Tics de langage : les identifier pour mieux s’en débarrasser

Ils servent à meubler nos silences, à masquer notre embarras, à gagner du temps, à camoufler nos mensonges. Des conversations anodines aux réunions professionnelles, en passant par les médias, les tics de langage sont partout. En plus d’être inélégants, ils rendent notre discours obscur et propice aux malentendus. En apprenant à les identifier, chez nous et chez les autres, ces mots parasites ne seront bientôt qu’un lointain souvenir !

Les tics qui minimisent
Ils édulcorent nos propos, soit parce qu’on ne les assume pas, soit parce qu’on veut ménager son audience.

Un petit peu : « À présent, je vais laisser la parole à ma collègue qui va un petit peu nous parler de son bilan. » Ici, « un petit peu » est un mot d’excuse qui sous-entend « ne vous inquiétez pas, ce ne sera pas long ». Les propos sont minimisés, et ce avant même que ladite collègue ait eu le temps d’ouvrir la bouche !

Je dis ça, je dis rien : « Tu devrais retirer l’herbe de Provence coincée entre tes dents avant d’aller à ton rendez-vous. Enfin, je dis ça, je dis rien ! » Ici, le locuteur décrédibilise sa parole alors que celle-ci relève du bon sens et même de la nécessité. Un peu de courage, que diable ! Variante tout aussi agaçante : « ou pas ».

Les tics qui convoquent
Ils prennent à témoin l’interlocuteur, l’associent à ce qui est en train d’être dit et, dans le même temps, désengagent le locuteur.

Si vous voulez : « Je pense, si vous voulez, que la situation économique de la France nécessite, si vous voulez, d’employer les grands moyens. » La formule suppose qu’on ne maîtrise pas ce qu’on raconte et qu’on laisse l’autre décider de ce qu’il faut comprendre. La réponse qui démange : « Je ne veux rien, je vous pose juste une question. »

Tu vois : Ce tic, très en vogue chez les personnes dites « visuelles », permet de vérifier que l’interlocuteur est attentif et qu’il valide les propos tenus. Souvent, « tu vois » ne sert qu’à ponctuer la phrase, à la manière d’un point. Ne pas hésiter à rebondir : « Non, je ne vois pas. »

Les tics qui concluent
Pas facile de trouver une chute, surtout à un discours improvisé. (Mal)heureusement, les « conclusiophobes » ont trouvé leurs alliés :

Voilà : « J’ai fait mes études à Oxford, j’ai travaillé trois ans dans l’humanitaire, j’ai deux canaris et un lapin nain. Voilà. » Voilà quoi ? Par définition, quelqu’un qui emploie « voilà » pour conclure ne veut pas se mouiller. Il dit en substance à son interlocuteur : « Je te balance tout ça, tu en fais ce que tu veux, débrouille-toi ! » Et si l’on faisait le travail jusqu’au bout ? « Voilà pourquoi je pense avoir toutes les qualités pour rejoindre votre entreprise… »

C’est clair : Autre expression sortie tout droit du vocabulaire des visuels, « c’est clair » permet d’approuver les propos d’autrui et équivaut à « évidemment », « assurément ». Gare aux associations malheureuses : « – On n’y voit rien ici ! – C’est clair. »

Maintenant que vous les avez identifiés, le meilleur moyen de se débarrasser des tics de langage est d’aller à l’essentiel (dites « oui » quand c’est « oui » et « non » quand c’est « non »), d’utiliser des synonymes et de ne pas craindre les silences. Bien sûr, il faut pratiquer, s’entraîner à l’oral, encore et encore, jusqu’à ce que la communication devienne aussi limpide qu’agréable !

 Sandrine Campese

Articles liés

Répondre à louel Annuler la réponse

Laissez un commentaire
*


Les médias tv sont des pros de la com. Pourtant les débats sont truffés de mots parasites.
Effectivement
Bien évidemment
Il est clair que…..
On sait très bien
Etc…..
Au fait c’est qui on ? Rires
En tant que simple commercial j’ai appris à identifier mes mots parasites des les années 80.
Pas les journalistes tv ?

    Bonjour Raphaël, effectivement, il y a toujours eu des tics de langage. Ceux que vous citez ne semblent pas être les plus remarquables, néanmoins, il y en a bien d’autres ! Bonne journée.

Je suis senior et je démarre une relation amoureuse avec un homme senior lui-même qui est merveilleux mais qui dit « donc »tous les trois mots. Cela me fatigue un peu. Comment l’aider ?

    Chère Madame, si cet homme est aussi merveilleux que vous le dites, on lui pardonnera volontiers qu’il use et parfois abuse d’une simple conjonction de coordination. Il a certainement à coeur que ses arguments s’enchaînent avec logique, ce qui part d’une bonne intention. Sinon, il est toujours possible de le lui faire remarquer, avec amour et bienveillance. Qui sait, cela créera peut-être un moment de complicité entre vous :-). Tous nos voeux de bonheur, quoi qu’il en soit !

Bonjour,

Quid du nouveau tic de langage bien en vogue en ce moment, le magnifique « du coup », que l’on peut entendre jusqu’à dix fois par phrase ? Je ne le supporte plus d’autant plus lorsque je me surprends à l’employer. J’essaie de me rabattre sur les synonymes, mais pas évident… Une idée docteur ?

    Bonjour Flo, les synonymes ne manquent pas, du plus courant au plus littéraire, « de fait », « en conséquence », « subséquemment ». Bonne journée.

Bonsoir Sandrine !

Ma meilleure amie ajoute à tout bout de champ lorsqu’elle parle « et tout » ainsi que « tu vois » répétés au minimum deux fois par phrase ! Comment pourrait-elle s’en débarrasser ?

Merci d’avance,

Cordialement.

    Bonsoir Sacha, il n’existe pas de remède miracle, mais il est conseillé :
    1/ d’identifier le tic, souvent à l’aide d’un ami (ce que vous avez fait) et toujours avec bienveillance. L’idée n’est pas d’accabler la personne, mais de l’aider à améliorer son expression orale, à gagner en aisance et en clarté.
    2/ de comprendre pourquoi on l’utilise. Est-ce pour meubler, pour masquer un embarras, par exemple lorsqu’on ignore la réponse à une question ? Est-ce pour convoquer, impliquer son interlocuteur, de peur qu’il se détourne de nos propos ? Il y a toujours une bonne raison d’appeler à la « rescousse » des mots et expressions parasites.
    3/ Une fois qu’on a compris la cause, essayer de régler le problème de fond : gagner en compétence (et donc en assurance) sur les questions qui dérangent, savoir intéresser son auditoire en allant droit au but, en illustrant ses propos, etc. On peut également faire le jeu du « ni oui ni non », en l’adaptant aux tics de langage. Par exemple, vous proposez à votre meilleure amie de tenir une conversation fictive, la règle étant de bannir « et tout » et « tu vois » ! En travaillant sur les causes profondes et en dédramatisant par le rire, les tics devraient s’estomper peu à peu.
    Bonne soirée

Bonjour Sandrine,

Connaissez-vous la signification du tic de langage « Ecoute »?

Quand je téléphone à mon ami et qu’en début de conversation je lui demande si ça va, il me répond systématiquement « ça va, écoute ».

J’ai lu vos explications et il me semble qu’il s’agit d’un tic qui convoque. Cependant j’aimerais en savoir plus.

Merci pour votre réponse.

Bien cordialement,

Isabelle

Dans mon discours, je me surprends à rajouter « quoi! » à de nombreuses phrases. Cela me gêne. Comment me débarrasser de ce tic de langage?
merci

    Bonjour, si vous en êtes conscient, c’est déjà une première étape ! Être à l’écoute de ce que vous dites, tenir des propos concis et diminuer légèrement votre rythme d’élocution vous aideront à vous débarrasser progressivement de ce tic. Bonne journée.

« sûrement », « bien sûr » et autre « pas sûr » auxquels ajouter « certainement ».
Parler pour ne rien dire et ne rien dire pour parler…disait P. Dac

Bonjour Sandrine,

Suite au ton ironique employé, pour parler plus sérieusement, le terme « coach » en « o » fermé suivit de « tch »
me paraît moins esthétique que « mentor » en « o » ouvert, mais moins mode, dommage. Nous avons tout ce qu »il faut dans la langue française pour aborder la plupart des concepts, relativement sereinement.
(Et ceci, bien que que le langage ne soit qu’ un entonnoir pour la pensée).

Cordialement

Bonjour Sandrine,

Connaissez-vous la traduction anglaise de « coach » que les instances linguistes utilisent (les médias).
est-ce : entraîneur, conseiller, meneur, mentor, répétiteur, formateur, tuteur ?
Il est certain que ces mots anglais ne sont pas esthétiques, il faut être « mode ».

restons sur le français pour cette fois,  » coach » « ça sonne ».

Bonjour,
Je « viens d’apprendre » que les organisations censées aider les personnes démunies effectuent des maraudes.
Plutôt que de les voler ne doivent-elles pas leur apporter du soutien et des biens ?
Je vous présente des excuses, elles recherchent des clients, l’esprit mercantile est bien ancré dans nos sociétés.
salutations
FB

Bonjour à tous,

permettez-nous d’ajouter le « hein » « servant de ponctuation » qui fait sa réapparition en force, sur les ondes médiatiques… lui aussi particulièrement agaçant (puisque l’on ne peut répondre à ce qui devrait être une question, certes familière)…

A propos de <>, il y a, c’est sûr, les fins de prises de paroles avec <>.
J’entends de plus en plus souvent <>, et parfois <>. Sacré curiosité !
J’ajouterai aussi cette formule qui devient systématique en fin de message : <>. Venant de tout le monde, et donc, n’importe qui, cela ne me parait plus avoir de signification, en tout cas pas celle du dictionnaire.
Salutations.

Que dire des insupportables « c’est vrai que » et « en fait » (qui ponctue à peu près tous les cinq mots le langage adolescent…) !

Bravo : ces tics valaient bien une réplique du tac au tac. Mais comment avoir pu oublier un pollueur de premier ordre, un TOC linguistique qui pollue le discours de tant de parleurs professionnels ou occasionnels ? Il s’agit bien sûr de l’inénarrable « assez »…

Les ministres sont « assez » préoccupés d’une situation, mon voisin « assez » agacé des bruits de motos, ma femme « assez » jalouse, et mes enfants « assez » bons en orthographe ! En ont-ils tous vraiment assez, ont-ils leur dose du sujet en question, la satiété les a-t-elle saisis ?

Il s’agit sans doute d’une forme perverse de ce que vous dénoncez comme un aspartame du discours, d’une difficulté à assumer un sentiment ou un état de fait. Au total, mais cette fois au sens propre, lorsqu’ils « disent ça, ils ne disent rien » et leurs propos sont perçus avec un flou bien peu artistique par leurs interlocuteurs…

Pratiquement, si l’on ne peut le remplacer par « suffisamment », il vaut mieux s’en abstenir. Espérons que … c’est assez clair !

Bien littérairement,
Chambaron

    Bonjour Chambaron, je vous rassure, il ne s’agit pas d’un « oubli », mais d’une volonté de sélection. Répertorier et expliquer l’ensemble des tics de langage reviendrait à écrire un livre entier, n’est-ce pas ? 😉
    De plus, « assez » est très proche d’un autre tic qui « minimise » et qui est traité dans l’article : « un petit peu ».

      Bien sûr Sandrine, bien sûr…

      Mais il est plus important de faire feu sur les dérives des « institutionnels », des journalistes ou des publicitaires que sur celles de l’homme de la rue, et certaines deviennent vraiment entêtantes…

      Vous me pardonnerez de vous avoir un tantinet titillée là-dessus, et j’espère bientôt sur ce blog quelque autre charge, spirituelle, contre le viol continu de la syntaxe comme arme massive de destruction de la langue. Ainsi que le diraient élégamment France Info ou d’autres :  » On se demande bien qu’est-ce qu’ils vont encore inventer pour mal parler « .

      Bien littérairement,
      Chambaron

    Bonjour Thibault, je voulais surtout traiter les tics de langage « modernes ». En effet, la forme « ben », déformation de « bien » est attestée depuis le début du XIXe siècle, pour une prononciation certainement plus ancienne. Elle marque un usage rural ou familier (ben quoi ?) et se généralise dans la seconde moitié du XXe siècle (bon, ben…).