À trancher une bonne fois pour toutes : événement ou évènement ?

Accent aigu ou accent grave ? Depuis 1990, l’orthographe traditionnelle événement est (officiellement) concurrencée par la « nouvelle » orthographe évènement. En réalité, cette dernière graphie est bien plus ancienne qu’on voudrait nous le faire croire. Quoi qu’il en soit, faut-il vraiment choisir un camp, et si oui, sur quels critères ? Pour tenter d’y voir plus clair, intéressons-nous à l’histoire de ce mot, avant d’interroger les dictionnaires et l’Académie française.

Événement : origine du nom… et de son accent !

Attesté pour la première fois au XVe siècle, le nom événement vient du verbe latin evenire qui signifie « arriver », « se produire ». Il est composé du préfixe e(x)- et de venire, qui a donné « venir ». Avant, on écrivait event, sans accent, forme passée telle quelle en anglais.

Mais alors, pourquoi avoir mis un accent aigu sur le deuxième « e » d’événement ? Est-ce parce qu’en français l’accent aigu est apparu plus tôt que l’accent grave ?

En réalité, on a très tôt prononcé [évènement] pour une raison phonétique évidente : devant une syllabe contenant un « e » muet (c’est le cas de « évén’ment »), on prononce [è] et non [é].

Dans les dictionnaires, « évènement » n’est qu’une variante

Nous le savons, Le Petit Larousse et Le Robert ont progressivement intégré un certain nombre de modifications issues de la « réforme » orthographique de 1990. Cependant, la graphie « évènement » n’est pas apparue en 1990. Elle a été admise par l’Académie française dès 1979, ce qui suppose un emploi bien antérieur, en particulier dans la littérature. La « réforme » orthographique de 1990 n’a fait qu’entériner une modification en usage depuis (au moins !) dix ans…

Mais revenons à nos dictionnaires dans lesquels on peut lire, à l’entrée événement : « événement ou évènement ». Comme le souligne malicieusement Bruno Dewaele, Le Robert n’a intégré « évènement » que dans l’édition de 2009, alors que Larousse cautionnait l’accent grave depuis plusieurs années déjà.

Quoi qu’il en soit, nos deux bibles de la langue française ne se mouillent pas : « évènement » est présenté comme variante orthographique d’événement. Le lecteur a donc le choix d’employer l’un ou l’autre… sans risquer de commettre une faute !

Pour l’Académie française, « évènement » est la référence

Qui oserait aujourd’hui remettre en cause l’accentuation d’avènement, nom sur lequel s’est formé « événement » ? Pourtant, avènement s’est d’abord écrit « avénement ». C’est lors de la réforme orthographique de 1878 que l’accent aigu est devenu grave. D’autres mots ont suivi la tendance : « collége » est devenu collège ; « siége », siège ; « Liége », Liège ; « j’abrége », j’abrège ; etc. Outre la lettre « g » qu’ils ont en commun, tous ces mots se terminent par un « e » muet, qui appelle, comme nous l’avons vu plus haut, un accent grave sur le « e » précédent.

Et « événement », dans tout ça ? Pour une raison inconnue, il est passé entre les mailles du filet, alors qu’il aurait dû suivre le mouvement. La « réforme » de 1990 n’a fait que réparer cette injustice !

Contrairement aux dictionnaires usuels, l’Académie française prend parti : elle recommande la « nouvelle » orthographe, évènement, en précisant que « la graphie ancienne événement n’est cependant pas considérée comme fautive, encore que rien ne la justifie plus ». Ainsi, sur le site de la célèbre institution, on peut lire : « Sabler le champagne » s’est employé pour signifier, par extension, « célébrer un évènement en buvant du champagne ».

Ce qu’il faut retenir

Dans les dictionnaires usuels, les deux orthographes, événement et évènement, se valent. Plus « moderne » (en dépit des apparences !), l’Académie française a pris fait et cause pour l’orthographe réformée. Comme d’habitude, l’usage tranchera, mais il y a fort à parier qu’évènement finira par s’imposer, suivant la trace d’avènement… C’est déjà le cas dans les médias et dans la littérature.

Et vous, quelle orthographe a votre préférence ?

Sandrine Campese
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Intéressant comme article, merci pour la recherche.
J’aurais cru que vous mentionneriez que pour beaucoup de mots, le « è » a laissé la place au « é » au moment des premières presses et que pour limiter le nombre de cartouches nécessaires, les imprimeurs n’utilisaient que le « é ».

Cet article est amusant…
Vous écrivez que Liége serait devenu Liège… mais peut-être ignorez-vous que les Liégeois prononcent toujours Liége ?
D’autre part vous demandez « quelle orthographe a votre préférence »…
… tiens, là prononcez-vous préf-è-rence ?
🙂

    Bonjour Eric, nous ne faisons ici que relater les rectifications orthographiques de 1878, indiquant que « Certaines graphies avec ‹ é ›, conformément à une prononciation alors désuète, sont remplacées par ‹ è ›, notamment devant ‹ g › : ‹ collége ›, ‹ Liége ›, ‹ siége › ; mais aussi ‹ avénement › ou dans la conjugaison du verbe ‹ abréger › : j’abrège. » Il s’agit de conformer l’orthographe à la prononciation. Aucun rapport avec « préférence », donc, qui se prononce très bien ainsi ! Néanmoins, les Liégeois sont tout à fait libres de conserver l’ancienne prononciation s’ils le souhaitent ! Cela ne change rien à l’existence de ces rectifications, qui datent de presque 150 ans ! Bon après-midi.

Sur la page générale d’accueil de Google, dans la phrase « Quelle est la différence entre événement et événement », « événement » est écrit deux fois avec un accent aigu alors qu’il faudrait qu’il soit écrit une fois avec un accent aigu et une fois avec un accent grave, justement pour qu’on comprenne spontanément qu’il pourrait y avoir une différence.
Il faudrait donc corriger et l’écrire une fois avec un é et une fois avec un è.

    Bonjour Thierry, merci de votre vigilance. Même si cette erreur n’est pas de notre fait, j’ai tout de même transmis votre remarque à notre équipe. Bon après-midi.

Bonjour,
Dans le sud « occitan » le son è n’existe pas. Un lait de vache ou un lé de papier peint : tout ça se prononce allègrement (allégrement) é. Les jeunes enfants ont bien de la peine avec l’imparfait (imparfé) : j’étais s’écrit j’été.
Allons sabrait le champagne comme on dit chez les snobs du 16ème ! Merci.
RR.

    Bonjour Roche, j’en sais quelque chose, je suis d’origine marseillaise et je disais aussi du lait, « lé » ;-). Depuis que je vis à Paris, je dis du lait, « lè ». Bonne journée !

J’ai bien aimé votre conclusion ! « Quelle orthographe a votre préférence » ou « préfèrence » ? À quand le débat pour préférer/préfèrence, qui me semble hériter du même dilemme ?

    Bonjour Zephir, pour ma part, je préfère l’orthographe qui est conforme à la prononciation, d’où « évènement ». En revanche, il n’y a qu’une orthographe pour le nom « préférence », avec deux accent aigus, tout comme le verbe « préférer ». Bon week-end.

Avant 1993, j’écrivais évènement. Puis j’ai eu en terminale un prof de maths tant génial que puriste (marié à une prof de français si ma mémoire est bonne) qui nous a rappelé l’orthographe d’origine (c’était en cours de probas, où des événements, on en compte à la pelle).
Comme on est à cet âge versé vers les absolus, j’ai gardé ce sens puriste. J’ai même du mal à écrire l’orthographe réformée.

    Bonjour Knut le vengeur, je comprends très bien que vous puissiez être ainsi « tiraillé ». Il n’en demeure pas moins que l’orthographe « évènement » est conforme à la prononciation et en harmonie avec « avènement ». Bonne journée.

Bonjour,
Malgré les explications, je reste interrogatif sur l’usage de événement.
Comme j’ai toujours prononcé le e de événement et non pas évèn’ment, je l’ai toujours écrit événement.
Et de ce fait, j’ai toujours mangé, certainement à tort, le e de avènement (avèn’ment).
L’élision du e est peut-être un début de réponse à cette différence d’écriture.
Qu’en pensez-vous ?
Cordialement.
Eddy (sans accent)

    Bonjour Eddy, je ne crois pas que le second « e » de avènement se « mange » plus que celui de événement ou évènement. Avénement a été « corrigé » lors des rectifications orthographiques de 1878 (https://fr.wikipedia.org/wiki/Réforme_de_l%27orthographe_française_de_1878), événement semble avoir été « oublié » pendant plus d’un siècle, en tout cas jusqu’en 1979, date à laquelle la forme évènement apparaît dans le dictionnaire. Il n’y a souvent pas vraiment de cause « logique ». Certains mots passent tout bonnement à la trappe. C’est le cas d’oignon, par exemple, alors que l’on écrit c(h)ampagne ou montagne (et non c(h)ampaigne ou montaigne, sauf pour l’écrivain), depuis belle lurette ! Bon après-midi.

    Bonjour Olga, je ne comprends pas le lien entre votre message et le sujet de l’article (événement / évènement). Bon après-midi.

Vous ne nous dites pas pourquoi ces mots s’écrivaient précédemment avec un accent aigu. Ainsi, on écrivait en 1817: « Elle se lève de son siége. » Serait-ce parce qu’il y avait alors une légère nuance d’ouverture, dans le son é ?…

    Bonsoir (c’est plus poli de se saluer, non ?), c’est la réforme orthographiques de 1878 qui est venue corriger la prononciation désuète que vous indiquez. Certaines graphies avec é sont remplacées par è, notamment devant g : collége, Liége, siége ; mais aussi avénement ou dans la conjugaison du verbe abréger : j’abrège. L’ancien usage est resté dans la forme invertie de la 1re personne du singulier de l’indicatif présent : aimé-je, puissé-je ; ou dans le mot événement. Ces dernières rectifications ont eu lieu en 1990. Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Réforme_de_l%27orthographe_française_de_1878.

L’expression juste est de « sabrer le champagne », puisqu’il s’agit d’ouvrir la bouteille à l’aide d’un sabre. Rien n’empêche cependant de le boire sur le sable ! 😉

    Bonjour Isabelle, les deux expressions « sabler le champagne » (boire du champagne pour célébrer un événement) et « sabrer le champagne » (faire sauter le goulot de la bouteille d’un coup sec avec le bord non tranchant d’un sabre ou de tout objet similaire) existent. Bonne journée.

    Bonjour Cantabile, pas forcément, puisque la graphie « évènement » est apparue bien avant les rectifications de 1990. Comme indiqué dans l’article : « Elle a été admise par l’Académie française dès 1979, ce qui suppose un emploi bien antérieur, en particulier dans la littérature. » Bonne journée.

    Bonsoir Marie-Pierre, chaque fois que, dans le cadre d’un pluriel de majesté ou de modestie, un « nous » est mis pour « je », adjectifs et participes qui s’y rapportent restent au singulier, au contraire du verbe. Ainsi votre amie écrira-t-elle : « Nous nous sommes aperçue… ». Bonne soirée et bon courage à elle pour le mémoire.

Bonjour,

L’orthographe « évènement » parait plus « logique » (c.f. « avènement ») et rien que la diction associée est plus agréable à l’oreille.
A mon sens. 🙂

Et vous, quelle orthographe a votre préférence ?
_____________________
« événement », sans hésitation.
Y compris pour la prononciation, d’ailleurs !

Sans doute mon côté réac…

    événement a ma préférence, tant pour la prononciation que pour le fait que dans mon Larousse édition de 1959, c’est la seule orthographe proposée. C’est ainsi que je l’ai mémorisé, et l’usage est presque toujours une déviation. Les médias ne sont pas une référence dans ce domaine!