Les tics de langage : les repérer et s’en débarrasser

À fond… Du coup… Tu vois… Genre… Grave… En fait… Carrément ! Les tics de langage sont légion. Ils ont surtout tendance à agacer l’auditoire, voire à rendre ridicule celui qui en abuse tant ils peuvent être insupportables et nuire au sens et à la crédibilité de notre propos. Ils n’existent pas qu’en français, bien entendu : l’anglais, par exemple, a ses tics de langage (likeI meanbasicallyright…). Mais c’est bien à la belle langue de Molière que s’intéresse cet article. Nous vous donnons ci-dessous une liste des tics de langage les plus courants et leur signification, avant de vous conseiller quelques expressions de remplacement pour soigner votre discours.

Les tics de langage : les repérer et s’en débarrasser

Sommaire :

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Qu’est-ce qu’un tic de langage ? 

Un tic de langage une expression machinale que l’on contracte souvent sans s’en apercevoir. « Euh… » est probablement l’exemple le plus classique : cette petite expression peuple nos discours sans que l’on s’en rende vraiment compte. Que permet-elle ? Un temps de respiration, peut-être. Mais elle montre surtout que l’orateur hésite et cherche ses mots !

Un tic de langage peut aussi être un mot « béquille » ou « tuteur » : il sert à combler (inutilement) le discours. C’est le cas du “et voilà”, que l’on entend parfois à la fin d’une démonstration. Le tic de langage peut également répondre à une forme de mode, et donc permet de s’identifier à un groupe social. Une classe d’âge ou une catégorie socio-professionnelle a ainsi des tics de langage qui lui sont propres. 

Méfions-nous de ces expressions convenues. Elles sont parfois fausses d’un point de vue grammatical, et elles peuvent ennuyer l’auditoire. Elles peuvent aussi laisser penser que celui ou celle qui parle manque d’assurance. Il semble pertinent de s’en débarrasser autant que possible. 

Les tics de langage les plus courants 

Pour marquer une conclusion 

Voilà 

Il s’agit d’un adverbe qui permet d’attirer l’attention sur une chose ou un événement, mais également de marquer la conclusion : et voilà, ça s’est passé comme ça. Sauf que ce petit mot est (trop) souvent utilisé pour conclure un propos ou passer la parole à une autre personne. Employé ainsi en fin de phrase, le mot n’a guère de sens (si ce n’est pour marquer une constatation souvent un peu ironique). Préférez, si possible, une explication ou, si vous souhaitez que quelqu’un rebondisse sur vos propos, optez pour le classique, mais efficace « Qu’en pensez-vous ? » 

Voili voilou 

Variante du précédent. Cette expression sert également à conclure un propos, de manière gentille ou affectueuse. On l’emploie avec des amis, des proches. Mais, de même que dans le cas précédent, mieux vaut privilégier une explication… ou se passer de ces deux termes qui sont, de surcroît, inexacts en français ! 

Au final 

Il s’agit également d’une expression qui semble être une traduction (bancale) du latin in fine. Elle permet de tirer un enseignement de ce que l’on vient de dire : au final, je pense que ce n’est pas une bonne idée. Préférez l’un des termes suivants : en conclusion, en dernier lieu, au bout du compte… 

Point barre 

Cela signifierait : il n’y a rien à ajouter. Une manière expéditive de finir son propos. Historiquement, cette barre pourrait venir des messages télégraphiques : elle indiquait alors que le message en question était terminé. Utilisez plutôt : « Je n’ai rien à ajouter. », « Cette discussion est terminée. » ou « Tout a été dit. »

Bref 

On utilise ce petit mot – né de l’adjectif latin brevis qui signifie court – pour revenir à l’essentiel ou au propos qui nous intéresse : il a fait la vaisselle, le ménage, la cuisine… bref, il s’est occupé de tout ! La série populaire Bref a grandement popularisé ce terme en même temps qu’une certaine manière de faire des résumés ou des synthèses. Il n’est pas inexact, mais il convient de modérer son utilisation et surtout de l’utiliser de manière adéquate. Il ne doit pas servir, notamment, pour passer d’une discussion à une autre ou pour montrer que le sujet en cours ne vous intéresse pas ! 

Pour insister 

Juste 

Ce « juste » a tendance à se glisser partout pour créer une accentuation, une exagération ou une aggravation : ce n’est juste pas possible, c’est juste démentiel… Laissez ce tic de langage au placard, il n’a rien à faire dans vos phrases. Si vraiment vous tenez à insister, dites plutôt : « Ce n’est absolument pas possible, c’est absolument démentiel… »

Grave 

Comme « juste », le mot est utilisé pour accentuer son propos : il était grave bien, ce bouquin ! Il sert également à marquer son approbation. « Tu es d’accord ? – Mais grave ! » Bien… reprécisons le sens de ce mot. Cet adjectif, qui nous vient du latin gravis (lourd), signifie : qui est d’une grande importance, ou qui a des conséquences fâcheuses. Il a donné son nom à un film : Grave, de Julia Ducournau, en 2016. Mais dans le langage courant, et plus encore à l’écrit, on s’en passe. On peut dire : ce roman était très bien (et non pas « grave bien… » ou « gavé bien », sa version du sud-ouest !) et dire qu’on est parfaitement d’accord avec autrui (et non « grave d’accord »). 

C’est énorme 

Rien d’incorrect dans cette expression, mais on a tendance à l’utiliser « à toutes les sauces » pour faire savoir que quelque chose est fabuleux, extraordinaire, hors norme… On prendra soin d’utiliser l’adjectif adéquat : c’est beau, c’est magnifique, etc. 

Génial 

Encore un mot correct, mais qu’on utilise trop souvent. N’oublions pas que cet adjectif désigne ce qui a du génie, ou ce qui est inspiré par le génie. Mieux vaut privilégier, là encore, l’adjectif adéquat : une personne n’est pas forcément géniale, elle peut être talentueuse, exemplaire, faire un travail remarquable, etc. 

À fond 

Vous êtes à fond ou « à donf » ? Oui, car l’expression est utilisée aussi en verlan. Eh bien dorénavant, dites plutôt que vous êtes motivé, c’est préférable ! 

Les tics de langage

Pour enchaîner son propos 

Du coup 

Oh ! que l’on voit et entend souvent cette expression ! Elle sert à introduire une conséquence. Malheureusement, elle est très souvent inexacte, comme le rappelle l’Académie française. Il est indispensable de vous exprimer autrement… et cela tombe bien, les expressions ne manquent pas : en conséquence, de ce fait, donc, par conséquent… 

Donc 

Il s’agit d’une conjonction de coordination (même si les grammairiens sont divisés sur la question) qui établit une conséquence. Ainsi, il n’est pas incorrect d’utiliser ce petit mot, plutôt élégant par ailleurs… mais attention, on a tendance à s’en servir plutôt comme d’une sorte de mot de liaison ou, pire, à le placer en début de phrase pour introduire son propos. Si tel est le cas, utilisez plutôt : « J’entame mon propos… », « Débutons. », etc. Dans tous les autres cas, prenez garde à ce qu’il marque la conséquence. 

En fait 

Il s’agit d’une locution adverbiale signifiant : réellement, vraiment ou contrairement aux apparences. Trop souvent, on utilise cette expression pour débuter son propos ou en lieu et place de « mais ». Or on devrait utiliser « en fait » uniquement dans les sens mentionnés ci-dessus, comme le rappelle l’Académie française

Enfin 

Ce mot est un adverbe qui signifie : au terme d’une longue attente ou en dernier lieu. Trop souvent, on l’utilise pour ponctuer nos prises de parole : et… enfin, vous voyez ce que je veux dire. Mieux vaut tout simplement s’en passer dans ce cas, car il ne sert alors à rien. 

Si vous voulez 

Rien de faux là-dedans : nous boirons un café si vous voulez (synonyme de si vous le désirez ou si cela vous convient). Néanmoins, on utilise souvent « si vous voulez » en lieu et place de « si vous me permettez de dire cela ». Préférez dans ce cas : « Passez-moi l’expression. » La formule peut aussi laisser entendre qu’on ne maîtrise pas ce que l’on raconte et qu’on laisse l’autre décider de ce qu’il faut comprendre. Dans ce cas, mieux vaut s’en passer. 

Pour marquer son approbation 

C’est clair 

L’expression signifie que les explications sont limpides, qu’il n’y a pas besoin d’en dire davantage pour comprendre… et pourtant, elle est utilisée à mauvais escient, pour signifier que l’on est d’accord avec son interlocuteur. Ce joueur a vraiment été mauvais ! C’est clair ! On devrait dire dans ce cas que l’on est d’accord, que cela ne peut faire l’objet d’aucune contestation. 

Carrément 

Dans la même veine que le cas précédent, on trouve ce « carrément », adverbe qui signifie : de façon nette, sans détour. Mais il est (trop) utilisé en lieu et place de « tout à fait ». « Je l’ai trouvé bon dans le rôle du méchant. – Tout à fait ! »

Ça marche / On fait comme ça 

On utilise beaucoup ces expressions pour marquer son adhésion. Privilégiez : « C’est entendu. », « Je suis d’accord. » ou « Je m’en occupe… »

Pas de souci 

Bien entendu, on peut dire et redire qu’il n’y a pas de souci (qu’on prendra soin de laisser au singulier). Mais veillons à ne pas en abuser. 

Pour marquer son admiration ou sa surprise 

Mais non ! 

Mais si, cette expression est correcte. Elle est utilisée pour marquer un étonnement profond : mais non, il n’a pas fait ça ? Vous pouvez très probablement faire mieux que ça ! Par exemple, utilisez : « Soyons sérieux ! », « Ce n’est pas possible… », etc.

Trop bien 

Vous pouvez certainement trouver mieux que cette expression pour signifier votre admiration. 

C’est hallucinant 

Quoique familière, cette expression est correcte. Elle est évidemment métaphorique. Cependant, il est vivement conseillé d’en utiliser d’autres, selon les circonstances : c’est effarant, c’est exaltant, c’est fabuleux, c’est extraordinaire… 

Je suis choqué 

On l’entend parfois. L’expression semble plutôt signifier pour celui ou celle qui l’emploie qu’il ou elle est particulièrement surpris ou surprise. Rappelons toutefois qu’une personne choquée, au sens littéral, a subi un traumatisme, une commotion… Il est donc très exagéré – et peu recommandé – d’affirmer à tort et à travers qu’on est choqué. Vous pouvez être surpris, étonné, etc. 

Les tics de langage

Pour argumenter ou convaincre 

Vas-y 

Le verbe « aller » à l’impératif semble suggérer de se rendre quelque part, mais cette expression est plutôt utilisée pour insister lorsque l’on tente de convaincre quelqu’un : « Vas-y, viens avec moi ! » Il est dès lors préférable d’en utiliser d’autres : « J’insiste, je te le redis… »

En vrai 

Craint-on tant de mentir que l’on se croit obligé de multiplier ces « en vrai » dans nos phrases ? Le fait est que ce n’est souvent pas utile, même si, ce faisant, on pense sans doute très sincèrement convaincre plus facilement son interlocuteur. 

Je vais être clair 

Pourquoi marteler le fait que l’on va être clair ? Ne l’est-on pas d’habitude ? Rien que pour cette raison, ce tic de langage est à éviter, de même que « Je vais être honnête ». À la limite, préférez : « Parlons sans détour… » si vous souhaitez asséner une vérité de manière un peu brutale. 

J’ai envie de dire 

On a envie de le dire ? Mieux vaut peut-être le dire, tout simplement… et ne pas utiliser ce genre de formule. 

Je dis ça, je dis rien 

Certes, mais vous l’avez dit quand même. Mieux vaut donc se passer de cette expression, ou lui préférer : « Je n’ai pas peur de le dire » ou une expression similaire. 

Quelque part 

« Quelque part, il n’a pas tort… » Combien de fois a-t-on entendu cela ? Il faut préférer les expressions adéquates : d’une certaine manière, concernant tel ou tel aspect du problème, etc. « Quelque part » désigne un lieu. 

Vous voyez ce que je veux dire 

L’expression n’est pas fausse (quoique figurative, car, la plupart du temps, votre interlocuteur ne voit pas, justement). Elle induit un certain flou, car, précisément, on a peut-être manqué de précision au préalable, puisque l’on a besoin de faire appel à l’imagination de la personne qui écoute. Mieux vaut sans doute être plus efficace dans une explication que de s’en remettre à ce « Vous voyez de ce que je veux dire ». 

Entre guillemets 

L’expression indique qu’on ne prend pas à son compte une affirmation, ou que l’on souligne l’ironie de son propos. Elle n’est pas fausse, mais doit être employée avec prudence et à bon escient. 

Un petit peu 

« À présent, je vais laisser la parole à ma collègue qui va un petit peu nous parler de son bilan. » Ici, « un petit peu » est un mot d’excuse qui sous-entend : « Ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas long. » Les propos sont minimisés, et ce, avant même que ladite collègue n’ait eu le temps d’ouvrir la bouche ! Laissez donc cette expression au placard.

Les tics de langage

Pour montrer que l’on parle de manière franche 

On ne va pas se mentir 

L’expression est utilisée pour signifier que l’on va parler sans détour. Mieux vaut toutefois ne pas le faire savoir de cette manière : on semble dire que, le reste du temps, on peut mentir, ce qui n’est évidemment pas très courtois. 

J’avoue 

L’expression ainsi utilisée signifie « Je suis bien d’accord. » ou « Je le reconnais.» Elle sert à se ranger du côté de celui ou celle qui parle. Il va sans dire qu’il faut éviter à tout prix ce « J’avoue… » ! Marquez plus clairement votre accord ou votre désaccord, les mots pour cela ne manquent pas. 

Bien sûr 

Bien sûr, on peut utiliser « bien sûr ». Mais pas à l’excès. 

Complètement 

Le mot remplace trop souvent « absolument » ou « assurément ». Sauf pour dire que tel ou tel contenant est « complètement » rempli, bannissez-le ! 

En vérité 

Un peu « christique », cette expression, pas vrai ? « En vérité, je vous le dis… » Prenez garde à ne pas trop l’utiliser, au risque de faire passer les précédentes prises de parole pour des mensonges.  

Pour expliquer 

Tu vois 

Variante de « Vous voyez ce que je veux dire ». Vous pouvez très facilement l’éviter.  

Au jour d’aujourd’hui 

Oh le beau pléonasme ! Dites « aujourd’hui », tout simplement, « de nos jours », ou « actuellement ». Mais certainement pas « au jour d’aujourd’hui ». 

De base, à la base 

Une expression fourre-tout qui peut signifier : au départ, au début, au commencement, d’abord, en premier lieu… Préférez l’un de ces termes, selon le cas.  

C’est pas faux 

Une réplique devenue presque mythique grâce à la série Kaamelott d’Alexandre Astier ! Perceval, l’un des chevaliers de la Table ronde, utilise fréquemment l’expression quand il ne comprend pas ce qu’on lui dit, ce qui lui permet, pense-t-il, d’éviter de faire remarquer son incompréhension. Très souvent, on utilise cette concession pour mieux asséner un argument contraire. Préférez dans ce cas : « Certes, mais… » ou « Je vous le concède, cependant… »

En mode 

Comme, à la manière de…  Voilà ce que signifie ce « en mode », que l’on évitera donc soigneusement.

Les tics de langage

Se débarrasser des tics de langage 

Identifiez vos tics de langage 

Ce n’est pas l’étape la plus difficile. Vos amis, vos connaissances vos collègues… nombre d’entre eux ont sans doute repéré vos tics de langage. Faites-en une liste, puis écrivez, en face de chacune de ces expressions, ce que vous pourriez dire. 

Enregistrez-vous ! 

Et pourquoi pas, après tout ? On n’est jamais mieux servi que par soi-même, selon un dicton célèbre. Enregistrez-vous ou même, filmez-vous. Vous repérerez ainsi plus facilement vos tics de langage et il vous sera ensuite plus facile de les éliminer. 

Acceptez le silence

Comme vu en introduction, certains tics de langage servent à combler le silence qui peut avoir un aspect effrayant. La solution est simple : acceptez-le ! Ce n’est pas grave si vous réfléchissez pendant quelques secondes ou si vous reprenez votre souffle. Avec un peu d’expérience, vous verrez que le silence pourra même devenir votre allié lorsque vous vous exprimerez. 

Soyez plus à l’aise en expression 

Être plus à l’aise en expression peut s’avérer très utile pour éviter les tics de langage. En ayant plus de mots à sa disposition, on peut varier les expressions et les tournures. Découvrez le  parcours Expression du Projet Voltaire ! 

J’améliore mon expression grâce au Projet Voltaire.

Adaptez votre rythme 

Prendre la parole devant un public n’est pas chose aisée. Trop souvent, on a tendance à parler vite pour en finir rapidement avec la pression d’être face à des personnes qui nous écoutent parler. Les tics de langage viennent alors se glisser dans nos propos. Alors… du calme ! Respirez lentement. Forcez-vous à parler plus lentement, à sourire, à regarder vos interlocuteurs aux moments opportuns. Et, comme indiqué plus haut, imposez-vous des silences. Les tics de langage disparaissent alors en grande partie, car vous ne ressentez plus le besoin de « meubler » votre discours. 

Regardez des pièces de théâtre 

La meilleure école pour apprendre à bien parler est peut-être bien le théâtre. Les acteurs ne récitent pas leur texte, ils jouent. Regardez quelques pièces de théâtre : cela peut vous inspirer au moment de prendre la parole. Vous pouvez vous entraîner face à un miroir. Dès lors que vous serez plus à l’aise, vous éviterez plus facilement tous les mots et expressions qui parasitent votre discours. 

Soyez patient 

On ne devient pas orateur du jour au lendemain. Aussi, ne vous attendez pas à vous débarrasser de vos tics de langage sans batailler un peu. Il vous faudra vous entraîner. Faites preuve de patience et soyez indulgent avec vous-même. Lentement, mais sûrement, vous y arriverez !

Sandrine Campese, avec l’équipe du Projet Voltaire

Lisez également sur ce blog : comment améliorer son français ?

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