Plus naturellement, on dirait que les champs se couvrent, s’habillent, se colorent de fleurs. Cela dit, s’il s’agit d’une poésie, vous avez bien sûr le droit d’employer la tournure que vous souhaitez ! Je vous donne mon simple avis :-). Bonne journée.

Bonjour Sandrine,

J’aurais une question quant à une formulation syntaxique.
« … mais un détail. Un détail qui a toute son importance. »
Est-il correct de construire une phrase (Un détail qui a toute son importance.) qui ne comporte pas de proposition principale, mais simplement une subordonnée. Est-ce grammaticalement correct ?

La tournure « Un détail, mais qui a toute son importance » est-elle plus acceptable ou bien cela n’y change rien ?

Je vous remercie par avance de vos commentaires

Bien à vous

    Bonjour Zazi, ce n’est pas une erreur, simplement un effet de style. La phrase « Un détail qui a toute son importance » vient préciser, renforcer la précédente. On pourrait d’ailleurs la juxtaposer, plutôt que d’en faire une phrase à part, mais l’effet d’insistance serait moindre. « … mais un détail, un détail qui a toute son importance. » Bonne journée.

Bonjour Sandrine,

Voilà une collection bien pertinente de nos barbarismes, lapsus, pataquès ou contrepèteries les plus courants.

J’en ai quelques autres dans ma manche :

Combientième au lieu de quantième
Détonner au lieu de dénoter
Frustre au lieu de fruste qui n’est point rustre
Panégérique au lieu de panégyrique
Précepteur au lieu de percepteur
Vilipendier au lieu de vilipender et non stipendier

Je vous épargne, Je m’arrête là.

Bravo Solange ! Je lutte moi aussi pour le respect de notre belle langue française.
Que dire aussi des mots ou expressions anglaises utilisés par des politiques. Par exemplaire, il y a quelques temps déjà, j’ai entendu Martine Aubry parler du « care » à la radio. Comme je revenais d’Egypte, j’ai tendu l’oreille et est découvert qu’il n’était pas question du Caire mais de soins ! J’aurai beaucoup aimé qu’elle parle en bon français pour être comprise par tous, y compris les plus humbles ! C’est le genre de choses qui m’agacent profondément.

    Bonne remarque mais qui témoigne surtout des insuffisances de notre bonne vieille langue française. Car le care dont parle Martine Aubry n’a pas de traduction explicite. Le CARE – prendre soin avec bienveillance en se préoccupant de la personne plus que de sa maladie – s’oppose en effet au CURE – le soin proprement dit dont l’objectif est la maladie davantage que le malade.
    Cette opposition est contestable, certes, car des soins invasifs peuvent être conduits avec bienveillance. Mais, en tant que professionnel de santé, je suis de ceux qui considèrent que nos amis anglais ont raison de bien dissocier ces deux versants d’une même entité: le SOIN. Nommer les choses c’est les faire exister. Deux mots sont donc plus sûrs pour des soins bien compris. Il ne vous reste Ginette qu’à en proposer des traductions pertinentes. Ce serait une démarche fort légitime. Sauf à accepter week-end et consorts…

        Traiter se rapproche en effet volontiers de soigner (le cure). Pour le care c’est difficile et la percée de mot anglais en témoigne. Votre proposition de traduction par mignoter me parait un peu ambivalente (si on considère que le mot hésite entre plusieurs choses) ou ambiguë (si l’on considère qu’il veut dire plusieurs choses).
        Pour l’heure et le care, je ne vois rien de mieux que « prendre soin ».
        Mais cela reste ouvert…

C’est extraordinaire! Vous luttez pour la pureté de la langue française en commençant votre commentaire par une vulgaire faute, hélas, de plus en plus répandue: chère Madame, jamais « suite à…. », toujours « à la suite de…. »!
Bravo!
Sincères salutations

    Cher Monsieur (ou chère Madame), soucieuse, comme vous, d’employer le mot juste, je ne peux pas vous laisser dire que cette tournure est une « vulgaire faute ». Là c’est vous qui faites erreur. Les fautes, ce sont les barbarismes cités dans l’article que vous avez certainement lu avec attention… Le sujet qui vous préoccupe relève du « niveau de langue », non de l’orthographe. D’après l’Académie française et Larousse, « suite à » est employé surtout dans la langue administrative et commerciale ». Il est vrai que dans le cadre d’un exercice littéraire, la formule complète « à la suite de » est plus élégante. C’est dans l’unique but de soigner davantage la formulation que je l’ai modifiée, et non pour corriger une « faute », encore moins « vulgaire ». Bonne soirée