Le mot juste : été indien ou arrière-saison ?

Souvent pris pour de parété indienfaits synonymes, ces termes sont utilisés dans un contexte qui n’est pas toujours adéquat. Rétablissons la vérité sans plus attendre : non, l’été indien et l’arrière-saison ne désignent pas le prolongement de l’été après la rentrée de septembre. Il faut s’aventurer un peu plus tard dans l’année pour utiliser correctement l’une ou l’autre de ces expressions. Pour que vous sachiez les placer à propos dans une conversation, nous avons fait pour vous le tour de la question.

L’été indien, quelques beaux jours en automne

Traduction de l’anglais Indian Summer, l’été indien caractérise une période de beaux jours en automne. On l’observe le plus souvent entre le début du mois d’octobre et le milieu du mois de novembre, après une période de gel. Attention, les critères de l’été indien sont stricts. Par exemple, les températures doivent être au moins trois jours d’affilée 5 °C au-dessus des normales de saison. C’est Joe Dassin qui, dans sa chanson L’Été indien de 1975, a popularisé le terme en France, tout en insistant sur sa spécificité nord-américaine : « C’était l’automne, un automne où il faisait beau. Une saison qui n’existe que dans le nord de l’Amérique. Là-bas on l’appelle l’été indien. » Il est vrai que l’expression « été des Indiens » nous vient du Québec, au Canada. Elle a remplacé l’été des Sauvages, où « Sauvages » désignait, jusqu’au XIXe siècle, les autochtones américains. Le phénomène en tant que tel a beau ne pas exister en Europe, les Français nommaient cette période de redoux automnal « été de la Saint-Martin ». Mais c’était avant l’intervention de Joe Dassin ! Désormais, l’été indien s’est installé dans notre vocabulaire et concurrence l’arrière-saison…

L’arrière-saison, un redoux plus tardif et plus durable

 À l’origine, l’arrière-saison couvrait l’automne, mais aussi la fin de l’automne et le commencement de l’hiver. Difficile de trouver une acception plus large que celle-ci, qui englobe une saison et une partie de la suivante ! Aujourd’hui, on situe plutôt l’arrière-saison à la fin de l’automne, cette période se caractérisant par un ensoleillement et une douceur presque estivale. Parfois, elle se prolonge même au-delà du 21 décembre, ce qui ne fait pas le bonheur des skieurs. Mais attention au retour de bâton ! Comme dit le dicton, « Noël au balcon, Pâques au tison »… Dans l’agriculture, l’arrière-saison qualifie la fin d’une saison agricole, juste avant la nouvelle récolte. En parlant du blé et du vin, l’arrière-saison couvre les derniers mois qui précédent la récolte et les vendanges suivantes. Quant aux fruits d’arrière-saison, ils ne sont bons à manger qu’à la fin de l’automne, voire au début de l’hiver. La poire bon-chrétien et la pomme reinette sont des fruits d’arrière-saison.

Conclusion

Outre la distinction géographique – l’été indien étant, au sens strict du terme, un phénomène nord-américain –, les deux expressions diffèrent par la période qu’elles couvrent. L’été indien se produit en automne et dure rarement plus de quelques jours tandis que l’arrière-saison peut continuer après le début de l’hiver. Notons qu’elles ont toutes deux un emploi figuré. L’été indien est une période favorable qui surprend en se présentant inopinément quand on ne l’espérait plus. L’arrière-saison est le commencement de la vieillesse. C’est ce sens que l’on retrouve dans les paroles de cette chanson de Sheila : « Une arrière-saison avec toi, c’est tout ce que j’attends, c’est tout ce qui me va ; une arrière-saison dans tes bras, c’est tout ce que j’espère, c’est toujours avec toi » (Une arrière-saison, 2012). Amusant que ces deux expressions aient chacune leur chanson ! Reste à savoir si nous connaîtrons cet automne un été indien ou une arrière-saison… Pour l’instant, en tout cas dans la moitié nord de la France, les manteaux et les écharpes ne semblent pas décidés à regagner leurs penderies !

Sandrine Campese

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Puisqu’on reste sur les chansons, je vous rappelle la tonique chanson de Jean Ferrat intitulée justement :
 » A l’été de la Saint Martin »

Était-ce soir ou bien matin
Comme à l’arbre une fleur se penche
Elle était lundi et dimanche
A l’été de la Saint-Martin

Encore une histoire d’amour durant cette arrière-saison…

    Bonjour Paul, et merci pour cet ajout pertinent !
    Si l’on récapitule, nous avons :
    – l’été indien de Joe Dassin,
    – l’été de la Saint-Martin de Brassens (chanson intitulée Saturne),
    – l’été de la Saint-Martin de Ferrat,
    – l’arrière-saison de Sheila.
    Une période de redoux en effet très propice à l’exaltation des sentiments !
    Bonne journée.

Dommage de ne pas avoir cité Brassens qui a si bien utilisé l’été de la Saint-Martin dans une de ses plus belles chansons « Saturne ». Personnellement, je reste un tenant de cette appellation, et laisse l’été indien aux autochtones et « Les gondoles à Venise ».

« Viens encore, viens ma favorite,
Descendons ensemble au jardin
Viens effeuiller la marguerite
De l’été de la Saint-Martin ».

    Bonsoir Chambaron, c’est toujours un plaisir de lire vos interventions. J’ai cité Dassin et son été indien, j’ai cité Sheila et son arrière-saison, mais vous avez raison, j’ai oublié de citer Brassens et son été de la Saint-Martin. Merci d’avoir réparé cet oubli. Belle soirée !

    Bonsoir Xavier, l’intersaison a un sens plus large. D’après Larousse, c’est une « période qui se situe entre deux saisons, sur le plan de la mode, du sport, du tourisme ». Bonne soirée.