Cénobite, jaculatoire, nyctalope : ces mots « coquins » qui ne le sont pas !

Certains mots de la langue française ont des sonorités qui rappellent d’autres mots. C’est ce que le poète argentin Jorge Luis Borges appelle « les sens latéraux ». Qu’on le veuille ou non, notre esprit convoque ces mots aux harmonies voisines, pour produire un effet d’association, souvent léger et cocasse. Sans plus attendre, « éveillons les sens » grâce à une quinzaine de termes qui évoquent, bien malgré eux, le sexe et la sexualité.

Bitte

Avec ses deux « t », « bitte » est un terme de marine qui nous vient de la langue nordique. C’est la pièce verticale placée sur le pont d’un navire ou sur un quai autour de laquelle on enroule les câbles. Dans sa chanson Dès que le vent tournera, Renaud chante « Assise sur une bitte d’amarrage, elle pleure ». Attention, l’allemand bitte signifie « s’il vous plaît » !

Cénobite

Issu d’un mot grec signifiant « vie en commun », cénobite désigne un moine vivant en communauté, mais aussi un grand crustacé de la famille des bernard-l’ermite.

Chattemite

Une chattemite est une personne qui affecte des manières douces et modestes pour tromper son entourage. À noter que le mot mitte désignait également la chatte en ancien français.

Cucurbite

Issue de cucurbita, « courge », la cucurbite est la partie inférieure de l’alambic, récipient servant à distiller. De même origine, la cucurbitacée est une plante de la famille de la courge (melon, concombre…). Précisons que les cucurbitacées ont une tige molle, toujours couchée ou grimpante…

Cuniculture

 La cuniculture (ou cuniculiculture), du latin cuniculus (lapin), désigne l’élevage de lapins domestiques. À noter qu’en ancien français conil ou conin signifiait « lapin ».

Jacobite

Un jacobite est un adepte du jacobitisme, mouvement politique qui soutenait le roi Jacques II après la seconde révolution d’Angleterre de 1688. Pourquoi « jacobite » ? Parce qu’en latin « Jacques » se dit Jacobus.

Jaculatoire

Une oraison jaculatoire est une prière courte et fervente qu’on adresse au ciel. L’adjectif vient du latin jaculari (lancer).

Phallus impudique

Le phallus impudique (ou Phallus impudicus) est un champignon dont la forme évoque celle d’un pénis en érection. Il dégage une odeur putride, d’où son second surnom de « satyre puant ».

Presbyte

Le presbyte, du grec presbus (vieux, ancien), ne voit que de loin. De même origine, le presbytère est la maison du curé. Voir plus bas : nyctalope.

Profès

Le profès (professe au féminin) est celui ou celle qui a fait les vœux par lesquels on s’engage dans un ordre religieux. Le nom vient du latin professus, « qui déclare ».

Putatif

Ce qui est putatif est supposé être, à tort ou à raison. Surtout employé en droit (enfant putatif, mariage putatif…), l’adjectif est issu du verbe latin putare, « supposer ».

Nyctalope

Le hibou est nyctalope et pour cause, il voit la nuit. Du grec nux, nuktos (nuit) et ôps (vision) qui a donné « optique ».

Nycthémère

Espace de temps comprenant un jour et une nuit (24 h) et correspondant à un cycle biologique. Le nom vient du grec nux, nuktos (nuit) et hêmera (jour) que l’on retrouve dans « éphémère », littéralement « qui ne vit qu’un jour ».

Téton de Vénus

Le téton de Vénus désigne tout à la fois une variété de pêches et de tomates à la forme pointue. C’est aussi un sommet culminant à 1 669 mètres dans les monts du Cantal.

Teutons

Ancien peuple germanique qui a envahi la Gaule. Leur nom n’a rien en commun avec le téton : il est issu de l’indo-européen teut? qui signifie « tribu ». Littéralement donc, les Teutons sont « ceux de la tribu ».

Verge d’or

La verge d’or est une plante médicinale également connue sous le nom de Solidago qui signifie « je consolide, je cicatrise ». En effet, la verge d’or favoriserait la guérison des plaies. On ignore cependant pourquoi le naturaliste Linné lui a donné ce nom.

Verge noire

L’huissier à la verge noire est une personnalité du monde parlementaire dans plusieurs pays du Commonwealth. Ici, « verge » s’entend au sens de « bâton ». D’ailleurs, au Canada, l’huissier à la verge noire a été rebaptisé « huissier du bâton noir ».

Et après les vilaines pensées inspirées par ce billet, il ne reste plus qu’à aller… à confesse !

À lire également : Le sens caché des mots (ou langue des oiseaux)

Sandrine Campese

Crédit photo : Fotolia

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Une petite place aussi à ce coquin de « spermophile »…petit écureuil d’Amérique du Nord. le mot signifie qui aime les graines, de « sperma », graine et « philein » aimer.

Concernant l’adjectif « putatif », il explique pourquoi en Espagne, les prénommés Joseph sont souvent surnommés Pépé. En effet, sur les gravures ou statues représentant Joseph, le mari de Marie, mère de Jésus, son prénom était toujours suivi des initiales P.P. pour Père Putatif (Padre putativo en espagnol) et donc les Joseph sont ainsi souvent encore aujourd’hui surnommés Pépé…
Joseph, le frère de Napoléon, désigné pour régner sur l’Espagne après sa conquête par les armées françaises était ainsi surnommé Pépé Botella (bouteille), car il avait une franche inclination pour la dive bouteille…et fût honnis par les espagnols en raison de la répression qu’il leur fit subir…

Tous mes égards pour vos publications qui nous tiennent alertes quant aux caprices, écueils, attributs et beauté de la langue française. Il n’y a que vous, ce matin, pour m’éclairer sur ce qui suit:
« À la mémoire de mon père qui m’a montré à danser » (expression du Québec) . Est-ce que cette phrase devrait être remplacée par « En souvenir de mon père qui m’a appris la danse », « en mémoire de » étant, peut-être un anglicisme?

Il serait dommage de ne pas faire une place dans ce florilège égrillard au mot « branle ».
Mot de vieux français (XIIe siècle) pour désigner le mouvement en général, il en vint à qualifier plus tard et plus précisément un déplacement oscillatoire. À la Renaissance, il devient le nom évocateur d’une danse de cour très courante et passe dans le vocabulaire marin pour désigner le hamac des matelots (on comprend bien la notion de va-et-vient ). Cela nous explique pourquoi le matin, ils mettaient leur branle bas (le démontaient), et que les jours de bataille on décrétait le « branle-bas de combat » : les literies servaient alors de protection contre les éclats aux embrasures de la coque. Le mot subsiste aussi dans l’expression « se mettre en branle » que chacun entendra à sa façon…